SOULEYMANE CISSOKHO – POUVOIR ÊTRE UN AMBASSADEUR AUPRÈS D’UNE JEUNESSE PLEINE DE TALENTS

“Les JO de 2016 restent un des plus beaux souvenirs de ma carrière.” Souleymane Cissokho se livre à travers ce récit passionnant.

Souleymane Cissokho – Boxeur

#Médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de Rio 2016 #Champion de France poids super-welters 2019

Les JO de 2016 restent un des plus beaux souvenirs de ma carrière.

Arrivé à Rio, le plus gros de la préparation physique est déjà fait. On va mettre en place des stratégies en fonction de l’adversaire car on connaît le tirage au sort quelques jours avant le début de tournoi. Pour la préparation mentale, on prépare les Jeux pendant 4 ans même plus donc on est prêt mentalement, après c’est à moi de donner le meilleur de moi-même pour ramener une médaille.

Concernant la pesée, cela reste identique aux autres compétitions, ce sont les mêmes règles, c’est juste qu’on est aux Jeux Olympiques, c’est l’enjeu qui diffère surtout. Nous, les boxeurs, avons d’ailleurs pas mal de tournois de préparation avant d’y aller comme des examens blancs afin d’être ensuite prêt à « l’examen final ».

AVANT LES JO…

Les « TQO » (Tournoi de qualification olympique) sont des tournois qui se déroulent l’année avant les JO. Il y a une certaine pression pendant ces tournois car l’enjeu est de taille. On s’affronte entre pays et nous nous qualifions selon des quotas préétablis. J’ai eu la chance de remporter la médaille d’or lors d’un TQO avant Rio 2016.

On fait beaucoup de préparation, de compétitions et autres avant l’échéance, ainsi on connaît à peu près tous les adversaires, on les a soit déjà boxés, soit on sait quelles sont leurs qualités principales. Tous les boxeurs font les mêmes compétitions pour se qualifier aux Jeux, on peut donc jauger un peu le niveau. Cela étant, il faut savoir que les Jeux c’est comme une page blanche et le champion du monde ne sera pas forcément le favori aux Jeux Olympiques, du moins sur le papier mais sur le ring, cela est autre chose. Tout le monde est motivé, et il y a souvent de très grosses surprises.

Il est vrai qu’il y a plus de pression pour certains et chacun la gère différemment. Le staff et l’équipe parfois arrivent à en faire une force et cela libèrent en eux une sur-motivation qui peut permettre de gagner. C’était le cas pour nous. Le fait d’être en groupe avec toute l’équipe de France, ça crée une émulation. A Rio, on était une équipe soudée, on était tous ensemble, on a aussi traversé des moments durs ensemble toutefois mais on arrivait à se motiver les uns les autres, finalement cela a payé car on a ramené un maximum de médailles. La « Team Solide » a même battu un record, 6 médailles : 2 d’or, 2 d’argent, 2 de bronze. On est d’ailleurs ressorti meilleure fédération . Cela a créé quelque chose dans notre groupe, la boxe a été très fédératrice. Par la suite, énormément de monde s’est mis à la boxe en France.

…PUIS PENDANT LES JO

Aux Jeux, le tournoi de boxe est étalé sur toute la durée des JO, du début jusqu’à la fin parce qu’on commence en 16e de finale en général, puis après il faut monter 8e de finale, les quarts de finale… On boxe environ tous les 2-3 jours. Par exemple, mon premier combat se passait le lendemain ou surlendemain de la cérémonie d’ouverture donc je ne l’ai pas faite pour rester concentré. Derrière, j’ai commencé avec les 16es facilement, puis 8e où j’ai battu le numéro 3 mondial, comme quoi les Jeux, ceci est bel et bien une véritable une page blanche. En quarts, c’était un boxeur thaïlandais. Le quart, c’est le combat pour la médaille donc il y a une certaine pression mais tout s’était bien passé pour ma part. En demi-finale face au Kazakh, champion du monde, je me voyais gagner le combat et au milieu de la partie, un choc de têtes (ouverture au front) a eu lieu et donc le combat s’est arrêté.

La décision a été en sa faveur mais l’essentiel, c’était d’avoir ramené une médaille car je revenais de loin, j’avais eu pas mal de blessures auparavant. J’étais très content de mes Jeux Olympiques et notamment en tant que capitaine de l’équipe de France de boxe et de la « Team Solide ». C’était une belle aventure, étant donné la difficulté pour se qualifier au tournoi olympique en boxe, un vrai parcours du combattant. Ainsi, remporter une médaille aux JO était, d’ores et déjà, une belle récompense pour moi.

LE PASSAGE EN PRO

Si je dois comparer la boxe olympique avec la boxe pro, c’est comme comparer un footing à un sprint. Beaucoup de différences existent, déjà avec la boxe pro à très haut niveau, on est sur du 12 rounds de 3 minutes alors que pour la boxe olympique, on est sur du 3 rounds 3 minutes donc l’intensité et la préparation ne sont pas les même. Plein de petits paramètres changent quand les boxeurs passent en professionnel comme par exemple, la pesée en pro, c’est la veille. Il faut également savoir que la boxe olympique se professionnalise de plus en plus, notamment avec le système d’arbitrage, les juges…

Comme il y a plus de round en circuit pro, il est normal d’attendre plusieurs mois pour récupérer des combats sachant que la préparation physique n’est pas la même, la charge de travail est beaucoup plus importante. En termes de protection également, en plus des casques en boxe olympique, les gants sont un peu plus rembourrés, mais les bandages restent semblables. Les gants permettent d’amortir un peu plus les coups d’autant plus qu’en boxe olympique, on va chercher davantage les points que le K.O tandis qu’en boxe pro, on est plus sur l’efficacité des coups, la précision, le timing, pour abréger le combat.

Avec mon coach, je suis déjà allé au moins 7 fois à Cuba pour la boxe, là-bas, on est beaucoup sur la beauté du geste, la technique, la tactique. C’est toujours quelque chose que j’ai aimé et j’ai surtout beaucoup travaillé sur ça. Depuis mes débuts, en boxe amateur, je suis dans cette optique-là et cela s’est renforcé en boxe professionnelle. J’ai toujours aimé tout calculer autant lors des entraînements que pendant les combats, faire aucun déplacement sur le ring pour rien, une boxe intelligente, je suis un grand partisan du « toucher sans se faire toucher. La boxe, c’est pour moi de l’escrime avec des poings.

Beaucoup de changements sont intervenus depuis l’Equipe de France et aujourd’hui. Aux Etats-Unis, là où je m’entraîne désormais, on réapprend presque à boxer. La base était présente, mais ici, c’est une autre mentalité, j’ai progressé dans tous les domaines. Ce n’était pas une obligation d’aller aux Etats-Unis cependant, j’ai senti pour ma part, le besoin de me confronter à d’autres sparring-partners, le niveau est élevé et j’avais besoin de cette motivation supplémentaire à ce moment de ma carrière.

This is custom heading element

SPORT ET ÉDUCATION

L’association secteur sport et éducation a été créée en 2011, elle est partie d’un constat : beaucoup de jeunes sportifs talentueux vivent dans le 19e arrondissement, là où j’ai grandi. Malheureusement, certains de ces jeunes se sont tournés vers l’argent facile alors nous avons voulu être ambassadeur d’une cause rassemblant le sport et l’éducation. On voit bien que dès que l’on se découvre un certain talent dans un sport, on va s’y mettre à fond, en vouloir toujours davantage.

Ainsi, on les conseille, on met de nombreuses activités en place et également du soutien scolaire. Ceci est intergénérationnel, on crée des vocations et surtout on arrive parfois à « remettre dans le droit chemin » des jeunes en leur faisant prendre conscience de certaines choses comme par exemple, de ne plus fumer. De toute façon, ils le voient très bien lors des activités que cela n’est pas bon pour eux.

Pour d’autres, on les aide afin qu’ils atteignent leurs objectifs comme devenir coach, c’est (l’association) un véritable club à part entière, c’est un lien entre l’école et le sport. Le plus important reste le suivi, un suivi le plus personnel possible, qu’il soit sportif ou scolaire.

NE PAS BRISER LE RÊVE DE CHACUN

Aujourd’hui, on sait qu’il est difficile de percer dans le football ou dans la boxe, mais je pense qu’il ne faut jamais briser le rêve d’une personne. Il faut travailler pour, et y croire plus que tout. Après, si on regarde mon parcours, j’ai démarré la boxe un peu par hasard et en une année et demie, je suis devenu Champion de France cadet. Arrivé en Equipe de France, j’étais loin d’être le meilleur, j’avais peu de qualités, j’ai surtout énormément appris. Tout cela est allé très vite finalement. Je me souviens d’une journée portes-ouvertes à l’INSEP, j’étais impressionné par tous ces grands champions. Quelques années plus tard, j’étais le capitaine de l’Equipe de France aux Jeux olympiques. A force de rigueur, de travail, de détermination et certains sacrifices, puis un jour, tout cela paie.

Maintenant, je vise logiquement le Championnat du Monde et pourquoi pas une réunification de ceinture. A ce moment précis, je pourrais me dire que j’ai fait un beau parcours… Dans ma catégorie, il faut être prêt à battre tous les adversaires avec les différentes ceintures, il y a une belle densité. Personnellement, je reste focus avant tout sur moi, je continue à progresser tranquillement afin de me préparer à combattre un champion du monde.

Si j’avais un message à donner notamment aux jeunes, ce serait surtout de ne pas se décourager, croire en ses rêves. S’en donner les moyens, faire tout ce qui est possible pour, faut également être bien entourer, le rôle de la famille, de l’éducateur est primordial. Cela détermine beaucoup de choses par la suite d’une vie ou d’une carrière. Même si cela ne fonctionne pas de suite, il faut être patient puis on récoltera plus tard, les fruits que l’on a plantés 2-3 ans en arrière. Sinon, un dernier message en cette période de confinement, restez chez vous tout simplement et essayer de maintenir une activité physique à la maison.

SOULEYMANE

 

 

Avec la participation de Jérémy Haumesser

 

Total
0
Shares
Related Posts
Abdoulaye Diallo
Read More

ABDOULAYE DIALLO : JOUER UNE COUPE DU MONDE POUR LE SÉNÉGAL, UN RÊVE D’ENFANT

Alors que le Sénégal s'apprête à disputer sa seconde Coupe du Monde après celle de 2002 qui les avait vu accéder jusqu'au quarts de finale, nous avons rencontré Abdoulaye Diallo. Le gardien des Lions de la Teranga se livre sur sa joie de participer à un mondial et la préparation nécessaire en amont mais aussi sur son histoire personnelle entre double culture et amour pour sa patrie.