Histoires méconnues du Tour : Elles auraient pu rentrer dans la légende, mais sont restées relativement méconnues. On vous propose trois histoires incroyables sur le Tour de France.
Le premier cas de dopage dans le Tour, Jean Malléjac
Jean Malléjac est sans doute inconnu pour la plupart des suiveurs cyclistes. Mais pourtant, il sera la principale victime du premier cas de dopage de l’histoire du Tour de France.
Remontons 66 ans en arrière, au Tour de France 1955. Louison Bobet se dirige tout droit vers un 3e sacre, dominant de la tête et des épaules cette édition. De son côté, Jean Malléjac est un sérieux candidat au podium final, ayant fini 2e deux ans plus tôt. Nous sommes le 18 juillet, au départ la 11ème étape, entre Marseille et Avignon.
La chaleur est étouffante, et le parcours tout autant. Le passage par le Mont Ventoux sera le lieu d’un drame pour le cyclisme français. A l’aise jusqu’au Mont Ventoux (8e du Tour 55 pour l’instant), Jean Malléjac zigzague dès les premières pentes du Mont Chauve. Il s’effondre quelques mètres plus tard, sur le bitume brûlant de cette montée qui deviendra mythique. Il tombe inanimé, et il faudra de longues minutes aux médecins pour le réanimer.
Histoires méconnues du Tour – Une enquête ouverte
Cette scène provoque un vive émoi dans toute la France. L’organisation ouvre très rapidement une enquête pour « doping », nom donné à l’époque pour le dopage. Son soigneur, qui était également celui du Luxembourgeois Charly Gaul, est suspecté et est exclu du Tour. C’est le premier cas de dopage dans l’histoire du Tour.
Une enquête révélera plus tard qu’il avait absorbé des amphétamines. Pourtant, Jean Malléjac a toujours nié « avoir fait usage de produits dopants » et affirme avoir été victime d’une insolation sur les pentes du Ventoux.
Dans un entretien à l’ORTF en 1967, il avouera sans vraiment le savoir avoir été « dopé à son insu », déclarant que son bidon avait un « goût amer » quand il l’avait pris dans sa poche. Un bidon « mystérieusement vidé » au cours de son transfert à l’hôpital. Décédé en 2000, Jean Malléjac n’aura jamais vraiment dévoilé la vérité sur cette histoire.
12 ans après, Tom Simpson s’écroule sur les pentes du Mont Ventoux. Mais lui ne reviendra pas à la vie. Ce drame est causé par l’abus d’amphétamines, déjà mis en cause dans l’affaire Malléjac. La mort de Tom Simpson résonne encore dans toutes les têtes lors du passage au Ventoux, où une stèle commémore son passage.
Histoires méconnues du Tour – La prédiction funeste du furieux Henry Anglade
Roger Rivière aurait été l’un des plus grands. Roi de la piste, meilleur rouleur de la planète, peut-être même de tous les temps, il aurait pu, aurait dû devenir le grand rival de Jacques Anquetil sur la route dans les années 60. Un rôle finalement dévolu à Raymond Poulidor. Poupou était aussi différent d’Anquetil que Rivière lui ressemblait. Qui sait, ce duel-là aurait peut-être, lui aussi, fasciné la France entière. Mais le destin en a décidé autrement.
Le Tour 1959 a prouvé une chose. Pour son premier Tour de France, Rivière s’est montré fort, très fort. Proche du niveau de Jacques Anquetil, il n’a eu cesse de se battre. Après « l’Accord de Poigny » entre Anquetil, Bobet et Geminiani, aucun des 4 ne remporte le Tour. Mais ce qui est sûr, c’est qu’un jour, le maillot jaune sera pour Roger Rivière. Fort en haute montagne et imbattable dans les chronos, il peut régner en maître sur n’importe quelle course.
Rivière grand favori
A l’annonce des participants du Tour 1960, Rivière fait office de favori. Jacques Anquetil est absent, Geminiani et Bobet sont à la retraite. Il ne reste guère qu’Henry Anglade, qui a désormais rejoint l’équipe nationale. Rivière vient de Saint-Etienne, Anglade de Lyon. La rivalité est immuable et l’entente impossible. L’événement déclencheur de cette stratégie se passe lors de la 6e étape. Surnommée « l’affaire de Lorient », une échappée de leaders s’envole. Au sein de cette échappée, Rivière est là, mais pas le maillot jaune Anglade. Le peloton perd 15 minutes, et Anglade le Tour. Devant les journalistes, il se lâche « Rivière n’avait pas le droit de faire ça. On a assassiné le maillot jaune ». Il livre alors une funeste prémonition : « Je ne gagnerai pas le Tour, mais Rivière non plus. Il va faire des erreurs à vouloir suivre Nencini ».
A la sortie des Pyrénées, le Tour se joue entre Gastone Nencini (Italie) et Roger Rivière. Rivière a du retard, mais est serein. Dans quelques jours, le long contre-la-montre de Besançon (83km) est totalement en sa faveur, et remporter le Tour ne sera alors qu’une formalité. Le 9 juillet sera son dernier jour de bonheur. Une journée de repos avec sa femme, un dernier moment d’homme et de champion. Avant la chute.
J’ai pensé : Tu te tues , Roger, tu te tues
Le lendemain, lors de la 10e étape entre Millau et Avignon, Roger Rivière chute. Dans la descente du Perjuret, Louis Rostollan mène le groupe maillot jaune. Le coéquipier de Rivière fait le rythme dans cette descente sinueuse et dangereuse. Il est 12h13, un virage serré et avec des graviers s’annonce. En passant en première position, Rostollan décide de sa trajectoire, et ne chute pas. Nencini, juste derrière, dérape dans les graviers mais reste sur son vélo. Rivière, en 3e place, n’aura pas le même destin. D’un coup, Rostollan entend un bruit sourd et glaçant. « C’est Roger ? », demande le maillot jaune, inquiet. Rostollan s’arrête et remonte la route.
Et là, il voit le drame qui vient de se passer. Roger Rivière a heurté un muret et s’est vu expédier 15 mètres plus bas, après plusieurs tonneaux. Il est brisé de partout, et son coéquipier le croit mort. Il n’en sera rien, Rivière n’ayant même pas perdu connaissance. Toutefois, quand son corps s’immobilise, le voilà recroquevillé, la tête posée sur un oreiller de feuilles. La photo qui immortalisera la scène le montre la joue gauche au sol et la main droite sous cette même joue. Comme s’il s’était assoupi. Roger Rivière déguste. Une souffrance aigüe, comme il le racontera un mois plus tard au Parisien Libéré : « Ce que j’ai enduré était si pénible, que j’aurais préféré me tuer sur le coup. » De l’accident, il gardera une vision : « je me suis vu partir. J’ai pensé : tu te tues, Roger, tu te tues ! »
Un accident et un destin totalement brisé
Cela a duré l’espace d’un éclair, d’un instant, mais j’ai eu le temps de penser à des tas de choses, aux miens, à ma maison de Veauche, puis ça a été le choc. » Il faut une infinie précaution pour l’extraire du ravin et le ramener jusqu’à la route, chez les vivants. Fourbe jusqu’au bout, le petit Perjuret interdit à l’hélicoptère qui doit l’emmener jusqu’à Montpellier de se poser. La place manque. L’hélicoptère vivra alors une tragi-comédie, tentant de se poser dans un champ. Un champ où un agriculteur furieux ne souhaite pas voir l’engin se poser et détruire ses récoltes. « Sortez de mon champ, leur crie-t-il. Vous n’avez pas besoin d’écraser mes haricots pour faire vos photos ». « Ta gueule, on a autre chose à faire », répond un journaliste.
Roger Rivière ne perdra pas ses jambes, mais boitera à vie. Adepte du « doping » selon les dires de certains de ses proches, la cause de cette chute vient peut-être dans la poche arrière de son maillot. On y retrouva plusieurs pilules d’amphétamines, et un cachet de palfium. Ce puissant analgésique permet d’éliminer les douleurs à l’effort mais il a pour effet secondaire un retard dans les réflexes et une perte de sensibilité dans les doigts. Victime d’un cancer des cordes vocales, il s’éteint à 40 ans, 16 ans après avoir perdu sa vie de champion.
Histoires méconnues du Tour – Tour de France 1997
Bjarne Riis est celui qui a mis fin au règne de Miguel Indurain, après 5 ans de domination sans partage de l’Espagnol. Impressionnant sur l’Amstel Gold Race au printemps, Bjarne Riis arrive à Rouen, ville du Grand Départ, dans la peau du grandissime favori. Vainqueur sortant, rien ne semble pouvoir l’inquiéter, à part peut-être son coéquipier Jan Ulrich.A 22 ans, Ulrich a l’avenir devant lui, mais ne semble pas décidé à attendre. Le principal rival de ces 2 coureurs de la Telekom est un français. Richard Virenque a fini 3e un an plus tôt. Le héros du public mise tout sur le Tour en cette année 1997, et semble bien décidé à succéder à Laurent Fignon dans les vainqueurs français.
Comme à son habitude, Mario Cipollini règne sur les étapes de plaine. Toutefois, c’est Erik Zabel qui porte rapidement le maillot vert, s’imposant sur des terrains trop compliqués pour l’Italien. Au terme d’une échappée solitaire, Cédric Vasseur s’empare du maillot jaune à La Châtre. Un maillot jaune qu’il conservera 5 jours, avant de le perdre à Andorre-Arcalis. Ulrich prend alors le contrôle sur la course, et domine outrageusement tous ses concurrents. De Marco Pantani à Richard Virenque en passant par Abraham Olano, personne ne peut suivre l’Allemand.
Histoires méconnues du Tour – Ullrich a failli tout perdre dans les Vosges
Cependant, ce dernier a un coup de mou dans les Vosges, en particulier dans l’étape 18 entre Colmar et Montbéliard. Observateur, Richard Virenque, alors 2e au général, tente un coup de maître. Il tente de monter une échappée avec Abraham Olano, Marco Pantani et Fernando Escartin. En proposant 1500 euros à Marco Pantani, Richard Virenque espère avoir son soutien. Mais l’Italien refuse. La mésentente est complète entre les leaders, et Ulrich réussit à finir dans le peloton. Pourtant, quelques jours plus tôt, Jan Ulrich n’avait lui pas hésité. Echappés dans la dernière montée avec le Français, il avait accepté un pot-de-vin, lui laissant la victoire à Courchevel.
Cette victoire au sommet marque le début de la « Virenquemania » qui rythmera chaque été les envolées de Richard Virenque en montagne. Jan Ulrich remporte le Tour de France 1997 avec 9min09 sur Richard Virenque, 2e. Un an plus tard, le Français et son équipe seront exclus de la course, suspectés d’avoir utilisé l’EPO à grande échelle. Entre cette affaire de corruption et l’EPO, la fin des années 1990 dans le Tour de France est très tumultueuse.