Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Avec les Jeux Olympiques, les X Games apparaissent au panthéon des compétitions freestyle hivernale. À tout juste 16 ans, elle continue son apprentissage du très haut-niveau et analyse sans filtre l’un de ses premiers échecs lors de l’épreuve de slopestyle 2018 des X Games qui l’aidera à progresser dans le futur. (crédit photo Une : Joshua Duplechian – ESPN)
Je savais que je voulais faire du ski freestyle dès l’âge de 3 ans. Toujours enfant, je répétais à mes parents que je voulais être une championne de la discipline. Cet amour pour la glisse vient donc de très loin, il est vraiment ancré en moi.
Le freestyle octroie une certaine liberté de faire ce que l’on souhaite avec des sensations incroyables au sol ou en l’air. Les décors magnifiques et ces paysages enneigés me touchent beaucoup. Le ski freestyle a commencé à prendre de plus en plus d’importance grâce à la compétition. Cette envie de me surpasser, d’être la meilleure me plaît particulièrement. À la fin du mois de janvier, j’ai pu participer à l’un des événements les plus importants des sports extrêmes : Les X Games. J’arrivais dans la peau d’une des favorites après ma deuxième place au DewTour et ma victoire en Coupe du Monde à Font-Romeu. Il y avait eu une petite alerte sur une défaite aux États-Unis toujours pour la Coupe du Monde, mais cette course n’était pas trop importante pour moi et j’étais passée très vite à autre chose. Je suis donc arrivée avec beaucoup de pression et je n’ai pas su la gérer au bon moment.
AUPRÈS DES ENTRAÎNEMENTS RÉUSSIS, L’ARRIVÉE DE LA PRESSION
Mais avant de passer aux résultats, j’aimerais vous expliquer pourquoi ça n’a pas marché. Avant le Jour J, nous avions eu 4 jours d’entraînements pour essayer le parcours des X Games autant de fois qu’on le souhaitait. On en profite pour regarder les autres concurrentes et mettre en place le run le plus complet et le plus technique possible. Pour plaire aux juges, il faut tourner dans plusieurs racks, skier en arrière et être la plus différente possible. Aucune figure n’est par contre imposée.
Le tracé de cette année (il change chaque année pour le ski slopestyle) commence par 3 modules de rail (barres de fer) qui sont assez originaux et favorisent les skieuses techniques. Ensuite il faut enchaîner par 3 sauts : un premier assez basique, le second avec des quarters à côté et ensuite un dernier saut qui est le plus gros.
J’avais confiance en moi, car ces entraînements s’étaient passés à merveille, j’étais techniquement prête et j’avais d’excellentes sensations sur mes sauts. Mais finalement quelques heures avant la compétition j’ai commencé à faire des erreurs en ne passant pas certaines figures et je me suis mise à stresser. L’année d’avant, ma seule pression était d’arriver en bas de la piste, là c’était clairement différent avec une volonté de gagner.
Pour cette épreuve du ski slopestyle, nous sommes 8 concurrentes au départ : les 8 meilleures mondiales du moment. Je pense que chacune avait la possibilité de faire un podium. Une norvégienne faisait office de favorite, mais comme moi elle n’a pas su gérer cette compétition en voulant tenter une nouvelle figure dans son run.
3 RUNS POUR GAGNER
Nous avons 3 runs pour effectuer le meilleur score possible. Avant de commencer, je pense à ces X Games et pas forcément dans une bonne vibe. Je pense beaucoup trop aux erreurs pendant mes derniers entraînements alors que je devrais me concentrer sur les choses que j’ai bien faites.
Le 3ème run de Tess Ledeux durant les X Games Aspen 2018
Pour mon premier run, je fais quelques erreurs sur les rails à l’image des sessions du matin. J’arrive en bas avec un score assez bas. Pour le second, je dis à mon coach que je vais modifier le premier rail afin de ne pas faire les mêmes erreurs. Le problème c’est que je n’avais jamais réussi cette figure (enlever un demi-tour soit un 27 front en arrivant en switch sur le second rail), ça ne pouvait donc pas marcher. Avant ce troisième run, nous avons bien discuté avec mon coach et il essaye de me rassurer sur les sauts.
J’ai donc pris le départ avec plus de confiance et de niaque. Je réussis tout le parcours, mais arrivée sur le dernier saut, la neige a vraiment changé. Il faisait très chaud ce jour-là, la neige s’est donc ramollie ce qui a pour effet de diminuer la glisse. Je n’ai alors pas beaucoup de vitesse sur ce dernier saut et je ne peux pas plaquer sans tomber. Je passe la ligne avec un sentiment de déception… J’avais déchaussé et j’ai donc dû récupérer mes skis. Pendant ce genre de moment, tu penses à toutes les raisons de ta chute.
UN RÉSULTAT FRUSTRANT MAIS ENRICHISSANT
En regardant les ralentis de mon run qui passait sur le grand écran, je me rends compte du problème de vitesse et je m’en veux de ne pas avoir fait un virage en moins pour poser. Je me dis aussi que je n’aurais pas du tomber sur les runs d’avant à cause du stress.
C’était vraiment très frustrant, car j’avais tout mis en place et le problème n’était pas technique, mais uniquement dû à un facteur vitesse. J’ai encore beaucoup à apprendre de mes deux premiers runs où j’ai commis trop d’erreurs.
Je prends ça malgré tout comme une bonne expérience pour les Jeux Olympiques, c’est dans la défaite qu’on apprend le plus. Je sais qu’il faut que je sois à l’aise dès le premier run et que je ne doute surtout pas. Il fallait bien que ça m’arrive un jour, c’est une grosse déception, mais elle est utile.
Après ce troisième run, j’ai dû rapidement enchaîner avec les entraînements du Big Air le jour même. Ce n’était pas facile de me remettre dedans, j’ai fait 3 sauts et je suis rentrée me reposer. La compétition avait lieu le lendemain et j’ai su me remobiliser pour obtenir une médaille de bronze. J’ai finalement regardé les vidéos de mes runs en slopestyle le lendemain à tête reposée, d’abord seule avec ce sentiment de colère, car j’avais loupé des choses que je maîtrisais. On a ensuite beaucoup discuté avec mon entraîneur, mais on s’est vite rendu compte que ça ne valait pas vraiment le coup de parler technique, nous avons plus insisté sur le volet mental.
Avec cette expérience et celle des Jeux Olympiques, je n’ai plus qu’à réfléchir à l’aspect mental et à la façon aborder cette compétition. J’espère réussir à gérer cette pression pour donner le meilleur de moi-même et ramener de nombreuses médailles dans le futur.