Les athlètes ont beau être le coeur du sport, ils ne sont pas les seuls à faire rayonner nos disciplines préférées. Plongez dans les coulisses du sport professionnel en découvrant les histoires de dirigeants, de coachs, du staff médical, des fans…
Depuis plus d’une décennie, le tennis vit son âge d’or avec les légendes Federer-Nadal-Djokovic, un trio qui a fortement fait évoluer les pratiques sur les courts. Ces changements dans le monde du tennis ne sont pas uniquement du fait des joueurs mais aussi des diffuseurs qui influent parfois sur les règles du jeu pour le bénéfice des spectateurs. Thibault Le Rol, spécialiste du tennis chez beIN SPORTS ainsi que présentateur de l’émission REC revient pour vous sur cette évolution de la petite balle jaune. (Crédit photo une : PANORAMIC)
Depuis que je suis tout petit, je n’ai quasiment jamais raté un bon match de tennis. Qu’il se passe à l’autre bout du monde avec un énorme décalage horaire, ça ne m’a jamais arrêté pour suivre ces rencontres historiques.
C’est mon grand frère qui m’a transmis sa passion pour le tennis. J’ai des souvenirs de lui qui se déguisait en Björn Borg avec son bandeau devant la télé. Il m’a ensuite amené à suivre Stefan Edberg et tant d’autres, et au fil des années j’ai commencé à trouver mes propres modèles tennistiques. Aujourd’hui grâce à mon travail, j’accumule des souvenirs exceptionnels de matchs homériques que j’ai la chance de vivre sur place.
LES TENNIS (WO) MEN SONT COMPARABLES À DES FORMULE 1
Sans manquer de respect aux champions de tennis des années 80 et 90, le tennis est incomparable avec celui d’aujourd’hui ! C’est deux fois plus rapide. Quand je revois les images d’Edberg et ce qu’il se passe aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. Ce n’est pas de la faute des anciens joueurs. Je dirais que le matériel a beaucoup évolué et désormais ce matériel permet de jouer plus vite et de frapper plus fort.
On fait souvent la comparaison avec une Formule 1. Ils fonctionnent de façon similaire avec toute l’écurie qu’il y a autour, que ce soit l’entraîneur, le physiothérapeute, le kiné, le préparateur mental, qui leur permettent de tirer la quintessence de leur physique. Le matériel technique est un concentré de technologie en perpétuelle évolution.
Le tennis a beaucoup évolué en quelques décennies et le jeu est devenu plus stéréotypé avec des échanges du fond au détriment des montées au filet qui étaient plus spectaculaires.
Pour moi, la personne qui incarne la fin des « attaquants » au tennis sans lui manquer de respect, c’est Novak Djokovic. Il a un peu ce côté robotique dans le sens où il sait tout faire, il est au sommet physiquement. Mais quand je le vois jouer, il me manque ce supplément d’âme. Il lui manque certaines qualités comme la volée, ce qui peut paraître étonnant, car il a écrasé le tennis mondial et les deux légendes que sont Federer et Nadal.
C’est pour cela que j’aime des joueurs comme Federer et Kyrgios parce qu’à tout moment peut surgir quelque chose d’original et de différent. Dans le tennis actuel, il manque ce profil de serveur-volleyeur.
Il y a également le problème des grands serveurs comme Karlovic ou Isner. C’est très limitatif comme façon de joueur au tennis. C’est aussi lié à l’évolution des matériaux avec des raquettes qui leur permettent de frapper et de servir de plus en plus fort.
Un joueur comme Gaël Monfils est vraiment différent des autres, car il est capable de tout réaliser sur un court, mais aussi de beaucoup rater. Sur 3 matchs, il va être une fois exaspérant, une fois sobre et une fois génial. Ça le distingue des autres, car il a cette étincelle en lui alors que l’immense majorité des tennismen est plus sobre. C’est un peu comme au football où l’on privilégie des profils classiques au détriment de la folie et de la technique. On déplore aujourd’hui la disparition des « numéros 10 ».
Mais c’est peut-être aussi lié à une évolution du caractère des joueurs. Les réseaux sociaux ne sont-ils pas une épée de Damoclès en permanence au-dessus des tennis (wo) men ? Dès que tu fais quelque chose, tu es jugé, en bien ou en mal. C’est sociétal. Ça pousse peut-être à prendre moins de risques, à se conformer aux « normes ».
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CHEZ beIN SPORTS, ON A CRÉÉ UN VRAI LIEN AVEC LES TÉLÉSPECTATEURS
Le tennis n’a jamais été autant diffusé qu’aujourd’hui. Par exemple avec beIN SPORTS, jamais un fan de tennis en France n’a pu voir autant de tennis à la télé avec tous les canaux additionnels disponibles.
Chez beIN SPORTS, on a créé un vrai lien avec l’abonné grâce au #ATPextra qui est une belle réussite. Dès les premiers mois de la chaîne en 2012, chaque sport a eu son propre hashtag pour prendre le train des réseaux sociaux et de la relation abonnés-diffuseurs. Le téléspectateur est devenu acteur sur beIN !
Il y a également notre multi-tennis où on suit sur un canal plusieurs matchs en direct en se baladant de court en court pour voir les moments intéressants. Certains sont mécontents, car cela nous fait louper certaines balles d’un jeu, mais nous pouvons quand même suivre un seul match sur l’un des canaux additionnels et ça rend le contenu très dynamique, donc plus fun et dans l’air du temps. Je constate que les autres chaînes s’inspirent de nous, que ce soit avec la double fenêtre, le multi-tennis ou les différents canaux.
Globalement, ce degré de diffusion jamais atteint fait évoluer le tennis et va continuer de le faire évoluer. Si aujourd’hui le débat est de dire qu’il faut raccourcir les matchs de tennis ou mettre un tie-break* au 5e set ou encore de tenter des sets en 4 jeux, cela vient de la télé. Pour le téléspectateur, il trouve cela trop long. C’est pour cela que souvent les débuts de match de tennis sont un peu plats. Ce sont des rounds d’observation. Et c’est à la télévision de faire évoluer le format.
LA TENDANCE EST AU RACCOURCISSEMENT DES MATCHS DE TENNIS
Je pense que les nouvelles règles mises en place lors du Masters Next Generation* de Milan vont dans le sens de la société. On est dans une consommation de zap et d’immédiateté donc il faut raccourcir la durée pour ne pas perdre les fans. Ça me paraît important de se pencher sérieusement sur chacune des règles qui ont été testées à titre expérimental dans ce tournoi et de donner un avis concret pour une application future sur les circuits ATP et WTA.
*Tournoi réunissant huit espoirs mondiaux de moins de 21 ans en fin de saison.
- Réduire la durée des sets de 6 à 4 jeux gagnants.
Chez les jeunes, faire des sets de 4 jeux ne me choque pas. Cela permettrait de gommer ces débuts de sets un peu longs. Après il faut dissocier les tournois ATP et WTA, où je prône ce raccourcissement, des Grands Chelems que je ne toucherais pas. Je pense que 4 fois dans l’année on devrait pouvoir garder ce format mythique du tennis qui peut amener quelques rencontres épiques.
- Remplacer les juges de lignes par le hawk-eye* en live (système qui détecte en direct si la balle est out ou in).
Pour les juges de ligne, hélas cela va dans le sens de la robotisation de la société où l’humain disparaît petit à petit. Cela me paraît inéluctable.
*système qui détecte en direct si la balle est faute ou non.
- Supprimer l’avantage à 40-40.
Je suis personnellement contre. Je trouve que cela peut trahir la physionomie d’un match. Tu peux être en dessous de ton adversaire et aller gagner un point décisif alors que les jeux avec avantage c’est du 50-50 où il faut aller le chercher.
- Suppression du let au service.
Beaucoup de gens voudraient que le no let* soit adopté. Je trouve bizarre de faire un ace grâce au filet. Ce n’est pas très juste.
- Instauration du shot-clock, un chrono de 25 secondes pour servir.
Je pense que c’est indispensable notamment pour permettre ce raccourcissement de match. C’est déjà en place, d’ailleurs, et ça prend bien même si les tauliers s’énervent parfois. Ils ont déjà acté le principe, c’est une bonne chose.
- Coaching une fois par set entre joueur et coach.
Je trouvais déjà cela fabuleux sur le circuit WTA. C’est un plus pour les téléspectateurs et pour nous les journalistes d’entendre tout cela, ça nous amène du grain à moudre pour l’analyse technique, tactique ou mentale. J’aimerais bien que ce soit mis en place chez les hommes.
- Laisser le public se déplacer sur les tribunes latérales.
Ce serait dommage d’enlever l’essence du tennis, un sport qui se joue dans le calme, le silence. Il y a d’autres sports pour cela comme le football ou le basket-ball par exemple.
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LE FUTUR DU TENNIS
Pour moi, si j’avais une innovation à proposer ce serait d’enlever la 2e balle de service. Cela obligerait les joueurs à tenter une première balle en prenant un risque ou plus globalement à servir moins fort. On enlèverait les grands serveurs qui ne plantent que des « aces ». On gagnerait également du temps. Le problème dans un match de tennis est que sur un match de 2 h, il y a une heure de jeu effectif. Il faudrait gommer un peu ce qu’il y a autour.
Je pense qu’à l’avenir, les matchs de tennis seront plus courts et les schémas vont évoluer. Il y a des choses qui vont arriver petit à petit que l’on commence déjà un peu à voir. Par exemple, les joueurs, à peine après avoir terminé leur rencontre, auront un casque et seront en direct sur une chaîne de télé.
Ce ne sera peut-être pas généralisé dans un premier temps, mais on pourrait le faire avec certains joueurs français. Par exemple, à chaque fin de match en cas de victoire ils devront s’asseoir avec le diffuseur français et répondre aux journalistes.
Les hologrammes pourraient également faire leur apparition. Par exemple, on fera apparaître un athlète en duplex avec nous sur le plateau.
Il y a plein de choses encore faisables pour rendre l’expérience meilleure, et c’est un véritable challenge de suivre cela et d’y contribuer !
Personnellement, mon objectif est de faire un gros coup avec une émission sur un des membres du Big 3 que ce soit Federer, Nadal ou Djokovic. C’est un challenge monumental, car tous les médias du monde entier se battent pour les avoir. Ce serait la cerise sur le gâteau.