INÈS BOUBAKRI & ERWANN LE PECHOUX : NOTRE HISTOIRE

Le couple formé par Ines Boubakri et Erwann Le Pechoux est devenu l’une des plus belles histoires de la dernière olympiade lorsque les deux amoureux ont remporté chacun une médaille olympique pour leur pays. Mais une longue histoire précède cette consécration sportive commune ou le hasard s’est mêlé pour que la jeune espoir tunisienne rencontre le fleurettiste français. Il nous raconte dans cette première partie leur passion commune pour l’escrime, leur rencontre et leur quotidien de fleurettistes.
Boubakri Le Pechoux
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En complément de notre campagne de sensibilisation contre le racisme, la rubrique Sans Filtre et en Couleurs met en avant des sportifs d’exception qui nous partagent des récits de vie profonds sur des sujets comme le vivre ensemble ou la lutte contre les discriminations. 

Le couple formé par Inès Boubakri et Erwann Le Pechoux est devenu l’une des plus belles histoires de la dernière olympiade lorsque les deux amoureux ont remporté chacun une médaille olympique pour leur pays. Mais une longue histoire précède cette consécration sportive commune où le hasard s’est mêlé pour que la jeune espoir tunisienne rencontre le fleurettiste français. Ils nous racontent dans cette première partie leur passion commune pour l’escrime, leur rencontre et leur quotidien de fleurettistes.

NOS DÉBUTS DANS LE MONDE DE L’ESCRIME

Inès : J’ai commencé l’escrime en Tunisie très jeune, car ma mère en faisait. Elle a d’ailleurs participé aux JO d’Atlanta en 1996. Je l’accompagnais tout le temps donc ça s’est fait naturellement. Je suis restée en Tunisie jusqu’en junior. Une fois mon BAC obtenu et après les championnats du monde junior mes parents m’ont laissé venir en France pour continuer à progresser.

Erwann : Pour ma part, j’ai commencé par hasard. J’avais essayé plusieurs sports et je n’avais accroché à rien. L’escrime m’a alors plu bien que personne n’en faisait dans ma famille, par la suite ils s’y sont mis. J’ai très vite eu de bons résultats dans les catégories de jeune. Mes maîtres d’armes formateurs ont de suite cru en mon potentiel et n’ont pas hésité à en faire plus pour moi. Ils venaient en dehors des horaires normaux pour que j’ai des entraînements en plus. Ils m’ont toujours soutenu ainsi que ma famille sans pour autant trop me pousser. Par exemple, lorsque j’étais jeune je n’avais pas le droit de tirer dans la catégorie supérieure la première année. Du coup je n’ai jamais été las de l’escrime et j’attendais avec impatience ma seconde année dans la catégorie pour doubler mes compétitions et affronter les plus grands. Après dix ans en club j’ai intégré un CREPS (centre national des équipes de France junior) à Aix puis en région parisienne. Enfin, dans ma dernière année junior, je suis rentré à l’INSEP avec les meilleurs seniors français. J’y suis depuis 17 ans.

NOTRE RENCONTRE

E : Nous ne sommes pas d’accord sur le fait de savoir si on se connaissait de nom avant de se rencontrer…  Nous nous sommes vus la première fois après les Jeux d’Athènes lors d’une compétition en France en 2005. Le hasard a fait qu’Inès s’est retrouvée au même endroit que moi, elle faisait un stage et moi la compétition. Elle a toujours voulu me faire croire qu’elle ne me connaissait pas, mais je pense le contraire.

I : Non je ne le connaissais pas, à cette époque ! Brice Guyart oui, car il était champion olympique et que j’avais suivi les Jeux Olympiques de 2004, mais Erwann Le Pechoux je ne le connaissais pas encore.

E : C’est une blague entre nous, mais c’était normal qu’elle ne me connaisse pas. Elle était une jeune junior à ce moment donc c’était normal qu’elle soit  également une inconnue pour moi.

I : En 2005 nous avons donc juste bavarder, mais sans plus. On s’est recroisé en Égypte pour une coupe du Monde quelque temps plus tard. On s’est bien entendu sur le moment, mais nous ne sommes pas restés en contact. Puis en 2007 je suis venu m’installer en France et on s’est croisé de plus en plus sur les compétitions, car je faisais tous les circuits nationaux. Je commençais également à m’entraîner à l’INSEP en tant que partenaire. C’est petit à petit que nous avons commencé à créer des liens. Avant de commencer notre histoire, je n’avais pas vraiment d’apriori sur Erwann. Je n’ai su qu’il était fort en escrime que par la suite. Je le voyais comme un ami vraiment, rien de plus, vis-à-vis de ma famille et de ma culture je n’aurais jamais imaginé autre chose. D’autant plus qu’il avait déjà un enfant.

Nous avons des cultures et des traditions différentes. C’est vrai que je n’avais jamais pensé me mettre en couple avec un français, ou plutôt avec quelqu’un qui ne serait pas tunisien. Il a fallu du temps, mais “l’amour a pris le dessus” et on s’est finalement marié.

E : Notre première rencontre est vraiment le fruit du hasard. J’avais suivi des copains à moi qui étaient à la compétition déjà la veille, et c’est vrai que s’ils s’étaient mis ailleurs qu’à cet endroit-là je n’aurais pas rencontré Inès. On s’est recroisé quelques années après et elle a ensuite décidé de venir s’installer en France, encore un peu par hasard, pour pouvoir faire de l’escrime à haut-niveau. Il y a eu donc quelques concours de circonstances qui nous ont amenés à cette relation, car quand elle est arrivée en France, je la voyais comme une jeune étudiante qui était dans la section loisir adulte débutant de son club alors qu’elle avait déjà un niveau international junior très correct.

Je n’ai pas vu son potentiel de future médaillée olympique au premier abord. Rapidement elle a montré des capacités, surtout mentales qui ont commencé à nous faire penser qu’elle pouvait aller plus haut. Pour vous donner une idée quand les filles discutaient des futures adversaires, si elles tombaient sur Inès elles se disaient : « bon je prends une Tunisienne, elle n’est pas très forte ça ira ». C’est là où on se rend vraiment compte du chemin parcouru.

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NOS POINTS COMMUNS ET NOS DIFFÉRENCES

E : Quelques points communs nous ont rapprochés. Nous sommes tous les deux bosseurs. Par exemple pour moi ça m’a permis d’avoir une carrière assez longue, je suis en équipe de France depuis 2003 et je n’ai jamais raté aucune compétition. J’ai bientôt 36 ans donc cette longévité est due en grande partie au travail fourni au quotidien. J’aime l’entraînement et la vie de sportif de haut-niveau. Même si c’est souvent très dur, j’essaye d’en faire plus que les autres pour me sentir bien et ne rien avoir à regretter. J’ai la chance aussi depuis quelques années d’avoir un aménagement dans mes missions professionnelles. Je suis quasiment déchargé à 100 % par l’INSEP (je travaille pour le Ministère des Sports en tant que professeur de sport) ce qui me permet dès mon entraînement terminé de me reposer et de bien récupérer. Inès est très travailleuse également.

I : En arrivant en France, j’habitais loin du club, je rentrais très tard et je partais en compétition toute seule. Mais ça ne m’a jamais empêché de continuer et de persévérer. J’avais un objectif très précis et je faisais tout pour l’atteindre. J’étudiais en même temps, mais sans le statut de sportif de haut-niveau, pas d’horaire aménagé donc c’est vrai que j’avais un emploi du temps chargé. Je dormais moins de 6h par jour.

E : Je pense qu’elle est bien plus forte que moi de par la force de caractère qu’elle a démontrée tout au long de son parcours. Pour moi, je me rends compte que tout a été plus ou moins facile. En France, à partir du moment où on détecte des qualités sportives en toi, tu auras accès à des infrastructures de qualité et tu auras un accompagnement scolaire. Quand j’arrive à l’entraînement, tout est prêt, mon entraîneur décide de tout, il prévoit le programme, les compétitions, etc. Nous sommes aidés pour la logistique également. C’est vrai que ça ne m’a pas aidé à devenir autonome à l’inverse d’Inès qui a cette faculté à l’être, à s’adapter et à se prendre en main toute seule.

Je trouve que cela se ressent sur la piste. Par exemple quand toi tu vas être un peu fatigué et tu vas commencer à baisser un petit peu, Inès au contraire elle aura cette faculté de se battre jusqu’à la fin, même si personne n’y croit. Je me souviens de son match pour la médaille de bronze lors des Jeux Olympiques, elle était menée 6-2. N’importe quel autre tireur aurait lâché en disant « bon voilà j’ai trop de retard », mais elle non. Son parcours, son histoire et sa force de caractère ont fait qu’elle s’est révoltée. Sa victoire 15-11 lui a permis d’être médaillée olympique.

Nous sommes deux vrais passionnés d’escrime, on prend du plaisir autant à tirer qu’à regarder l’autre tirer. On va donc se voir souvent en compétition, et c’est vrai que toute notre vie pour le moment tourne un peu autour de ça. Nous avons beaucoup d’amis en commun issu de l’escrime, mais c’est un bonheur de partager la même passion avec sa compagne.

Un jour avec Inès et Erwann

Par contre en dehors de l’escrime, c’est vrai je suis un vrai fan de sport, à regarder ou à pratiquer, et Inès ne l’est pas.

I : Pour ma part je fais tellement d’escrime que lors de mon temps libre je préfère faire autre chose que du sport ! Le combo sieste/série me va très bien, Erwan sera lui plus motivé pour un tennis ballon 😉

E : Voilà nous sommes très proches sur l’escrime, mais pas sur le sport en général. Dans la vie bien sûr nous avons quelques différences, Inès est accroc aux réseaux sociaux et moi je déteste.

I : J’ai besoin de followers ! (rires)

E : Elle y passe sa vie..

I : C’est générationnel, il est vieux, moi je suis jeune c’est normal (rires).

E : C’est notre plus grande différence, donc au final ce n’est pas si important.

I : Ça me permet surtout de rester en contact avec ma famille, mes amis et mes fans en Tunisie. Maintenant c’est vrai que notre société fonctionne comme ça, dans le sport c’est pareil, pour les sponsors ça aide d’avoir une communauté sur les réseaux et la rendre vivante.

NOTRE QUOTIDIEN

I : Au quotidien, concilier notre carrière personnelle avec notre vie de couple est finalement quelque chose de plus simple en étant tous les deux sportifs dans le sens où on comprend les besoins et exigences de chacun. Ce que ne comprendrait pas forcément une personne qui n’est pas sportive de haut-niveau.

E : C’est dur physiquement, mais surtout mentalement. Il y a souvent des moments où tu rentres chez toi et tu n’es pas bien, tu doutes et tu as besoin d’en parler. C’est forcément plus simple de discuter avec quelqu’un qui sait exactement ce que tu ressens et qui saura quoi dire pour te remonter le moral. Après c’est difficile quand nous ne sommes pas bien et fatigués tous les deux en même temps, mais c’est rare. Un autre exemple :  Inès rentre de l’entraînement à 23h30, il y a peut-être des personnes qui n’accepteraient pas ou ne comprendraient pas. Passer la soirée tout seul après une journée de travail n’est pas plaisant. En revanche, moi je comprends, je la soutiens et c’est la même chose sur les compétitions quand on part quelques jours.

I : De plus partir en compétition chacun de notre côté nous permet de couper un peu et d’être encore plus heureux de se retrouver après.

E: Et de temps en temps nous avons des compets en communs, là c’est encore plus pratique et agréable.

 

INÈS & ERWANN

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