Thomas Jordier est un athlète international français et spécialiste du 400 m, l’une des disciplines les plus violente de l’athlétisme, avec le fameux acide lactique qui vient bruler les cuisses en fin de course. Il possède un record à 45”50 en extérieur (2015) et 46”54 en salle (2020). Il a été champion d’Europe espoirs en 2015 et double médaillé de bronze européen avec le collectif du 4×400 m. Le sociétaire d’Amiens UC fait le point sur son début de saison hivernale. Surtout, il nous raconte avec beaucoup de passion sa discipline, si spécifique et parfois tellement ingrate. Il se livre sans filtre.
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AUX EUROPE LES SERIES DE 400 M SONT LE MATIN ET LES DEMIES L’APRES-MIDI
Les deux chronos réalisés à Miramas sont anecdotiques. Quand je vois la physionomie de mon 400 m et ce que je n’ai pas réussi à faire, ça laisse présager de belles choses pour la suite. Je reste un peu déçu, car je m’économise beaucoup trop durant les 300 premiers mètres. Le 200 m arrive dans la foulée et même si le 400 m n’était pas si rapide, il reste dans les jambes. Mais la course me satisfait, même s’il y a encore des choses à mettre en place. L’objectif de cette deuxième course est de pouvoir la finir fort, malgré la fatigue, ce que j’ai réussi à faire. C’est ce qui compte sur un 400 m de pouvoir bien terminer.
Mais je sais qu’à l’avenir, il faudra que je parte plus fort. Normalement je peux finir aussi fort même en partant un peu plus vite. Lors de chaque compétition internationale en salle, les séries du 400m sont le matin et les demi-finales sont l’après-midi. Avoir fait cet enchaînement 400-200 m à Miramas, permet de recréer une condition de fatigue que je peux retrouver à Torun, pour le championnat d’Europe.
J’AI LA CHANCE DE GAGNER MA VIE AVEC L’ATHLETISME
Je ne préfère pas trop penser à la suite de la saison avec la crise sanitaire. Tout ce que je sais, c’est qu’au mois de mars, je pensais que tout serait annulé et qu’il n’y aurait pas de saison estivale. Résultat j’ai pris 12 kilos ! Je continue de m’entraîner sans trop penser à tout ça, mais je ne peux pas passer deux années sans objectif. J’essaye de me fixer des challenges étapes par étapes et en terme d’entraînement et de régularité. Ca me donnera au moins une base et si je fais tout bien, les chronos devraient suivre. Il y a beaucoup de spéculations en ce moment. Il ne faut pas négliger ce qui se passe dans les hôpitaux.
J’ai la chance de gagner ma vie avec l’athlétisme et je n’ai pas à me plaindre, alors que je ne fais pas des chronos exceptionnels non plus. Après, depuis quelques années, c’est de plus en plus difficile d’en vivre. Mais j’ai de belles choses à faire, surtout c’est une vraie passion ce sport ! Il est sur que je pourrais mieux en vivre, par rapport à d’autres années qui n’ont pas été bonnes sportivement. Même si on devait être en année creuse, sans J.O., je sais que si je fais une bonne saison, mes sponsors continueront de me faire confiance. L’athlétisme reste un sport universel, qui sera toujours regardé.
EN ITALIE TOUS LES ATHLETES SONT AIDES PAR LEUR FEDERATION
Même si en France, on est assez lésé sur les contrats, par rapport aux Européens et je ne parle même pas des Américains. Sur la partie fixe mensuelle, même les primes, ce n’est pas pareil qu’ailleurs. C’est ça qui devrait changer car beaucoup n’ont pas un contrat à leur juste valeur et quelqu’un qui porte le maillot de l’équipe de France devrait pouvoir vivre de son sport. On peut comparer avec l’Italie où tous les athlètes sont sponsorisés et/ou aidés par leur fédération. S’ils n’ont pas de contrat, on fait en sorte qu’il n’ait pas de questions à se poser sur comment il va faire pour manger, payer son loyer etc. Il peut se voir proposer un contrat militaire, avec trois ou quatre clubs affiliés à l’armée. Ou ils ont un contre un contrat qui leur permet de vivre et non survivre.
Quand j’ai commencé l’athlétisme, le 400 m n’était pas une évidence. Comme beaucoup, j’étais d’abord attiré par le sprint court. Ensuite, vu que je sortais du vélo, j’ai vite compris que j’allais m’orienter sprint soit du demi-fond. Je savais que ce serait dur sur la technique de course mais que j’avais de la “caisse” liée au vélo. Mais tout n’est pas automatique car en athlétisme, il y a la notion d’appui qui est énergivore, du gainage dans la course. Mais cette caisse m’a servi. J’ai commencé l’athlétisme en cadet 2 paradoxalement sur 60 et 200m. L’été aux interclubs, le coach a décidé de m’aligner sur 400 m et voilà !
L’INSOUSCIANCE DE MES DEBUTS SUR 400 M
Quand tu es jeune tu t’en fous et tu ne réfléchis pas. Un 400m c’est qu’un tour, tu n’as pas ce stress qui existe maintenant. Je fais ma course et tout le monde me dit : “Tu as fais un truc de fou”. Je ne me rendais compte de rien. Mais je voulais trop faire le relais 4×400 m. Sauf qu’en cadet tu ne peux pas doubler 400 et 4×400 m, j’ai donc fait du triple saut à côté. Quand j’ai commencé l’athlétisme, Teddy Tamgho était un modèle pour moi. Je me suis dit “je veux faire du triple moi aussi”. J’ai pris les marques au hasard, j’avais jamais fait de triple de ma vie. J’ai dû faire 13,20m comme ça. Quand j’ai vu le relais 4x400m, j’ai vraiment voulu le faire. A partir de cela, mon coach m’a mis sur 400m. D’autant qu’il y avait les mondiaux cadets en France (2011).
J’y suis allé à la cool au début. Mon premier 400m, je fais 49”72, quinze jours après je fais 49”50. Les chronos baissaient et on continuait de bosser. Le chrono descend à 49”01 aux départementaux, chrono que je refais plus tard. Je n’arrivais pas à faire moins de 49 secondes. Je refais les mêmes chronos au meeting de sélection. Suffisant pour aller aux mondes cadets à Lille, les minima étaient à 50 secondes.
JE GAGNE MA SERIE ET DANS MA TETE JE SUIS DEJA CHAMPION DU MONDE
Me voilà aux mondiaux et en série je sors un 47”89. Je ne passe même pas par la case 48 secondes ! Je gagne ma série alors qu’il y avait des vraies brutes. Un Nigérian avec un record à 46 secondes. Je n’étais pas favori et je pensais même que ce serait chaud d’aller en demi-finale car tout le monde avait un meilleur record que moi. Les 48”60 étaient faisables pour moi, mais j’ai été super choqué après ma série. Dans ma tête j’étais déjà champion du monde. “C’est quoi ce bordel ? C’est ça le niveau cadet, je vais être champion du monde”. Bon, la réalité m’a très vite rattrapé dès les demi-finales, où je fais seulement 3e. Le champion du monde Arman Hall fait record des championnats et a connu une belle carrière1.
De mon côté je fais 47”27 en finale ce qui était à l’époque le record de France cadets. Ce qui était l’objectif de mon coach, même s’il ne me l’avait pas dit à l’époque. Depuis ce record a été pris par Loïc Prévost avec son 46”67. Je m’entraînais trois à cinq fois par semaine. Officiellement c’était cinq fois, mais je venais souvent que trois fois. Au début, mon entraîneur s’en fichait un peu, car j’étais jeune et il ne voulait pas me dégouter de l’athlétisme, ni me brusquer. Je venais quand j’avais envie.
LE 400 M C’EST VRAIMENT INGRAT
Après la saison en salle 2012, il a commencé à s’énerver un peu plus, car il sentait qu’il y avait quelque chose à faire. Je fais podium aux France junior en salle, sur le 200 m et 5e sur le 60 m. Le coach a commencé à me pousser pour voir ce que je pouvais faire. J’ai commencé à être plus sérieux l’été. Il faut dire aussi qu’il fait chaud durant cette période (rires). Mes chronos ont commencé à descendre et je suis devenu plus sérieux. Sans doute encore pas assez (rires).
Le 400m, c’est une discipline horrible. Tu passes deux dixièmes plus vite sur ton 200 m, le lactique te rattrape 50 m plus tôt et ce n’est plus la même course. C’est vraiment ingrat. Je me souviens d’une course aux interclubs. Mon coach me demande de passer en 21”5 et je passe en 21 ! Au bout, je termine en 47 secondes. Le dernier 200 horrible et j’ai cru que j’étais sur des fentes dans les 50 derniers mètres. J’avançais à rien et je n’étais pas prêt à assumer ce temps de passage. Au contraire, je me rappelle qu’une fois, j’avais le sentiment d’être sec au bout de 150 m et me dire : “C’est quoi ça !”. Et au final je fais 45 secondes quand même.
IL FAUT REPETER LES ALLURES POUR LES INTERIORISER
Quand je vois quelqu’un comme Wayde Van Niekerk capable de passer entre 20 et 20”50 au 200, je me dis qu’il est taré ! Il passe plus que vite que mon record sur 200m (rires). Mais c’est un spécialiste du demi-tour de piste à la base. Pour lui, il vaut mieux qu’il passe vite à mi-course. Il sait gérer sa course désormais, capable de passer moins vite et finir fort.
Je trouve que c’est plus facile de bien gérer son allure en salle. Il y a le rabat au bout de 150m, les sensations sont totalement différentes. Dehors, tu dois te caler par rapport aux autres, qui peuvent détruire ton allure de base. Bien gérer son allure, cela se travaille à l’entraînement. Certains Américains sont très forts pour ça. Ils vont enchaîner 2 séries de 200m en 21”50, avec seulement 3 minutes de récupération. Ils savent gérer leur allure et celle-ci est en eux et même s’ils sont cuits, ils arrivent à ressortir le bon chrono car ils ont la capacité de répéter l’effort. Moi tu me donnes même 5 minutes, je ne suis pas sur de refaire 21”50 derrière.
PEKIN PREMIERE COURSE EN SERIE : DES MECS QUI TE SORTENT 43″ A 10H DU MATIN
Ensuite, entre la notion de gestion de course. Quelqu’un qui a un record en 21”7 au 200m, tu ne vas pas lui demander de passer en 22”00, sinon il va exploser. Il faut un gap entre 5 et 7 dixièmes, pour un vrai coureur de 400m bien entendu. Après ceux qui sont capables de finir fort, vont quasiment équilibrer leur course, faire 22” et 22”5. Mais tout le monde n’est pas capable de ça. A l’entraînement tu peux faire un premier 200 assez lent et un second où tu donnes ta vie sur la piste. Mais physiologiquement, c’est très dur de faire ça. C’est une gestion de course qui peut marcher, comme pour un Marc Raquil qui a fait médaille mondiale. A côté, tu as Leslie Djhone qui a un meilleur record, mais qui n’a pas eu de médailles en individuel !
Le niveau mondial varie aussi selon les années. J’ai le souvenir des mondiaux de Pékin en 2015 où j’étais qualifié avec le relais 4x400m français. Mame-Ibra Anne est le seul qualifié en individuel, donc on était attentif à sa course. On s’entraînait sur la piste qui avait accueilli des mondiaux juniors en 2006, à 40 km du stade principal. Il y avait quatre écrans géants et on pouvait voir les courses. On avait l’impression d’être en direct sur le stade. Première course des séries à 10h du matin, les mecs sortent des 43 secondes et dans ma tête je me dis : “Oh les gars, il faut arrêter là”.
VAN NIEKERK PART COMME UN FOU ET TOUT LE MONDE RELANCE AU 150 M
Un Jamaïcain (Rusheen Mcdonalds) sort 43”93. Finalement il échoue en demi-finale, mais c’était sûr que ça allait se passer comme ça. Dans la même course Isaak Makwala fait 43”7. Martin Rooney fait 44”4 tout proche du record d’Europe, dans sa tête on sent la surprise et il se demande comment il a fait ça ! Il est 10h15 sérieusement ! Un des frères Borlée fait 44”7. La pire série se gagne en 45”15! C’est l’année de la révélation Van Niekerk. Cette année-là, un Pavel Maslak se fait sortir en séries avec 44”79, qui est quasiment la meilleure performance de sa vie. Jamais tu te fais sortir avec un chrono comme ça d’habitude. Un des Borlée se fait sortir avec moins de 45 secondes. Je rappelle qu’on était le matin et en théorie le matin tu n’es pas aussi performant qu’en soirée, même si tu t’entraînes tout le temps à ces horaires-là. Il est vrai qu’à Pékin il faisait hyper chaud dès le matin.
Je repense aussi à la finale des J.O de Rio en 2016, ça part hyper vite ! Van Niekerk part comme un fou et les autres ne savent pas s’il va craquer ou pas ! Du coup, tout le monde relance dès le 150 m dont Kirani James, qui a plus un profil à la Jérémy Wariner, pas très rapide au 200 m et avec une technique assez rudimentaire. Tu te dis qu’il est taré, tu vois LaShawn Meritt dans l’allure.
QUELQU’UN QUI S’ENTRAINE TOUS LES JOURS FAIT DU HAUT NIVEAU
Il ne faut pas oublier qu’une finale de grands championnats correspond à la 3e course. Il faut être prêt à être fort sur la 3e course. J’ai de la chance d’avoir eu des entraîneurs qui insistent sur la répétition des courses à l’entraînement. Je m’entraîne quasiment deux fois par jour. Le mercredi, j’ai un entraînement de cinq heures. On y met de la technique au début, puis souvent un parcours long pour te tabasser. Et on n’oublie pas la musculation juste après (rires). Parfois on varie dans la technique avec du chariot avec une course à vide derrière. Par exemple 40m de plots, 40m de chariot et un 100m pour terminer et ce, cinq fois. En muscu, on travaille tout avec du stato dynamique, du haut de corps, du soulevé de terre.
Pour moi, quelqu’un qui s’entraîne tous les jours fait du haut niveau, quel que soit le chrono au bout. Le haut niveau c’est prendre le temps de s’imposer une régularité. Que tu sortes du travail ou de l’école. Ce qui fait la différence, c’est le potentiel et aussi la qualité du travail fourni à l’entraînement. Tu regardes un Karsten Warholm. Il y a quatre ans, c’était 51 secondes pleine balle sur le 400 m haies. Maintenant il est 2e meilleur performeur de tous les temps, il est capable d’enchaîner 400 et 400 m haies aux championnats d’Europe. Mais dans sa tête il doit se dire que ce n’est pas grave. J’avais un peu cette mentalité, mais j’ai un peu perdu cette grinta. Il faut avoir du courage pour envoyer, envoyer et encore envoyer.
JE DEMANDAIS A MES ATHLETES DE COMPTER LEUR FOULEES SUR DES COURSES A L’ENTRAINEMENT
Je suis entré dans une forme de gestion, c’est peut-être quelque chose qui me porte préjudice. Même en course. On en revient à l’allure, mais quand tu perds trois dixièmes sur ta première partie de course, tu ne les récupère que rarement et moi je récupère pas. Il faut réfléchir bien et quand c’est le cas, en général je fais un bon chrono au bout. Quand je commence à me dire : “Qu’est-ce qu’il se passe ?”, en général c’est mort. Quand j’entraînais, je donnais un exercice à mes athlètes. Ils avaient des 300 m à faire en 1 minute avec le même temps de récupération. Je leur demandais de compter leurs foulées et je comptais de mon côté. S’ils se trompaient, ils devaient refaire un 300 m. Si tu ne peux pas compter, c’est que tu n’es pas capable de penser pendant ta course. Bien entendu, il fallait aussi respecter les allures !
Attention, il ne faut pas trop penser, car la physionomie de course peut changer par rapport à ce qu’on a imaginé à la base. Il faut rester dans sa course, rester focalisé sur soi-même. Placer ses bras, bien respirer, bien placer sa foulée, remettre des bras dans le virage. Puis à la fin de course c’est la guerre puisque tu ne peux plus rien faire. Il faut penser à aller chercher le sol le plus vite possible, c’est lui qui va m’aider. Le chrono il arrive où il n’arrive pas. Peu importe la course, je garde cette configuration. Pour moi, même sur 200m il faut penser mais sans avoir de pensées parasites avant la course.
QUAND LE LACTIQUE EST LA, TU NE PEUX PLUS RIEN FAIRE
J’ai eu un déclic l’an dernier qui m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas trop mettre en place des scénarios avant la course. C’était en salle à Nantes, sur 200m. Je voyais la course en deux phases. D’abord bombarder jusqu’en haut de la montée, dans le virage, avant de relâcher dans la ligne droite opposée, avant d’en remettre dans l’autre virage. Mais, je m’étais tellement crispé pour envoyer dans la montée, que j’étais incapable de relancer et j’étais mort au bout de 120m. J’ai senti que tout partait en arrière et crois-moi dans la descente c’est foutu. Surtout à Nantes où c’est chaud. Je sors du virage où je suis dégueulasse comme jamais. Le chrono il affiche 21”76 alors que je vaux 21”20 (rires). Depuis, je ne pense qu’à des intentions techniques.
Quand le lactique arrivait, je voulais encore plus envoyer et en faisant cela je me crispais encore plus et c’est foutu. Quand il est monté tu peux faire ce que tu veux, il est là et de toute manière il n’y a rien à faire. L’erreur c’est de vouloir en remettre quand tu sens l’autre revenir ou s’éloigner. Tu t’énerves et les mouvements parasites s’accentuent et le chrono au bout est dégueulasse ! Maintenant, quand il arrive, j’essaie de souffler et de me relâcher. L’adversaire part ? Ce n’est pas grave, je me concentre sur moi, alors qu’auparavant je me concentrais trop sur les autres. Il faut rester dans sa bulle, quoiqu’il se passe. En restant focus sur ce que JE dois faire et les bons éléments techniques. C’est ce qui s’est passé l’hiver dernier, quand je fais mon 46”50 à Reims en salle. Pourtant mon premier 200 n’est vraiment pas bon, mais j’ai bien géré la fin de course en en ayant sous le pied.
UNE GENERATION 92 INCROYABLE EN FRANCE
Je trouve que la médiatisation de l’athlétisme repart de l’avant. Avec des Kévin Mayer et Renaud Lavillenie qui ont fait du bien. Il y a eu un vrai coup de moins bien avec le changement de génération à la fin des années 2000. Il y a eu un petit trou générationnel, avec moins de résultats. Les choses ont mis du temps à se mettre en place et certains ont explosé sur le tard. L’explosion de Christophe Lemaître a débloqué plein de choses dans la médiatisation de l’athlétisme. Lui aussi a dû se dire qu’il pouvait faire de grandes choses. Résultat en 2010 c’est l’explosion d’une génération.
Jimmy Vicaut, Kevin Mayer, Quentin Bigot et Pierre Ambroise Bosse, cette génération 92 est complètement dingue, certainement le meilleur millésime de l’athlétisme français depuis longtemps. Le trou générationnel a été vite comblé ! On a un champion du monde, un recordman du monde, un recordman d’Europe et un médaillé mondial. Tu es obligé d’avoir du respect ! Nous la génération 1994, on taquine les 1993 en disant qu’on était meilleur qu’eux ! Mais par contre les 92 nous ont mis à l’amende (rires). On peut même ajouter Fall. Une génération très performante déjà chez les jeunes et qui a été parfaitement accompagnée !
MAYER S’IL FAISAIT DU 100M, IL SERAIT AUSSI RECONNU QUE BOLT
Après je trouve qu’ils n’ont pas la reconnaissance qu’ils devraient avoir. Regarde Kevin Mayer ! Je suis sûr que si c’était un coureur de 100 mètres, il serait aussi connu que Bolt ! Si tu fais une épreuve moins médiatisée, t’es mal reconnu. Le fait que Christophe Lemaître ait été le premier blanc à faire moins de 10 a été un évènement. A la base, il n’y avait que les Blancs qui faisaient de l’athlé. Puis les Kényans, Ethiopiens sont arrivés, puis des Noirs qui ont fait de magnifiques choses, comme Jesse Owens. On a trop dit : “Tu cours vite parce que tu es un noir”. Des gens comme Christophe ont permis d’arranger ce cliché ! Les Blancs peuvent courir vite aussi. Cela s’est démocratisé, Tortu a fait moins de 10 secondes également. Des gens qui ont cassé des barrières. Après l’histoire de Christophe a aussi amené sa médiatisation.
Après en France, l’athlétisme n’est même pas la cinquième roue du carrosse. Ce sera toujours les sports-co mis en avant et en premier lieu le football. Dans le monde entier d’abord il y a le Pape, puis juste après le football (rires). Et en athlétisme, le public va regarder le 100 m ! Mais c’est en train de changer car le nombre de licenciés est en train d’exploser. L’époque fait que, parfois, la décision entre qui est une star et qui n’est pas une star est un peu arbitraire. Je vois aussi de plus en plus de footballeurs qui suivent l’athlétisme.
LES RETRANSMISSION SUR L’EQUIPE SONT EN TRAIN DE NOUS FAIRE DU BIEN
Récemment, Kevin Mayer a déclaré qu’il aimerait faire un 100 m contre Kylian Mbappe. C’est quelque chose qui est médiatique, mais il a fait ça pour que le public arrête de dire des bêtises du genre : “Haaland il a la vitesse de Bolt”. C’est bien que Kévin fasse ça ! Par contre il a intérêt de gagner, sinon il nous fout la honte (rires) ! Bolt, même après 6 mois d’arrêt, il pète le record de Yards.
Le public a un peu moins regardé le football au moment de la coupe du monde 2010. Mais tout le monde continuera de regarder le foot. L’offre de sports s’est également diversifiée. Dans le passé, on parlait boxe athlétisme et football. Maintenant il y a une multitude de sports à l’écran. Les retransmissions sur La Chaîne L’Equipe sont en train de nous faire du bien. Ce n’est pas encore comme dans certains pays où c’est incroyable car tu sais que dès les championnats jeunes, il y a une retransmission en clair à la télé. Il faudrait que ce soit normal que les France soient diffusés en clair, ce qui est le cas depuis cette année. L’Equipe commence à avoir son audience.
LES GENS TU LEUR DIS QUE TU FAIS DE L’ATHLE, ILS TE DEMANDENT : “TU COURS COMBIEN ?”
A vrai dire j’aime bien regarder la pétanque, je zappes dessus je me dis : “Allez c’est du sport je regarde”. Puis ils font des trucs de fou, ils sont chaud. Bon j’irai peut-être pas regarder le curling. Le public peut faire pareil avec l’athlé, zapper et se dire : “Ah lui il est nul, lui il court vite”. Même s’ils peuvent dénigrer le sport au début, en regardant ils vont s’intéresser et ça va amener de ‘l’audience et de la médiatisation. C’est comme ça que ça commence. Les liens sur Youtube, c’est bien aussi, mais la télé c’est encore mieux. Les choses vont continuer à changer dans les années à venir.
Depuis trois ans, les courses sur route ont explosées ! Il y a des performances de dingues partout. Le confinement a amené pas de monde a faire du jogging et cela a rappelé que la course à pied était universelle. Par contre, j’ai remarqué en discutant avec les gens, quand tu leur dis que tu fais de l’athlétisme, il te demandent : “Tu cours combien ? Tu fais combien sur 10 km ?”. Limite tu leur dis que tu cours un 400 m ils te répondent : “Ca va c’est que 400 m”.
THOMAS JORDIER
Avec Etienne GOURSAUD