Audrey Deroin – Mérignac Handball m’a offert une belle opportunité

Avec 172 buts en 112 sélections en équipe de France, entre 2008 et 2014, Audrey Deroin a une carrière remplie. A 32 ans, elle continue d’empiler les buts
Programme 8e journée de LBE - Brest contre Besançon et Nantes Metz sont au programme d'une journée explosive en Ligue Butagaz Energie.
Programme 8e journée de LBE – Brest contre Besançon et Nantes Metz sont au programme d’une journée explosive en Ligue Butagaz Energie.

Avec 172 buts en 112 sélections en équipe de France, entre 2008 et 2014, Audrey Deroin a une carrière bien remplie. A 32 ans, elle continue d’empiler les buts, avec Mérignac Handball, club qu’elle a rejoint en 2018, alors que les Girondines évoluaient en D2. A l’image de son équipe qui réalise un début de saison très honorable, en étant 5e de la Ligue Butagaz Energie, l’ailière droite débute le championnat de façon canon. Elle a inscrit 28 buts en 4 matchs et est 3e meilleure buteuse de la LBE. Elle raconte ce début de saison et son passé en équipe de France. Elle raconte son choix, son risque d’être redescendue en D2 pour signer à Mérignac. Un choix payant aujourd’hui pour Audrey Deroin, dans un club girondin en pleine progression.

Crédit : Kristo-Sport

AUDREY DEROIN – CETTE PREMIÈRE VICTOIRE ME TENAIT A COEUR

Vous avez joué trois matchs à domicile, c’était important de marquer des points d’entrée de championnat ?

Cela nous tenait à cœur de prendre les trois points sur notre dernier match de championnat. Surtout après les deux nuls à domicile. Il y eu la défaite à Brest, mais cela reste face aux Brestoises. L’an passé, on a mis du temps à obtenir cette première victoire et on ne voulait pas répéter la même chose. Dès la 4e journée, la victoire est vraiment sympa et elle fait du bien à la tête. Les deux matchs nuls nous ont aussi apporté des points, mais ce sont deux matchs où on aurait pu remporter la victoire. Mais on n’a pas perdu et après quatre matchs, cela permet d’avoir un classement un peu plus favorable que l’année dernière.

On dit souvent que quand une ailière marque beaucoup, c’est que le projet de jeu vit bien, vous confirmez ?

Les filles seraient contentes d’entre dire que si je marque c’est parce que je projet de jeu vit bien. Je suis la première à râler, car je trouve que je n’ai pas assez de ballons (rires). Pour être honnête, plus j’en ai et plus j’en demande. Je mets pas mal de buts, mais il ne faut pas oublier que j’ai aussi les penaltys. Même s’il faut les mettre, je tiens à dire que ces penaltys, c’est grâce aux filles. Il faut le mettre, car c’est un travail d’équipe. Oui, on s’appuie beaucoup sur nous les ailières, mais on peut encore apporter encore davantage. Je demanderai toujours plus et je râlerai si je n’ai pas de ballons. Mais je préfère mettre moins de buts et gagner le match, parce que marquer beaucoup de buts et perdre, non merci ! Ce ne sont que des stats.

TOUJOURS FLATTEUR QUAND L’ADVERSAIRE DIT QU’IL FAUT FAIRE ATTENTION A TOI

Vous avez quasiment tout connu dans votre carrière, être 3e meilleure buteuse au sein d’une équipe qui joue le maintien, est-ce plus difficile ?

J’aime marquer, j’aime tirer et cela se voit dans mes stats, où je tourne entre 12 et 14 tirs par match. Les gens peuvent se dire : “Elle est arrière !”. J’aime beaucoup le ballon, j’aime beaucoup jouer. Mais cela peut être préjudiciable, quand je suis en échec. Après je ne me suis jamais posé la question de savoir si c’était plus facile de scorer dans un club qui joue le maintien ou un club qui joue le haut de tableau. La seule chose que je sais, c’est que quand j’ai le ballon, il faut que ça aille au fond.

Est-ce que vous allez être surveillée davantage par les défenses adverses ?

Quand on met des buts, les gens vont dire : “Faites attention à Deroin”. Mais je pense que la vraie force de l’équipe, c’est que cela marque de partout. Les équipes adverses se disent finalement qu’il faut faire attention à plusieurs filles et l’ensemble de l’équipe. Car nous sommes plus performantes. Les adversaires vont forcément être sur leurs gardes. Après oui j’espère être plus surveillée, c’est toujours flatteuse pour une joueuse d’entendre qu’il faut que l’adversaire fasse attention à soi. Cela fait du bien à l’égo. Ceci dit je ne calcule pas.

AUDREY DEROIN – LA LFH DANS LES TROIS MEILLEURS CHAMPIONNATS D’EUROPE

Je peux prendre également l’exemple de Marine Dupuis à Toulon (NDLR : La meilleure buteuse du championnat avec 32 buts). Le dernier match, on a joué contre elle, mon but c’était qu’elle n’en mette pas autant. Elle n’a marqué que sur 7 m ce jour-là ! Alors elle en a mis énormément, mais elle n’en a pas marqué sur son aile, car elle était très surveillée. Oui, on regarde toujours une buteuse. Mais, vouloir bloquer à tout prix une ailière peut offrir d’autres solutions. Bloquer une ailière, cela reste assez facile, par rapport à une arrière. Quand on me prend en strict, cela ouvre des intervalles à nos arrières. Et une fille comme Julie Dazet fait un énorme début de saison. On voit qu’elle prend énormément les intervalles et met pas mal de buts comme cela. Ce sont des avantages.

On a vraiment le sentiment que le niveau de la LFH a augmenté cette année

Chaque année le niveau de la LFH augmente, les étrangères et meilleures joueuses du monde viennent de plus en plus jouer en France. Cela fait un championnat vraiment très intéressant. Et ces filles ne jouent pas que dans les plus grosses équipes, elles sont dans toutes les équipes. Cela donne un championnat hyper attractif ! Avant, on parlait souvent de l’Allemagne, de la Hongrie et du Danemark. Maintenant, on fait partie des trois pays les plus forts au handball. Notre championnat attire de plus en plus.

JE SUIS FOCALISEE SUR MES PERFORMANCES EN CLUB

Cela se ressent en termes d’engouement ?

L’engouement se ressent, même si au MHB, on a la plus petite salle du championnat. On manque encore de diffusion, même si, avec Sport en France, il y a un match par semaine qui est diffusé ! C’est aussi grâce aux résultats de l’équipe de France, elles sont performantes et font des médailles. Cela amène plus de licenciées, plus de vues. Les gens aiment ce sport et s’intéressent aussi bien aux masculins qu’aux féminines. Le handball est un sport très complet, qui dure une heure, avec des buts et le public va aimer regarder ce genre de sport. Et s’y intéressent de plus en plus. Le handball se développe et notre métier se développe.

Il y a eu un rassemblement de l’équipe de France, vous avez connu cette équipe par le passé, est-ce que la page est tournée pour vous ?

Lire aussi : Mérignac Handball – Rester en LBE, formation, pérennisation

L’équipe de France est la cerise sur le gâteau. Etre médaillée d’or olympique, c’est la consécration ultime, le rêve de tout athlète et l’aboutissement de la carrière. Mon but est d’abord de faire des performances avec mon club, que ce soit individuellement ou collectivement. Si un jour j’ai la chance d’être appelée… Une sélection ne se refuse pas. Ce serait un bel aboutissement et un graal ! Il y a eu cet aparté également en Afrique. Je suis partie avec le Congo, car je me suis laissée l’opportunité de vivre une expérience en Afrique, avec Thierry Vincent.

C’EST QUAND J’AI QUITTÉ L’ÉQUIPE DE FRANCE QUE J’AI COMPRIS CE QUE CELA REPRÉSENTAIT POUR MOI

Je suis arrivée en équipe de France de 18 à 25 ans, avant ma blessure au genou. J’étais jeune et quand on est dedans, on ne prend pas forcément conscience de ce que cela représente. On prend conscience de cela quand on arrive aux JO. Dans mon cas en 2012, car c’est une compétition magnifique. Mais c’est surtout après, quand je me suis blessée en 2015, que j’ai compris que l’équipe de France et le drapeau bleu-blanc-rouge, c’était quelque chose qui me tenait à cœur.

AUDREY DEROIN – SIGNER À MÉRIGNAC A ÉTÉ UN CHOIX PAYANT POUR MOI

Vous faites le choix en 2018 de venir à Mérignac en D2, qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Je suis arrivée à Mérignac, alors que j’étais à un tournant de ma carrière. Je me refait les ligaments croisés sur le même genou et on commence à se poser des questions. J’ai rencontré mon compagnon, qui est Basque et qui m’avait suivi à Dijon. Avec la blessure, on se pose des questions sur le projet de reconversion, ce qu’on veut faire plus tard. Le MHB m’a contacté. C’est forcément un choix difficile de quitter la D1, pour aller en D2. Mais c’était un choix purement réfléchi. Mérignac avait un statut VAP et voulait jouer le titre de D2 et la montée (NDLR : Voie d’accession à la professionnalisation, que peuvent obtenir les clubs de D2, s’ils respectent un certain nombre de critères. Des clubs qui peuvent briguer la montée en LBE).

Ce club m’a également proposé de faire mon école de sommellerie. J’ai pu allier le handball et mon projet de reconversion. Mes parents sont à Andernos, donc j’ai également pu rentrer chez moi. Mon compagnon a aussi pu se rapprocher de sa famille. Ce projet était très attrayant pour moi et cela a payé puisque nous avons été championnes de D2. J’ai également eu mon diplôme. Durant toute ma carrière, j’ai pu concilier études et sport de haut-niveau. Depuis que j’ai la capacité d’aller à l’école et de faire du handball. Je n’ai jamais voulu faire uniquement du handball. J’aurais eu l’impression de tourner en rond et de rentrer dans une routine : Debout, déjeuner, entraînement, manger, sieste, entraînement. Je ne le supportais pas.

LE HANDBALL AU FEMININ EST BEAUCOUP PLUS RAPIDE QU’AVANT

Comment avez-vous concilié études et sport de haut-niveau?

Concilier études et le sport, c’est un rythme à prendre. Je ratais des cours, mais je les rattrapais. L’entraînement pouvait faire en sorte que j’aille à la fac. Quand je suis arrivé en D2, les entraînements étaient plus tardifs à 18 heures. J’étais dispensée des entraînements du matin. Les seuls aménagements horaires que j’ai pu avoir à la fac et dans mes écoles, c’est de faire une année sur deux ans. Mais tu galères comme tout le monde et tu dois rattraper les cours. Il faut s’accrocher, car si vous vous lancez dans un truc où vous n’êtes pas à fond à 100 %, cela va vite devenir compliqué. Il faut faire quelque chose qui vous passionne. Et j’ai toujours été passionnée par ce que j’ai fait.

Comment jugez-vous l’évolution du handball au féminin ?

Je trouve que le handball au féminin est beaucoup plus rapide et plus physique qu’auparavant. Cela met plus de coups. Je le vois au niveau des ailiers. C’est également plus tactique et technique avec plus de joueuses qui arrivent à faire des tirs style roucoulette ou chabala. Voire des kung-fu. Le handball au masculin est très physique, nous c’est plus rapide et plus fluide. La médiatisation a beaucoup progressé, grâce à l’équipe de France. La médiatisation fait que les gens ont envie de nous suivre et de davantage voir du handball. Auparavant, les filles ne pouvaient pas forcément vivre du handball. Maintenant les budgets ont évolué, cela nous permet de travailler et juste faire du handball.

AUDREY DEROIN – AVEC L’ÂGE, TOUT LE MONDE COMMENCE À VOUS POSER LA QUESTION DE LA FIN DE CARRIÈRE

Attention, il faudra quand même travailler après la carrière. Mais on a un salaire, un appartement et on ne va pas se plaindre. On vit de notre passion. Après, selon les clubs, les masses salariales sont différentes. Il y a des choses qui ont évolué, avec la charte des joueuses et la convention collective. Il y a eu la mise en place des congés maternités, qui est une révolution extraordinaire, avec le maintien du salaire. Il y a le syndicat des joueurs qui s’est mis en place pour développer le handball au féminin. Des choses qu’on ne voyait que chez les hommes auparavant. On essaie de tendre vers une parité !

Vous avez 32 ans, vous vous voyez évoluer encore combien de temps au plus haut-niveau ?

Avec l’âge, tout le monde commence à vous poser la question de la fin de la carrière. Je suis toujours autant passionnée par le handball. Je me lève le matin, je ne traîne pas les pattes pour aller jouer. Même pour aller en musculation, alors que je déteste ça (rires). Même quand c’est une séance de PMA et qu’il fait 8 degrés dehors. Je me sens bien ici, le groupe vit bien et cela se passe très bien. Tant que la passion est là, que les contrats sont là, je continuerais. Le seul bémol est le corps. Passé 30 ans, je dois prendre davantage en considération mon corps. On vit également une meilleure saison que la saison passée qui n’était pas loin d’être la catastrophe. Cela a été la plus dure de ma carrière, avec ce contexte.

A 35 ANS SI TU ES PERFORMANTE, TU N’AS AUCUNE RAISON D’ARRÊTER

Le fait d’être dans un club avec une bonne dynamique doit aider ?

À aucun moment, je me suis dis que je voulais arrêter. Il fallait chercher au plus profond de soi. J’aime ce sport dans ce qu’il procure dans l’adrénaline, dans la performance. Je suis quelqu’un de très orgueilleuse qui aime la compétition. C’est ce qui me fait vivre. J’aime la difficulté. Imaginez, l’an passé on gagne tout. On se serait un peu fait ch*er… Non je plaisante (rires). Cette année, les résultats suivent, devant le public qui est de retour. Cela renforce l’adrénaline et cela ne me donne pas envie d’arrêter.

Dans le coin, il y a Myriam Korfanty, qui jouait encore l’année dernière.

Et même si je devais arrêter la D1, qui est quand même très exigeante, ce serait pour aller dans un plus petit club, en N1. Pour cumuler un boulot et le handball. Au fond de moi, je sais que je n’arrêterais jamais le handball. Peut-être que je vais pouvoir tenir jusqu’à 40-45 ans. Mais peut-être qu’à 33 ans ce sera fini. Vous citez Myriam Korfanty-Borg, que je connais bien (NDLR : Championne du monde 2003 avec les Bleues et qui jouait encore au handball l’an passé à 42 ans).

Là elle est coach à Mios, mais s’il y a deux-trois blessées, elle est capable de rechausser les baskets et d’aller jouer. Elle adore c’est une passionnée et sincèrement je la comprends. Elle a le physique qui fait qu’elle peut jouer jusqu’à ce que mort s’en suive. Il y a des filles en LFH qui ont plus de 35 ans. Tant qu’elles sont performantes, il n’y a pas de raisons qu’elles arrêtent. Quand on me dit que je suis vieille je dis : “Quand tu me battras sur la piste, on verra”.

AUDREY DEROIN – SIRABA DEMBELE EST UN EXEMPLE DE PROFESSIONNALISME

Quelle joueuse parmi celle que vous avez affronté ou évolué avec, vous a le plus impressionné ?

Quand j’étais plus jeune et que je suis arrivée en équipe de France, j’étais fan de Grit Jurack, une grande handballeuse gauchère allemande, qui ressemble justement à Myriam Korfanty. Je la trouvais monstrueuse. Avec mes yeux de jeune qui arrive en équipe de France. Je suis tombé dans le même ascenseur qu’elle et limite, je voulais lui faire un câlin. Sinon actuellement, dans le jeu, j’aime beaucoup Nora Mork et Anna Viakhireva. Sinon, quelqu’un qui est exemplaire dans sa carrière et je ne dis pas ça parce ce que c’est une amie, mais c’est Siraba Dembélé.

Elle représente énormément pour le handball français. C’est l’exemple en tant que femme, sportive et j’apprécie énormément cette femme. C’est la sagesse et la sérénité. Quand elle ouvre la bouche, tout le monde l’écoute. Elle a aussi ce petit grain de folie que les gens peuvent ne pas connaître. Elle a galéré étant jeune et elle travaille pour arriver là. Elle a toujours été là et elle est un exemple pour moi. Aujourd’hui c’est une amie.

AUDREY DEROIN

Avec Etienne GOURSAUD

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