BILEL LATRECHE – DES COMBATS SUR ET HORS DU RING

Le boxeur Bilel Latreche vous fait découvrir son parcours entre passion pour Mohamed Ali, amitié avec Alexis Vastine et son engagement de tous les instants pour soutenir les causes qui lui sont chères.
Bilel Latreche
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Les sportifs ne brillent pas uniquement sur le terrain mais en apportant une aide à leur communauté par une action, une parole, une prise de position. La rubrique « Engagés » permet à un sportif de partager avec vous une réflexion sur une cause particulière.

Le boxeur Bilel Latreche vous fait découvrir son parcours entre passion pour Mohamed Ali, amitié avec Alexis Vastine et son engagement de tous les instants pour soutenir les causes qui lui sont chères. 

La boxe a toujours été un sport que j’appréciais regarder au travers de certains films ou par le biais de ses plus grands représentants comme Mohamed Ali. Mais à la base, je ne souhaitais pas forcément pratiquer. Je dis souvent que cela m’a plus ou moins été imposé, d’un point de vue familial et social. Nous sommes dans les années 80-90 où la situation dans les banlieues n’est pas simple, et les jeunes font souvent du foot ou un sport de combat comme la boxe.

J’ai donc commencé à 8 ans à Dole dans le Jura par le full-contact, j’avais fait également du Karaté, du kungfu, et du foot.

Comme je vous le disais, Mohamed Ali était une de mes références, un modèle. Il incarnait bien sûr un sportif performant et remarquable, mais aussi un homme engagé dans des combats fondamentaux. Il s’est servi de son aura et de sa popularité pour œuvrer pour des causes nobles : contre la guerre du Vietnam, contre la haine raciale, etc. C’est un modèle pour moi et pour beaucoup de gens dans le monde entier et cela à travers les générations.

DU QUARTIER DE LA ZUP DE DOLE À L’ÉQUIPE DE FRANCE DE BOXE

Au début la boxe était une pratique de loisir, puis au fil du temps j’ai commencé à gagner quelques combats dans les catégories jeunes. J’ai remporté mes deux premiers titres de champion de France de ma catégorie à l’âge de 13 et 14ans en BEA. Puis j’ai été détecté l’année suivante par l’équipe de France ce qui m’a permis de rentrer après plusieurs stages au Pôle France de Vendôme dans le Loir et Cher. J’étais à présent dans une école qui formait l’élite de demain.

C’est à ce moment que je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire, mais sans penser à arriver au niveau international. C’était un rythme soutenu, car nous partions avec les autres boxeurs en déplacement, en France et à l’étranger et nous devions suivre un cursus scolaire normal, donc il y avait beaucoup de rattrapages. J’ai obtenu mon Bac pro en gestion administrative et comptable qui m’a permis de partir dans des études universitaires au cas où la boxe ne me permettait pas de vivre.

Je suis rentré dans ce pôle en même temps qu’Alexis Vastine. Nous étions les plus jeunes et nous sommes partis ensemble boxer en Irlande, en Italie et tant d’autres compétitions. On s’est côtoyé pendant un peu plus de 3 ans, c’était mon pote de chambrée. On a partagé beaucoup de choses et c’était un boxeur hors pair, mais surtout un garçon avec des valeurs fortes, et c’est sans doute pour ça qu’on s’est lié d’amitié.

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Alexis Vastine avait une vraie âme de battant pour les nobles causes. Il était aussi engagé dans plusieurs actions sociales, c’était un homme très sensible à fleur de peau. Il fallait même faire attention à ce que certains problèmes ne viennent pas nous mettre ko moralement, car le transfert était parfois difficile à vivre …

Depuis que je suis petit j’ai toujours été touché par les actions sociales que j’ai pu voir et l’entraide humanitaire comme les campagnes pour récolter de la nourriture à la sortie des supermarchés, ou les cartes de noël qu’on devait vendre à l’écoleIl y a des problématiques qui nous entourent depuis toujours à plusieurs niveaux. Je suis un enfant binational ayant grandi dans un quartier populaire donc forcément j’y faisais face. Le discours était assez négatif à cette époque, avec du racisme et des aprioris. Les problématiques sont différentes aujourd’hui mais le fond est toujours le même … il n’a pas beaucoup évolué et c’est vrai que ça m’a toujours posé problème. Pourquoi ne pas voir les choses de façon positive, essayer de s’en sortir, de s’entraider, et prouver que les médisants ont tort.

LE BESOIN D’AIDER LES AUTRES

J’ai commencé au collège en œuvrant pour des tombolas organisées par des associations et par la suite, à 18 ans je me suis investi complètement dans plusieurs actions. J’avais des amis qui faisaient la même chose, parfois l’un d’eux proposait une mission et on le rejoignait, c’était une bonne spirale. Ma famille a eu la même fibre sociale, on ne communiquait pas forcément là-dessus et chacun était libre de ses actions. Il ne faut surtout pas tomber dans le “moi je” et se targuer de toutes les actions qu’on peut faire. Ce n’est pas parce que tu aides une fois que tu es une bonne personne. Mais c’est un début et il faut continuer, tout en restant à sa place, faire preuve d’humilité et de recul.

Les combats pour l’éducation, l’enfance, l’entraide, les personnes âgées, la fraternité, la paix, le mieux vivre ensemble sont des choses qui me satisfont autant que le réconfort que ça peut apporter aux personnes dans le besoin. Le fait de côtoyer ces personnes permet également de relativiser, de garder la tête sur les épaules, et ne pas être nombrilistes.

Depuis le début je ne peux pas dire combien d’associations j’ai soutenu, un peu plus d’une cinquantaine peut-être. Parfois pour des appels à des dons, pour rendre visite par exemple dans les hôpitaux, les écoles ou les quartiers populaires. Par exemple, une action que je parraine “Les Apprentis d’Auteuil” est l’une des associations que je soutiens : elle aide les jeunes en situation de difficultés sociales. Ma mission était de parler avec ces enfants et ados et d’essayer de leur montrer l’exemple en quelque sorte avec un message d’espoir, mais aussi d’apaiser des souffrances psychologiques et leur redonner confiance en eux. Parfois la réussite n’est qu’une histoire de rencontre …

J’ai passé du temps dans les hôpitaux avec les enfants malades. Ça fait toujours plaisir d’avoir de la visite quand nous sommes dans une chambre d’hôpital, ça leur permet d’oublier un peu le quotidien pendant un matin ou une après-midi. Ils ont également besoin de dons pour acheter tout le matériel nécessaire pour les garder en vie et améliorer leur quotidien. Il y a des jeunes encore aujourd’hui qui meurent avant l’âge adulte, en n’ayant pu explorer ne serait-ce qu’un dixième de ce que je vis où de ce que vous vivez.

RETROUVER LA FRATERNITÉ PAR LA COMMUNICATION

Une cause importante est le mieux vivre ensemble. Je fais des conférences dans les milieux populaires pour essayer de répondre à des questions sur des problématiques sociales et sociétales. Parfois je ne fais qu’apaiser des faux conflits, en justifiant par exemple les agissements des uns et des autres dans des situations différentes. Par exemple récemment, j’ai fait une table ronde avec des jeunes d’un quartier populaire pour recentrer les idées et le débat sur plusieurs sujets (emploi, vivre ensemble et laïcité). J’apporte par mes expériences théoriques et pratiques des réponses à des questions pas si évidente quand certains de ces jeunes ont des problématiques de repères dans la vie ni même de bonnes réponses.

Actuellement, c’est vrai qu’il y a beaucoup de freins à cette entraide, cette égalité, cette fraternité qui sont pourtant nos valeurs. La communication est pour moi le meilleur remède, je ressens clairement ce manque d’échange entre les gens lors de mes interventions. Une des conséquences de cela est la violence qui nous entoure, tant à la télévision que dans la vie.  Le civisme et le patriotisme ne sont pas des notions “has been”. Il faut juste les moderniser, les justifier et les expliquer différemment aux jeunes d’aujourd’hui. Les droits et devoirs, le respect, la tolérance, ce ne sont pas des mots qui ont perdu leur sens aujourd’hui, mais simplement des notions qui doivent être enseignées à la mode d’aujourd’hui. Si nous devons le faire par le biais d’une vidéo avec des emojis à tout va, on le fait, il faut s’adapter. C’est trop important pour baisser les bras comme certains le font.

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Grâce à ma reconnaissance sportive et ma personnalité, je suis plus sollicité ces dernières années. Je ne peux pas répondre positivement à chaque fois, car mon emploi du temps est chargé à cause de mes compétitions. La première problématique est de savoir si ma présence est nécessaire ou pas.
Il y a quatre grandes lignes qui dictent mes choix :
– l’entraide humanitaire (j’ai déjà soutenu et financé un orphelinat, des puits d’eau dans des pays pauvres, la scolarité d’enfants en difficulté financière…), mais il faut que ce soit un objectif précis et pertinent.

– l’enfance en difficulté, au niveau de la santé ou du social.

– l’éducation populaire.

– l’action autour du sport et de la culture.

Je trouve que tout cela a comme conséquence de me remettre à ma place. Je m’explique, tu as beau être un homme bien construit, un champion, un personnage public, quand tu vas voir une enfant de 10 ans atteinte d’une leucémie et un mois après tu apprends qu’elle n’est plus de ce monde, c’est une vraie claque, tu es ko les deux genoux à terre … Personne ne mérite cela, cette petite fille est née en souffrant, partie en souffrant, elle n’a presque rien vécu, et personne ne pouvait rien faire pour elle car c’était son destin. Après ça tu te dis que tu n’es rien.

Je me rappelle quelques moments que j’avais passés avec l’association Dépendance qui lutte contre les addictions et aide les personnes dépressives. Ça m’est arrivé de parler avec des personnes âgées, et quand tu vois le désarroi dans lequel elles sont, c’est une leçon. Naturellement dans l’empathie et la compassion, je dois malgré tout toujours me mettre à leur niveau, les comprendre sans les juger, ne pas montrer une faiblesse mais au contraire être fort pour eux. Il y a un échange et au final on apprend beaucoup sur soi également.

Dans ma carrière je pense que tout cela m’a aidé, aussi bien dans mes victoires que dans mes défaites. J’arrive à relativiser, me dire que voilà j’ai gagné tel combat, mais la réalité est différente pour des jeunes avec qui j’étais un mois avant par exemple.

Pendant un combat je n’ai pas forcément eu de pensées pour les personnes que j’avais rencontrées, je suis très focalisé et concentré sur le combat en lui-même. C’est plus dans les vestiaires avant le combat que cela me donne une certaine haine et rage de vaincre.

À l’entraînement également, parfois je suis éprouvé physiquement et même mentalement, mais une pensée comme cela et je me dis que je ne peux pas me plaindre. J’ai choisi mon sport, j’ai choisi ce que je fais au quotidien, donc je ne peux pas lâcher. Ce n’est pas envisageable. Je dois réussir, pour eux autant que pour moi.

Je pense que les sportifs en général sortent gagnants de ces échanges. D’une part pour soutenir les gens dans le besoin et on sait tous qu’ils sont nombreux. D’autre part pour relativiser par rapport à ce qu’ils peuvent vivre et aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer ainsi que pour rester humble par rapport au succès. Ces personnes qu’on rencontre, ils vous le font sentir si vous n’êtes pas naturel. Ils vous font sentir que vous n’êtes pas à votre place. Il faut développer de la compassion et de l’empathie, peu importe qui nous sommes. Quand on rentre dans un hôpital, qu’on soit Zidane, Mohamed Ali ou autre, nous ne sommes plus un champion, mais un être humain.

J’ai fait quelques actions avec d’autres sportifs, comme Gregory Coupet, Ronald Pognon, Sylvain Wiltord, Yannick Noah, Steeve Guenot, Jackson Richardson … c’est génial, car on peut se servir de notre notoriété commune pour de nobles causes. Ça permet d’échanger avec d’autres athlètes et une fois qu’on est sur place nous sommes tous égaux. On tire tous le même sens et tout le monde est gagnant. Ce sont de belles leçons de vies et je vais continuer mes différents combats, briller sur le ring et éclairer en dehors.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’aident depuis mon plus jeune âge. Mes parents, mes amis, mes équipes sportives,  mes partenaires et mécènes sans qui je ne serai jamais arrivé à avoir ce statut et ce niveau sportif. Merci à tous … que le salut et la paix soient sur vous.

BILEL

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