Championne de France sur route en 2021, Evita Muzic a encore franchi un cap la saison passée, après sa belle victoire sur le Giro 2020. Actuellement en convalescence, suite à sa chute en octobre sur le Women’s Tour, elle fait le bilan de sa balle année 2021, marquée aussi par deux Top 5 en World Tour. Et se veut ambitieuse pour l’année 2022, qui voit le retour du Tour de France féminin en juillet. Une course qui fait rêver Evita Muzic !
Crédit : FDJ Nouvelle Aquitaine
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EVITA MUZIC – LA FRUSTRATION DE NE PAS SAVOIR CE QUE J’AVAIS
Je suis blessée depuis ma chute en fin de saison dernière sur le Women’s Tour. Quand j’ai repris, j’avais toujours mal au genou et on a mis quelques semaines à trouver mon problème. Je me suis fait opérer le 5 janvier et je suis en convalescence. Pour le moment, je ne peux rien faire, en attendant de commencer le kiné. Je vais reprendre progressivement le home-trainer puis la route. Pour le moment, je n’ai pas de programme de début de saison. Je devais faire le Tour de Valence et les Strade Bianche (le 5 mars), mais je ne pourrais pas !
Il y a un peu de frustration du fait que je suis tombé en octobre et que j’aurais aimé qu’on trouve un peu plus tôt ce que j’avais au genou. On a d’abord pensé au syndrome rotulien et il ne fallait pas arrêter, sinon cela aurait été pire, si cela avait été ça. Au final, je ne l’ai su qu’en fin d’année, autour des fêtes et j’ai pu planifier l’opération. J’ai perdu deux mois où j’aurais pu me faire opérer plus tôt. Mais c’est comme cela et j’espère qu’avec cette opération, ce sera la fin. Maintenant que je sais cela, c’est moins un problème de rien faire pendant un mois, puis de faire la rééducation. Car je sais que normalement c’est derrière moi. L’équipe a confiance en moi et me laisse le temps pour revenir à mon niveau.
J’AURAIS PEUT-ÊTRE PRÉFÉRÉ AVOIR UNE FRACTURE
En fin d’année je roulais, mais je ne pouvais faire que maximum une heure de vélo. J’ai fait un peu de course à pied pendant un moment. Cela n’a pas été une période facile. J’avais mal et personne ne trouvait ce que j’avais. Je n’avais mal que sur le vélo en plus, ce qui était le plus frustrant. À pied, je n’avais aucune douleur, idem en musculation, sauf sur les mouvements à grand angle. Dans la vie de tous les jours, je n’étais pas handicapée non plus. Finalement je n’avais mal que sur le vélo, mais c’était la chose la plus importante. Du coup, maintenant, je profite de ces moments. Au moins j’évite les sorties d’hiver (rires). Je n’ai roulé aucune fois en thermique (rires).
C’est paradoxal comme sentiment. Sur le moment de la chute, tu es heureuse de n’avoir rien de cassé. Mais, avec le recul, j’aurais peut-être préféré avoir quelque chose de cassé ! Cela aurait quand même duré un mois et j’aurais repris. Là j’ai perdu tout mon hiver. Les soucis aux genoux, c’est quand même très handicapant en vélo ! Mais je relativise, cela m’est arrivé pendant l’hiver. Cela aurait pu m’arriver en avril et c’était toute la saison qui était perdue !
EVITA MUZIC – CONTENTE D’AVOIR PU GAGNER AUX FRANCE, MALGRÉ DES JAMBES MOYENNES
Le cap, je dirais que je l’ai passé en 2020, avec une victoire sur le Giro qui m’a servi de déclic ! Je me suis rendue compte que, malgré ce que je pensais, j’étais assez rapide sur une arrivée en petit comité. Quand j’ai vu qu’aux France, l’arrivée était en montée, je pouvais m’en sortir comme ça. J’ai pris confiance en moi. Je m’étais fixée deux objectifs en 2021 : Les France et les Europe Espoirs. Mais surtout les Europe. Je suis contente d’avoir réussi ces deux objectifs, même si lors des Europe, j’aurais aimé avoir le maillot. Mais cela reste une médaille et je n’en avais jamais eu aux Europe. Cela récompense mon travail, pour ma dernière année Espoir. Maintenant, je suis définitivement dans la cour des grandes.
C’est vrai que tout le monde voyait Audrey comme grande favorite aux France, la championne de France sortante, mais pour moi il n’y avait pas qu’elle. Une fille comme Juliette l’était tout autant sur un circuit un peu plus dur que d’habitude. Je pensais faire partie aussi des favorites, mais finalement peut-être que cela a jouer en ma faveur que personne ne l’ai cru. Je suis contente de gagner devant ces filles-là, c’est mon premier titre de championne de France élite. D’autant que tout ne s’est pas passé comme je l’espérais, je n’avais pas la forme que je voulais. C’est là que je suis encore plus contente. Malgré des jambes moyennes et le fait que je n’étais pas la plus forte dans le final, j’ai réussi à gagner, courir avec ma tête et me surpasser.
JE ME RAPPROCHE DES MEILLEURES
Je peux encore progresser physiquement, gagner de la puissance. Sur les grandes courses, ce qui me manque parfois, c’est d’arriver bien placée, par exemple au pied d’un col. Quand cela roule à bloc sur le plat, que cela frotte, il me manque encore de la puissance. Cela se ressent aussi sur les chronos. Je dois continuer ma progression, je sais que mon point fort c’est la montagne, mais je suis aussi assez bonne puncheuse et je possède une bonne pointe de vitesse en petit comité. J’ai aussi bien progressé en chrono, ce qui n’était pas mon point fort ! Mais je le bosse depuis ces dernières années. Et je dois encore le faire, pour être compétitive sur les courses à étapes. Les courses qui me correspondent le mieux.
Je n’aurais jamais cru faire une aussi belle saison l’an passé. Déjà, avec ma victoire sur le Giro en 2020, je me suis dit que c’était une saison exceptionnelle. Et que ce serait difficile de faire mieux. Finalement je me dis un peu ça tous les ans, mais en particulier en 2020. C’était inattendu de gagner en World Tour. Et là, avec la saison écoulée, j’ai encore fait mieux et j’espère encore faire mieux l’année prochaine. Je me rapproche des meilleures, ce qui était mon objectif et c’est arrivé assez vite dans ma carrière et je suis vraiment contente.
On dit souvent qu’il suffit d’une course pour réussir sa saison. Je ne brillerai pas sur une course de début de saison, mais la saison est bien assez longue pour avoir des cartes à jouer. Je ne m’inquiète pas. Et si je ne suis pas en forme sur les Ardennaises, des courses qui me conviennent bien, il y aura le Tour de France 2022, qui sera un gros objectif. Si tout va bien et que je peux faire ma reprise comme prévue, je pourrai y être au top de ma forme. Et après le Tour, il y aura encore des courses en fin d’année. Parfois, on peut être surprise et briller sur une course où on ne s’attendait pas forcément à y briller.
EVITA MUZIC – IL Y A QUELQUES ANNÉES, JE NE ME SERAIS PAS IMAGINÉE ATTAQUER EN WORLD TOUR
Avant, mon objectif était de faire mon travail d’équipière et d’être présente le plus longtemps possible.. Depuis l’an dernier, je me rends compte que je peux davantage peser sur la course, avec la stratégie d’équipe. On a une leader dans l’équipe, mais je peux être actrice dans les fins de course, attaquer. Il y a quelques années, je ne me serais pas imaginée attaquer en World Tour. J’ai fait deux top 5 en World Tour, cela devient de plus en plus régulier. Maintenant que je suis là, je me dis que je l’ai fait une fois et que je peux le refaire. Il faut continuer comme cela. Sur la course by le Tour, la première avec le maillot, j’attaque pour favoriser ma leader. C’était un peu du casse-pipe, mais cela a dynamité le groupe pour rentrer sur l’échappée. C’était plaisant d’être aux avant-postes. J’aurais jamais pu imaginer ça avant. Un jour cela ira peut-être au bout, où permettre à une coéquipière de gagner. Là Cécilie (Uttrup Ludwig) fait 2e.
Je me suis vite adaptée aux exigences professionnelles. Depuis toute petite, j’ai toujours fait attention à tout. Je suis toujours restée sérieuse sur l’hygiène de vie. Là, je suis dans la continuité. Sur les premières années, j’ai continué d’aller en cours, cela n’a pas trop changé mon quotidien. L’année où j’ai commencé à me consacrer à 100 % dans le vélo, cela a changé les choses. C’est devenu mon métier et cela met une petite pression en plus. Mais les changements se sont fait naturellement. C’est sûr que sur la première course World Tour, cela impressionne. Mais ma progression a toujours été dans la continuité et je me suis toujours dit que je suivais les étapes petit à petit. La route est longue et il ne faut pas se griller non plus.
JE SUIS ARRIVÉE PILE QUAND LE CYCLISME FEMININ S’EST MIS À ÉVOLUER
J’ai vraiment vu la FDJ-Nouvelle Aquitaine évoluer. Quand je suis arrivée, personne n’était professionnelle. Il n’y avait pas beaucoup de moyens, le staff était limité. Maintenant, toutes les filles ont un salaire minimum. On a des mécanos, des directeurs sportifs à plein temps. C’est une grosse évolution, même s’il reste des choses à améliorer. C’est sur la pente ascendante et cela m’a aussi permis de progresser. Je suis arrivée pile quand le cyclisme féminin s’est mis à évoluer d’un coup ! C’est vraiment bien.
On est plus valorisé que nos aînées. Les mentalités ont changé même s’il reste certaines personnes à faire évoluer. Les gens savent qu’il y a du cyclisme féminin. Quand le Tour de France va passer à la télé, cela va donner une grosse exposition. Je pense que les mecs suivent les courses féminines. Tout le monde veut que cela évolue dans le bon sens. On ne côtoie pas les coureurs de la Groupama-FDJ. Ce sont deux équipes à part malgré un sponsor commun, contrairement à la Trek-Segafredo où d’autres équipes. J’ai juste fait un rassemblement avec eux, lors de ma première année en 2018. Mais on suit les résultats des uns et des autres.
EVITA MUZIC – LES GENS ONT VU QUE LIZZIE DEIGNAN ÉTAIT AU MOINS AUSSI À L’AISE QUE LES GARÇONS SUR LES PAVÉS
Il y a de moins en moins de remarques sexistes, même s’il y en aura toujours. C’est beaucoup plus rare. Une course comme Paris-Roubaix a pu changer les choses. Cette année, en plus vu les conditions qu’il y a eu, cela a fait une belle exposition. Même sur ce qui est considéré comme la course la plus dure du monde et la course des guerriers, on a vu des femmes à la hauteur. Surtout, les gens ont vu une Lizzie Deignan à l’aise techniquement, certainement plus que les trois quarts des garçons le lendemain. Une fille peut faire aussi bien qu’un garçon et qu’on avait notre place sur toutes les courses. Même les plus dures.
Je ne suis pas la leader de l’équipe et l’objectif est clair sur le Tour de France. On veut avoir le maillot jaune. Après c’est l’objectif de toutes les équipes, mais on est bien structurés et on a un collectif qui peut peser sur la course, avec des filles qui peuvent être là dans le final. On n’est peut-être pas l’équipe la plus favorite pour porter le maillot jaune, mais je pense qu’on a des cartes à jouer et on est plusieurs à pouvoir tirer notre épingle du jeu. De mon côté, je me dis pourquoi pas une étape, mais je ne me fixe pas d’objectifs précis. J’ai hâte d’y être et j’espère être au départ.
QUAND IL Y A UN GROS COLLECTIF, TU PEUX GAGNER ET FAIRE GAGNER
Le parcours est top et passe dans ma région ! Ma famille va pouvoir venir et ce sera quelque chose d’exceptionnel. Mais je ne serais pas leader. Oui je fais un top 10 sur le Giro, mais quand on regarde le classement, Marta Cavalli termine devant moi, tout comme Cécilie l’année d’avant. Avec l’arrivée de Grace Brown (NDLR : en provenance de la Mitchelton-Scott), on est plein à pouvoir faire des coups. C’est ce qui est beau, car on va pouvoir peser sur la course.
L’équipe et les filles savent qu’elles peuvent compter sur moi dans un final et c’est super important. Si j’attaque pour préparer le terrain à Cécilie et que personne ne va me chercher, c’est ma carte qui sera jouée. Quand il y a un gros collectif, tu peux gagner des courses et tu peux faire gagner les autres. On aura le sponsor FDJ qui est aussi sponsor du Tour de France et il y aura forcément une certaine pression là-dessus ! Le Tour sera forcément l’objectif de toutes les équipes, mais particulièrement pour nous !
EVITA MUZIC – MARION ROUSSE EST UN PORTE-ÉTENDARD POUR LE CYCLISME FEMININ
Une directrice comme Marion Rousse, c’est forcément un porte-étendard pour le cyclisme féminin. Elle connaît parfaitement le milieu. Avec Julian Alaphilippe, elle a aussi pu se rendre compte de se qu’il se faisait dans le cyclisme masculin et elle peut essayer de l’appliquer chez les filles dans le futur et c’est vraiment top. Je ne sais pas si les Grands Tours pourront se disputer sur trois semaines comme pour les hommes. Mais il était sûr que la première édition du Tour ne pouvait pas se disputer sur trois semaines.
La course la plus longue est de dix jours. On n’a pas encore la même caisse que les garçons. Une course sur deux semaines est largement envisageable dans le futur. Il faut monter petit à petit. Trois semaines ? Je ne me rends pas encore compte. Je pense qu’on en sera capable dans le futur. Mais peut-être qu’il y aurait plus de spectacle sur deux semaines. Cela fait déjà assez long.
EVITA MUZIC
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