Manon Trapp : “Il faut rendre le 5000 m plus attractif en France”

Manon Trapp fait partie des jeunes espoirs de l’athlétisme français ! Spécialiste du 5000 m, 10000 m et semi. A 20 ans, elle nous raconte son parcours
Manon Trapp - L'espoir du fond français
Manon Trapp – L’espoir du fond français

Manon Trapp, 20 ans, fait partie de la jeune relève féminine sur le fond. Spécialisée sur 5000 (5km) 10000 m (10 km) et semi-marathon, la jeune athlète vient de valider son billet pour les championnats d’Europe Espoirs. Grâce à un record personnel porté à 15’55”70 sur 5000 m, elle s’envolera pour un championnat majeur. Manon Trapp nous raconte son parcours, de sa découverte presque par hasard de l’athlétisme, en passant par son feeling et son apprentissage de la piste. Elle aimerait que les organisateurs accordent plus d’importance aux jeunes françaises, qui commencent à émerger. Elle raconte aussi son année particulière marquée par le Covid.

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Crédit photo : DR

MANON TRAPP – AUX ELITES POUR LE CHRONO AVANT LA PLACE

Je suis venue aux championnats de France Elite pour faire un gros chrono et tenter les minima pour les championnats d’Europe Espoirs. Le podium, je me doutais que ce serait compliqué. Je reste satisfaite, la performance reste tout de même très bien, en étant tout près des minima. Que j’ai dans les jambes, mais c’est sûr que ce n’était pas la course pour les réaliser. J’ai voulu lancer la course en mettant du rythme, pour les tenter sachant que j’ai perdu un peu de temps au départ. Mener toute une course c’est compliqué, surtout pour moi qui n’ai pas l’habitude du timing, c’est dur. On verra si cela passe (NDLR : Interview réalisée lundi, avant la sortie de la sélection française pour les Europe Espoirs, où Manon Trapp figure bien parmi les qualifiées). Je pense que je peux faire beaucoup mieux.

Avant de faire de l’athlétisme, j’ai fait onze ans de judo où je suis ceinture noire. J’avais envie de changer de sport, car cela devenait monotone. Le judo est un sport avec des catégories et tranche de poids à respecter. Avant les compétitions, il faut souvent perdre 1 kilo et ce que je faisais, c’est que j’allais dans la forêt pour faire un footing. Et c’est vrai que j’aimais beaucoup faire ça !

Une fois par an, je faisais la course de ma ville et je me débrouillais plutôt bien, tout de suite en 40 minutes sur le 10 km, sans faire d’athlétisme, sauf de rares footings. Je me sui dis : “Pourquoi pas l’athlétisme”. Je me suis inscrite et ce sport m’a tout de suite plu ! Mais je tiens à dire que c’est un sport qui m’a transmis de valeurs fondamentales, comme le courage le respect et la persévérance. Cela a participé à construire la personne que je suis aujourd’hui, notamment sur le plan mental.

Les organisateurs de la course venaient me voir et me disaient que je me débrouillais très bien pour mon âge et pour quelqu’un qui ne fait pas d’athlétisme et que je pouvais être forte. Je disais “oui oui”, mais j’étais super attachée au judo. J’ai fait 7e des championnats de France.

JE PREFERE LE CROSS A LA PISTE

Clairement, le cross c’est ce que je préfères en athlétisme avec la route, en particulier le 10 km. C’est moins monotone que de faire des tours sur piste, la route on a l’impression que cela passe plus vite, ce ne sont pas les mêmes sensations. Sur piste, il y a une vraie concentration à avoir et je me pose encore pas mal de questions sur cela. J’essaie de lutter pour ne pas “m’endormir” dans mon allure et accrocher le lièvre. Paradoxalement, je trouve qu’en championnat cela va mieux, car on ne peut pas s’autoriser à s’endormir dans la course et on est hyper stimulée. Je compare avec le meeting de Carquefou, pour aller chercher le chrono, c’est dur de se dépasser. Et c’et encore pire sur un 10 000 m piste.

J’ai un peu l’impression qu’il y a un petit manque de considération pour les françaises dans les meetings. On va encore reprendre Carquefou. Il y avait deux lièvres. Une pour la vainqueur et une autre pour faire 15’30. Et pourquoi pas pour nous ? Les occasions sont très rares pour faire de grosses performances et élever le niveau français. Les conditions auraient été parfaitement réunies ce soir-là. C’est dommage. On a essayé de se faire mutuellement lièvre, mais cela oblige de relancer pour passer devant. C’était une super entraide mais ce n’était pas optimal. Le lièvre aide aussi à vaincre la monotonie, on s’accroche au lièvre et quand on est lâchés seules, on se dit : “Allez il faut y aller, on ne va pas craquer maintenant”.

MANON TRAPP – POUR RENDRE LE 5000 M ATTRACTIF, IL FAUT PROPOSER DAVANTAGE DE COURSES !

A Carquefou, je n’étais plus vraiment dans ma course car j’arrêtais pas de réfléchir aux allures, savoir si je suis bien ou pas, j’étais paniquée sans savoir si j’étais trop rapide ou trop lente. Si on part trop vite on se crame et le chrono ne sera pas là et si je suis trop lente, il n’y aura pas les minima, c’est ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas encore acquis cette capacité de parfaitement m’écouter et de mes sensations. Une course à la bagarre me convient davantage !

Pour rendre le fond attractif, je pense qu’il faudrait proposer davantage de courses. Car il faut les chercher les meetings qui proposent du 5000 m. Mais il y a pas mal d’initiatives qui sont en train de se créer. Une personne comme Maxime Garcin essaye de monter des courses, en allant chercher les athlètes et de ramener des gens, pour qu’il y ait un peu de performance. Il y a aussi les soirées de Saint-Maur. Mais il faut construire encore plus de meetings avec du niveau. Il faut s’organiser, s’adapter aux athlètes et à leurs échéances.

UNE EMULATION QUI EST EN TRAIN DE SE CREER EN FRANCE

Je m’entraîne tous les jours et il m’arrive doubler en ajoutant des footings. J’avais l’habitude de faire deux séances de piste et une séance de muscu. C’est un peu particulier car j’ai changé de coach et je compte m’entraîner différemment à l’avenir. Je suis clairement dans une période de transition. Pour trouver ce qui me convient le mieux, j’ai énormément de choses à apprendre.

Il y a une émulation qui est en train de se créer en France. C’est super, car cela pousse à se surpasser, ce qui est important. Regardez la génération 1997 qui est en train d’exploser, ils se sont tirés vers le haut et qui se sont hissés à un super niveau. Cela peut représenter un vrai modèle, ils sont soudés entre eux. J’aimerais qu’on crée un même état d’esprit chez les filles, il faut arriver à construire cela. On fait des stages ensemble déjà. Il faut cet esprit d’entraide et de solidarité.

MANON TRAPP – ON SORT D’UNE ANNEE VRAIMENT DIFFICILE AVEC LE COVID

J’ai encore du mal à me projeter sur l’avenir. Quand on me parle de Paris 2024, j’ai l’impression que c’est encore très loin. J’aborde ma carrière saison par saison. L’année prochaine, je vais m’accrocher aux France de 10 kilomètres et sur la saison de cross, je fonctionne surtout à court terme. Après, en fonction de ma progression, j’irai chercher des objectifs toujours plus hauts. J’aimerais briller sur la saison de cross.

On sort d’une année vraiment dure et j’ai hâte de reprendre une saison plus normale. Même s’il y a eu plein de belles performances, cela risque de laisser des traces. Je suis sur qu’on peut voir davantage de grosses performances dans les années à venir. On était tout le temps tous seuls, il y avait ce stress lié au Covid, car on n’est pas tout le temps dans notre bulle d’athlétisme, on ressent ce qu’il se passe autour de nous et cela nous atteint psychologiquement. A cela s’ajoute la peur d’être testée positive au moment de la compétition. J’avais vraiment peur de le chopper, j’évitais d’aller voir des amis où de faire des soirées, car pour nous les conséquences peuvent être énormes. Ce sont des choses que les gens ne voient pas forcément.

MANON TRAPP

Avec Etienne GOURSAUD

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