SIMON FOURCADE : UNE RETRAITE SPORTIVE SOUS LE SIGNE DE L’APAISEMENT

Le jeune retraité Simon Fourcade se raconte sans filtre sur ce qui l’a amené à arrêter, fait le bilan de sa carrière et nous parle de sa reconversion jamais loin du biathlon.
Simon Fourcade
© Manzoni NordicFocus.

Simon Fourcade – Biathlon

#Équipe de France #EMHM – Villard de Lans #Champion du monde relais mixte 2009 #Vice-champion du monde sur l’individuel 2012 #Vice-champion du monde relais 2012 et 2013 #Globe de cristal sur l’individuel en 2012 #32 podiums en Coupe du Monde

Crédit Photo Une : Manzoni – Nordic Focus

Cela faisait un petit moment que cette retraite sportive trottait dans ma tête. Ces dernières saisons avaient été compliquées, entre un déclin sur mon niveau de forme et mes capacités, mais aussi l’éclosion d’une nouvelle génération (Quentin Fillon-Maillet, Simon Desthieux, Antonin Guigonnat) qui me compliquait la tâche pour faire encore partie des titulaires en Équipe de France.

Mais ma motivation était toujours intacte, notamment pour aller participer à une dernière olympiade. Des JO que j’ai vécu comme remplaçant, une déception mêlée avec la satisfaction d’être quand même arrivé à être présent à Pyeongchang.

JE NE POUVAIS PAS FINIR MA CARRIÈRE SUR UN MALAISE

Après ces Jeux, je me suis alors dit que j’avais une chance à jouer, car beaucoup de biathlètes allaient être émoussés pour la fin de saison. Profitant de cette place  de remplaçant, je me suis beaucoup entraîné pendant les JO mais aussi après. J’en ai peut-être trop fait et j’ai été victime d’un malaise à l’étape de Coupe du Monde de Kontiolahti qui a écourté ma saison.

C’est certainement cette mésaventure qui m’a fait continuer une saison supplémentaire. Avoir cette dernière image de moi, qui m’écroule sur le pas de tir, m’a un peu bloqué. Je ne pouvais pas m’arrêter sur un tel contrecoup surtout que ma motivation était intacte. J’avais envie de me prouver que je valais mieux que ce que j’avais montré cette année-là.

Mon objectif était clair : décrocher une place en Coupe du monde et aux Championnats du Monde d’Ostersund.

J’ai alors commencé durant l’été ma préparation qui ne s’est pas très bien passée et qui m’a très certainement coûté ce mauvais début de saison. J’ai dû repasser par le circuit inférieur et à force de bons résultats j’ai pu réussir à revenir avec l’Équipe de France début janvier. Jouer des places dans le top 25, être régulier et faire des courses pleines a été une fierté pour moi lors de cette dernière saison.

Et c’est grâce à deux facteurs, une 7ème place lors de l’épreuve individuelle au Canada et le souhait d’Antonin de ne pas courir l’individuel pour se préserver, que j’ai pu participer à mes derniers Championnats du Monde. C’était une telle satisfaction de repartir d’en bas pour remonter la pente, de réintégrer la team France.

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SEUL MAÎTRE DE MA DÉCISION D’ARRÊTER

J’ai bien vu mes limites cette année et la difficulté pour moi de rester dans l’équipe titulaire. C’était naturel et j’étais donc plus apaisé à l’idée d’arrêter ma carrière. C’est une décision que j’ai prise seul, je ne voulais pas que quiconque influe dans ce choix.

Le biathlon et moi c’est une histoire qui dure depuis 25 ans et je suis un vrai amoureux de mon sport.

Il n’y a peut-être qu’une personne qui a pu jouer, mon fils. J’ai cette envie d’être plus présent pour lui, même si mes objectifs d’après-carrière ne vont pas non plus me laisser énormément de temps.

Lorsque j’ai pu annoncer ma décision, c’est comme si j’avais laissé un poids derrière moi. Pas un boulet, mais la possibilité d’avoir plus de recul dans ma vie. J’étais tellement investi dans mon rôle de biathlète, c’était une mission pour moi.

Je n’ai eu de l’émotion qu’au moment fatidique à Oslo. Beaucoup de mes proches étaient là et ce fut une joie de partager ça avec eux. J’avais forcément de la nostalgie en pensant au fait que je ne porterais plus jamais de dossards, à la fin de cette excitation avant le départ des courses…

Voir mes collègues organiser avec l’IBU (Fédération internationale du Biathlon) un hommage sur l’aire d’arrivée de la, m’a beaucoup touché. Tout comme les nombreux messages de supporters ou d’athlètes étrangers.

UNE CARRIÈRE QUI AURAIT PU ÊTRE PLUS BELLE, MAIS JE PARS SANS REGRET

Ma carrière fût belle, et si elle n’a pas été exceptionnelle comme d’autres, j’ai la sensation d’avoir laissé une image assez forte dans mon milieu. C’était quelque chose d’important pour moi.

Je me souviens d’ailleurs encore de ces premiers JO à Turin où j’avais assisté à la victoire de Vincent Defrasne. Ce fut quelque chose de magique avec beaucoup d’émotions que d’assister à la première médaille d’or individuelle française.

J’ai souvent été celui qui voyait le verre à moitié vide. J’ai par exemple eu du mal à me détacher du succès de mon frère, à être pleinement heureux pour les autres et à ne pas penser uniquement à ma petite personne.

Si je ne suis pas pleinement satisfait de mes résultats, je ne peux pas avoir de regrets. Je me suis donné à fond, à 100 % tous les jours. Même s’il existe de l’amertume, car on ne réalise pas ses rêves, le simple fait de me dire que j’ai tout mis en place pour y arriver me suffit.

J’ai peut-être aussi joué de malchance par moment en ayant tant de 4ème places qui auraient pu changer beaucoup de choses si j’étais monté sur le podium. Mais je garde plein de bons souvenirs en tête, comme ma médaille d’argent aux Championnats du Monde de Ruhpolding sur l’individuel.

Le biathlon m’a tant apporté. J’étais un adolescent turbulent et dans le sport de haut-niveau, on ne peut pas réussir sans exigence. J’ai appris à gérer mes émotions, à me fixer des objectifs, à me structurer. Je ne sais pas ce que j’aurais pu devenir sans le biathlon.

J’ai fait mienne tellement de belles valeurs grâce à la grande famille du biathlon. L’entente entre athlètes est exceptionnelle et elle amène tellement de positif dans notre quotidien.

Je n’aurais jamais réussi sans Thierry Dusserre, ancien médaillé olympique à Lillehammer, qui fût mon entraîneur durant mon adolescence à Villard-de-Lans. Il m’a appris les bases de mon sport et m’a formé en tant qu’homme.

Je n’oublie pas tous mes coéquipiers en Équipe de France. Je suis arrivé un peu comme une tête à claques en voulant ravager le circuit. Je me suis construit grâce à eux et au staff technique. Je garde tellement de bonnes relations avec ces biathlètes qu’ils soient français ou étrangers. Mention spéciale à la dernière génération avec qui j’ai pu évoluer depuis 2012/2013 et qui m’a permis de conserver ce surplus de motivation

Ils ont porté et fait exploser le biathlon au niveau médiatique, qui avait ce potentiel en lui. Ce sport est si télégénique un peu comme une série TV, pleines de rebondissements. C’est en grande partie grâce à mon frère Martin par ses résultats et sa présence auprès des médias que nous en sommes là.

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J’AI ENVIE DE TRANSMETTRE AUX PLUS JEUNES

Aujourd’hui, un avenir nouveau s’offre à moi.

D’abord dans le quotidien, car je vais pouvoir m’affranchir de quelques règles de vie même si elle n’était pas si dure à suivre. Me coucher un peu plus tard, pouvoir me faire un peu plus plaisir sur la nourriture, ne plus à avoir à gérer cette partie repos…

D’un point de vue professionnel, je suis en pleine réflexion avec beaucoup de projets en cours.

J’ai cette envie de travailler avec des jeunes pour les aider à franchir les bonnes étapes. J’ai cette aura dans le monde du biathlon qui ne sera pas éternelle. Je me souviens avoir écouté avec les oreilles bien ouvertes les paroles de « Raph » Poirée et même si je n’ai pas son palmarès, je peux avoir une bonne influence.

Le but pour moi sera peut être de trouver la nouvelle pépite, mais pour cela, il y a un facteur chance qu’il ne faut pas négliger. Le but sera surtout de permettre aux jeunes d’explorer leur potentiel. De trouver les bonnes clés pour qu’ils s’épanouissent. Si je pouvais parler au jeune Simon qui commençait sa carrière, je lui dirais de tracer sa route et de ne pas être patient. Après avoir tout explosé chez les jeunes, les encadrements successifs ont pu me dire de me calmer, d’être patient. Ça a changé ma manière de voir les choses et je pense que ce ne fût pas une bonne chose pour moi.

Il faut arriver à cerner chaque personnalité et à adapter son discours. Ne surtout pas les faire rentrer dans un moule.

Mais ma vie ne doit pas tourner qu’autour du biathlon. J’aimerais explorer d’autres domaines sans pour autant lâcher mon sport. J’aimerais arriver à me passionner pour quelque chose de différent avec la même force que ce que j’ai eu pour le biathlon durant 25 ans.

Pourquoi ne pas sortir du cadre égoïste du sportif du haut-niveau et aller vers le don aux autres dans des projets associatifs…

SIMON

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