Sebastien Micheau est un spécialiste du saut en hauteur, avec un record à 2,23 m. Il va participer aux Europe de Munich. C’est sa première sélection en grand championnat, dans la foulée de ses Jeux Méditerranéens. Il nous raconte comment il aborde cette grande compétition, l’attente avant la sélection. Comment il développe son projet sportif. Il nous parle aussi de sa discipline, mélange de force et de légèreté ! Découvrez Sébastien Micheau.
Crédits : Jaddlo Sports
SÉBASTIEN MICHEAU – UNE LONGUE ATTENTE AVANT D’ÊTRE OFFICIELLEMENT SELECTIONNE
J’étais super heureux quand j’ai appris ma sélection aux championnats d’Europe. Je savais que je pouvais être sélectionné quelques jours avant la date limite, car j’étais 22e au ranking*. C’était en bonne voie, mais cela s’est mis à jour avant la fin du ranking et je suis passé 28e. Je n’étais plus dedans. Cela a été un ascenseur émotionnel. On m’a finalement appelé pour me dire que les performances de certains athlètes ne comptaient plus car réalisées il y a plus d’un an. Cela a libéré des places et j’ai appris que j’étais officiellement sélectionné ! La pièce a basculé du bon côté et je suis content. L’attente a été un peu longue.
J’ai tout fait pour me préparer, pour être au top à Munich. J’ai d’ailleurs planifié un meeting en Italie bien avant, pour avoir cette compétition test de réglages. Cela s’est déroulé le week-end dernier, deux semaines avant mon concours. Cela n’a pas été extraordinaire. On a eu 40 degrés pendant trois jours de suite et je me suis fait avoir. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même, car je suis resté dans mon hôtel avec la clim à 20 degrés. Quand tu fais ça et que tu sors, t’es cramé et tu ne peux rien faire. J’assume l’entière responsabilité et mine de rien je sais que je ne referrai plus cette erreur-là. J’avais peur de bouger sous 40 degrés. Il faut trouver le bon équilibre et je n’ai pas su le faire.
J’AI PROFESSIONNALISE MON PROJET SPORTIF
A Munich, il n’y aura aucune pression. J’aurais la 22e performance des engagés. Je ne veux pas me prendre la tête et j’y vais pour gagner le plus de places possibles. Il n’y a rien à perdre et il faut être le plus compétitif le jour J et prendre du plaisir. Bien entendu, à chaque compétition, qu’elle soit départementale ou les championnats, l’objectif est toujours de battre ses records. Cela fait un an que je ne l’ai pas battu, j’ai eu un hiver compliqué où j’ai été blessé ! Cela n’a rien arrangé ! Si je bat mon record, on peut parler de saison complètement réussie !
J’ai professionnalisé le plus possible mon projet. Je travaille avec une agence de communication Jaddlo Sports, qui s’occupe de chercher mes sponsors, gérer ma communication, créer du contenu vidéo photo. Sur l’aspect financier, c’est aussi un poids en moins. J’ai assuré mon avenir après le sport, avec l’obtention de mon concours de caporal sapeur-pompier. C’était une belle occasion pour mon après-carrière. Je ferai quelque chose que j’aime et c’était vraiment une priorité. Cela m’a pas mal aidé, y compris sur les objectifs sportifs.
SÉBASTIEN MICHEAU – MONTER UN PROJET TERRITORIAL
Les Jeux Méditerranéens m’ont permis de rencontrer d’autres athlètes de l’équipe de France. Cela a été une compétition géniale, comme des mini JO. Tu te retrouves dans un contexte olympique avec un village et plein de sports. Cela peut être une bonne préparation pour Paris 2024. Même si ce n’est évidemment pas la même échelle.4
Pour moi, c’est hyper important de représenter le Sèvre Bocage Athlétic Club dans ces championnats d’Europe. C’est mon club formateur. Je n’ai jamais ressenti la nécessité de partir car c’est un club qui a tout œuvré pour moi avec les moyens qu’ils avaient. Ce n’est pas qu’une question d’argent, mais tout ce qu’ils pouvaient mettre en place ils le mettaient. C’est une fierté de représenter le club à travers un évènement comme cela. J’ai un peu du mal à me dire que je suis un top sportif en Deux-Sèvres. Le fondateur de Jaddlo Sports est quelqu’un qui vient de Cerizay et même si sa société est à Angers, c’est quelqu’un du coin et on avait à coeur de monter un projet territorial. Dans la dynamique de Paris 2024, cela peut être une bonne chose.
LE SAUT EN HAUTEUR, C’EST LE DÉPASSEMENT DE SOI-MÊME
Le saut en hauteur c’est le dépassement de soi même, sans aucune limite. On voit des personnes avec des physiques différents, des athlètes qui mesurent 2 mètres, des athlètes comme moi qui font 1,83 m voire des plus petits. Tout se joue en un instant et c’est une question de timing. Même si on termine souvent par un échec, on peut toujours repousser ses limites.
Le moment le plus difficile, selon mon peu d’expérience sur les grosses barres, je ne pense pas que ce soit tenter son record personnel. Parce que cela ne me fait pas peur. Cela m’est arrivé de le passer au premier essai. La bagarre, quand il faut se battre avec ses adversaires sur des grosses barres, cela ne me pose pas de souci. Le plus difficile c’est de vivre un 0. Le niveau de frustration atteint les sommets. Je l’ai vécu deux fois, sur deux compétitions, une importante et une moins, ce n’est pas agréable.
Au niveau de l’entraînement, cela doit différer des athlètes, certains supportent l’aérobie et d’autres non. Moi je trouve que c’est les séances de côte. Et mon coach Ludovic Martin n’est pas tendre avec moi. Il peut me coller des 45 secondes à très vive allure. Autant dire que je mange chaud l’hiver (rires).
SÉBASTIEN MICHEAU – LA HAUTEUR EST UNE QUESTION D’EQUILIBRE
Il y a aussi une petite frustration à la hauteur, c’est de valoir telle hauteur sur un saut inférieur et de pas être capable de le refaire sur la barre suivante. Cela va tellement vite, tu débutes ta course d’élan, jusqu’au saut. Et si tu fait un truc un peu différent par rapport au saut précédent, cela peut changer beaucoup de choses. Il faut être un métronome. Si un Mutaz Barshim est aussi bon, je pense que ce gars-là est un métronome.
La hauteur est une question d’équilibre où le rapport poids puissance compte. C’est aussi une question de qualités naturelles. Certains ont des tendons plus longs, plus forts, cela peut donner l’impression qu’ils sont plus légers que d’autres sur les sauts. Tu ne peux pas lutter contre ça. On est un peu tous d’accord avec ce sujet là.
PARIS 2024 COMME BUT ULTIME
On a conscience que ce serait bien qu’il y ait des sauteurs aux alentours des 2,30 m en France. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Les entraîneurs en France ne sont pas des magiciens mais qui savent faire leur job et qui sont compétents. Cela va demander un peu de temps et il faut l’accepter. De mon côté, je sais que j’ai fait du chemin. Quand je vois mon parcours aujourd’hui, à aucun instant, en 2018, j’aurais cru me qualifier un jour pour des championnats d’Europe une fois dans ma vie. Mais mon but n’est pas de m’arrêter là et je veux continuer de progresser. La qualification me fait super plaisir mais le but c’est encore de faire mieux.
Le court terme c’est Munich et le plus long terme pour moi c’est Paris 2024. C’est le but ultime ! Mais je me fixe davantage des objectifs de performances que de championnat. Dans l’idée, j’aimerais arriver aux alentours des 2,25 m et 2,27 m. Avant même de pouvoir penser au 2,30 m.
SÉBASTIEN MICHEAU
*Le ranking est un système de classement en fonction du niveau de la performance réalisée mais aussi du niveau de la compétition ou la performance est réalisée. Ainsi, une performance lors des mondiaux aura plus de valeur au ranking qu’une performance réalisée lors d’un meeting national.
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