Joueuse emblématique de handball, Alexandra Lacrabère est membre du jury de la 2e édition du concours national d’écriture “Portez haut les couleurs” organisé par la Ligue féminine de handball, son partenaire Butagaz et Short Edition. Plus de 400 œuvres ont été écrites et reçues sur le site sur un thème bien précis. Celui de “Battantes”. La délibération du jury présidé par la Ministre déléguée chargée des Sports Roxana Maracineanu a eu lieu le 9 avril dernier, tandis que le palmarès global des prix dont celui du public qui pouvait voter jusqu’à ce jour a été annoncé aujourd’hui. Tous les résultats de ce concours sont ICI). Alexandra Lacrabère est actuellement en stage en équipe de France, en préparation pour les J.O. pour lesquels l’équipe de France est qualifiée. Ce serait son dernier grand défi international. Entretien avec une grande dame du handball français !
Crédit : Stéphane Pillaud LBE
ALEXANDRA LACRABÈRE – L’HISTOIRE DU PRIX DU JURY M’A BEAUCOUP TOUCHÉE
J’ai tout de suite accepté la proposition qui m’avait été faite de participer à ce jury d’autant que le club de Fleury est très investi depuis deux ans pour faire vivre ce concours. C’est intéressant de faire parler le sport à travers la littérature. C’est la première fois que je participais à un concours comme cela. J’ai été agréablement surprise des histoires qui ont été écrites, par des personnes qui ne sont pas du tout écrivains. Je me suis également retrouvée dans une histoire qui évoquait le handball. Mais d’autres histoires m’ont rappelé de bons ou moins bons souvenirs de ma vie.
Nous, jury, sommes là pour juger dans le bon sens du terme. Les histoires retenues pour la finale étaient très intéressantes et c’était dur de les départager. On a donné notamment un nouveau « prix », celui des encouragements du jury en plus du Prix du Jury et du Coup de Cœur du jury, pour qu’ils continuent d’écrire, au-delà du concours. Voire revenir l’année prochaine.
Celui qui parle de handball « Dans la matrice », celui qui remporte d’ailleurs le Lauréat du jury, m’a beaucoup marquée. Je me suis retrouvée dedans, cela parle d’une jeune fille qui fait du handball et qui regarde ses idoles à la télé. C’est également mon histoire. La fin m’a également beaucoup touchée, l’auteur évoque la maladie de l’endométriose. C’est quelque chose qui est encore tabou dans notre société actuelle. Je ne suis pas touchée personnellement par cela, mais il faudrait en parler davantage et sans avoir peur d’en être jugée.
CE CONCOURS MET LE HANDBALL AU COEUR DU TERRITOIRE
Je ne me rends pas trop compte de notre niveau de popularité, mais cela fait toujours bizarre de recevoir tant de messages, de personnes qui nous suivent. C’est sûr que cela fait chaud au cœur. Cela donne encore plus envie de continuer à jouer, à faire plaisir aux gens et surtout à véhiculer une image positive de la joueuse de handball, pour les personnes qui nous suivent.
Ce concours met le handball au cœur du territoire, dans le sens où on peut aussi parler de notre sport et de notre club au travers de cela. On peut faire parler du handball, tout en rencontrant notre public. Le mot “battante” était au cœur de ce concours et mon club de Fleury Loiret Handball (les clubs étant aussi impliqués dans ce concours) a organisé des ateliers d’écriture avec des publics divers (personnes âgées, enfants, …) et dans des quartiers défavorisés pour inciter les gens à écrire autour de cette thématique. J’ai trouvé cela intéressant de rendre la pareille à notre public. Ceux qui viennent nous encourager tous les week-ends où ceux qui ne peuvent pas venir nous voir. Car ils sont dans des familles plus défavorisées et qui n’ont pas la chance de pouvoir acheter les billets. C’était un moyen de partager avec eux différemment.
ALEXANDRA LACRABÈRE – BATTANTE, C’EST AUSSI UNE HISTOIRE DE VIE
Une femme reste un être humain et on doit se battre pour tout y compris pour se faire respecter dans la société. Quand j’étais dans une école, dans un quartier défavorisé, nous avons fait attention avec le mot “battante”. En le sortant du contexte de la violence. C’est intéressant de montrer qu’une femme peut se battre au quotidien, avoir du courage, sans qu’il y ait de violence au bout. On peut l’assimiler à de la volonté et c’est ce qui ressort de ces histoires aussi. Le récit « Dans la Matrice » sur le handball, on y voit la fille s’accrocher. Y compris quand elle a mal et qu’elle apprend qu’elle est atteinte d’endométriose. Un autre récit « Nuit » qui a remporté le Coup de Cœur du jury évoque une femme qui a perdu son enfant. Mais qui continue d’avancer dans la vie, pour passer au dessus de cette épreuve.
Le mot battante est aussi ce qui me caractérise sur un terrain de handball. Je me bats de la première à la dernière seconde et quoi qu’il arrive. Je pense que cela dépend de comment on a été éduqué/élevé. Battante, c’est aussi une histoire de vie. Je le suis et je le resterai, mais toujours dans le bon sens du terme. Le hand est un sport de contact et de combat et le handball féminin devient de plus en plus rude. Quand j’ai commencé, c’était beaucoup moins physique. Mais au fil des années, on se rend compte que la préparation physique est aussi importante que le handball au niveau féminin. Cela devient dur, avec des chocs rudes. On s’est aussi battues pour faire parler de handball féminin. Le terme battante est aussi assimilé à la reconnaissance du handball féminin dans le sport.
J’AIME LES DÉFIS ET LES NOUVEAUX CHALLENGES
Ce concours est une lumière sur notre championnat qui est très dense. Avec Fleury, on est en play-down en lutte pour le maintien. On a 15 matchs en deux mois et demi, ce qui est énorme. C’est un rythme infernal, où on joue tous les trois jours, on s’entraîne tous les jours. On peut vite être fatigué, à cela s’ajoutent les échéances internationales. Jouer le maintien ne sera pas un boost pour les J.O. Contrairement à la participation à des finales mondiales, de l’Euro, de la Champions League. Quand je rentre sur le terrain, je n’ai plus de pression, mais uniquement du plaisir. Je suis préparée et je sais le travail que j’ai fait en amont. Je donne tout pour être bonne sur le terrain.
J’aime les défis et les nouveaux challenges, aider et apporter à des clubs ambitieux, pour aller vers le haut-niveau et j’aime bouger. La routine, j’ai du mal avec, car elle me tue. C’est pour ça que j’ai choisi de rejoindre le club de Chambray la saison prochaine. Je vais aider les jeunes joueuses à être bonnes à haut niveau et pourquoi pas, pour certaines d’entre elles, à aller en équipe de France. Tout en aidant le club à participer à la coupe d’Europe et en y étant ambitieux.
ALEXANDRA LACRABÈRE – JE PENSE AVOIR FAIT LE TOUR DU MONDE DU HANDBALL
Les Jeux Olympiques sont déjà dans un coin de ma tête. C’est aujourd’hui qu’il faut s’y préparer et non le 24 juillet. La confiance, on l’avait avant l’Euro cet hiver, même s’il y a eu cette déroute au mondial 2019. On n’avait pas perdu la confiance, disons que cela nous a fait retravailler sur les fondements, qu’on avait peut-être perdu au Japon. Mais on sait ce qu’il faut faire et pas faire pour remporter une médaille internationale.
L’or olympique est la seule médaille qui me manque et les Jeux Olympiques, tout sportif rêve de les faire. J’ai déjà goûté à une finale, mais ce seront mes derniers J.O si je suis bien sûre sélectionnée et j’ai vraiment envie de remporter l’or. Ce serait finir ma carrière internationale en apothéose, car je ne me vois pas jouer jusqu’à 38 ou 40 ans au niveau international. Avec le Covid, beaucoup de choses ont été remises en question. C’est épuisant de se faire mal tous les jours, pour être au niveau. Je pense avoir fait le tour du monde du handball, j’ai eu une belle carrière, j’ai joué et gagné des titres à l’étranger, j’ai gagné des titres en France. J’ai gagné des titres avec la sélection. Beaucoup de personnes aimeraient avoir cette carrière là. Les J.O seraient donc ma dernière compétition internationale.
Mais s’il faut aider l’équipe à se qualifier pour l’Euro, en fin d’année, je le ferai avec plaisir. Mais je n’irai pas jusqu’en 2024. Être sportive de haut niveau, c’est des sacrifices, c’est dire non quand il y a des soirées. Car tu as besoin d’être en forme pour être au top. Mais on sait pourquoi on les fait et si certains ne veulent pas les faire, il faut qu’ils soient honnêtes avec eux mêmes et avec le groupe. J’ai toujours eu la chance d’être, depuis qu’on gagne des médailles, dans des groupes qui fonctionnent bien et j’ai confiance en mes coéquipières.