Si le Racing 92 et le RC Toulon étaient des agences de voyage, vous pourriez être assuré de ne pas retrouver la charmante ville de Bristol, sud-ouest de l’Angleterre, là où le renommé Banksy a réalisé ses premières œuvres de rue, dans leur catalogue de destinations. Non pas que les Ciel et Blanc aient détesté leur voyage outre-manche – quoique, après Porto-Vecchio… – ou que les Varois n’aient pas apprécié la venue des Bears du Somerset.
Bristol et Exeter de plain pied dans l’histoire
Mais plutôt parce qu’après avoir vécu des tristes heures contre les London Wasps, les Saracens, Bath, Leicester, sans oublier le XV de la Rose, le rugby français a vécu ce week-end un nouveau traumatisme face à son meilleur ennemi britannique. Pour la troisième fois, Toulon est tombé en finale du Challenge Européen, face à Bristol (19-32), à Aix-en-Provence. Pour la troisième fois, le Racing n’a pu lever la Champions Cup, battu par Exeter (27-31), à Bristol. Voilà qui place deux nouvelles cités imprenables à la carte du chemin de croix des clubs tricolores en Coupes d’Europe. Et comme bien souvent, cela s’est joué sur ces quelques détails qui font basculer une finale.
Entames de match désastreuses
Comme s’ils avaient fait exprès de ne pas faire exprès, les deux équipes Françaises doivent le scénario de leurs finales à une entame de match catastrophique. Pour Toulon, cela tient à une défense des arrières qui s’est concentrée sur un seul homme sur le coup d’envoi, laissant trop d’espaces sur l’extérieur. Un essai encaissé après dix-sept secondes, trois points de plus sur la possession anglaise suivante, et voilà le match qui « débute » à 0-10. Pour le Racing, c’est le très mauvais départ de la charnière Iribaren-Russell qui mit perpétuellement les siens sous pression des harassantes séquences de pick and go d’Exeter. Après d’incessantes pénaltouches, de nombreux ballons portés, les hommes de Rob Baxter passaient deux fois derrière la ligne francilienne (8e, 16e) – et même une troisième fois après le ballon perdu par Russell dans son en-but – pour porter le score à 0-14 après un quart d’heure.
Retours avant la pause
La résistance se mettait en place, le RCT et le Racing déclenchèrent leur vrai jeu, le rapport de forces s’installait. Les Rouge et Noir relevaient vite la tête, prenaient même le dessus, marquant quasiment des points lors de chaque incursion dans le camp adverse. Seize points de suite, retour aux vestiaires avec l’avantage du score (16-10), il n’y avait presque plus qu’une équipe sur le terrain. Quelques heures plus tard, leurs homologues racingmens éprouvaient plus de difficultés avant la pause. Revenus à deux longueurs d’Exeter après de beaux mouvements, une conquête retrouvée, et deux essais d’un Zebo et d’un Imhoff complètement dans leur match, les Ciel et Blanc subirent une troisième fois la puissance des avants anglais, le pirate Harry Williams y allait de son essai (MT, 12-21).
Tous les espoirs étaient permis. Surtout quand, après avoir collectionné les bévues sur les renvois après leurs essais (dont une fut corrigée d’une interception sur Russell), tout semblait mieux aller pour le Racing, de retour à quatre points après l’essai de Chat, le huitième et dernier de la rencontre (50e, 24-28). Dans un temps faible, Exeter s’arquait sans rompre, n’encaissant ensuite que trois points de la botte de Maxime Machenaud (65e, 27-28). Mais, comme de l’autre côté de la Manche, ces finales en avaient gardé sous le capot niveau scénario, et nous offraient des minutes terriblement frustrantes. A Aix-en-Provence, c’est un invraisemblable retournement de situation qui se produit, alors que Toulon avait le match en main.
Toulon affaibli, Bristol raffermi
Patrice Collazo procédait à de nombreux changements et, soudain, son équipe avait disparu. Sans cesse pénalisée, reprise avant l’heure de jeu (59e, 19-19), elle finissait par craquer sur un essai typique d’un match aussi important, une magnifique percée de quarante mètres de Max Malins sur un turn-over anglais (60e, 26-19). Le RCT n’aura plus l’occasion de revenir au score, s’écrasant incessamment sur la rustre muraille des Ours de Bristol. La patte de Carbonel devenait défaillante, et les Anglais remettaient la main sur le ballon, ajoutant même six points au compteur. Il aura manqué ce petit piment supplémentaire – de Pilou-Pilou dirons nous – quand le banc s’est vidé, car c’est le XV qui s’est vidé dans le même temps. Ce Toulon nouvelle génération aura rapidement une nouvelle occasion de briller, c’est certain.
Antonie Claassen-Abdel Benazzi, même combat
En Angleterre aussi, le match tournait. Lorsque, toujours dominant, en supériorité numérique (carton jaune T. Francis, 72e), le Racing 92 allait s’évertuer à se la jouer Chiefs, enchaînant les pick and go au ras, sans faire craquer le rempart rose. Certains, rancuniers, conserveront avec dépit le souvenir qu’à aucun instant, les hommes de Laurent Travers ne tentèrent le drop. D’autres, réalistes, garderont en tête comme image de la rencontre l’ultime tentative dans l’axe d’Antonie Claassen, arrêté ballon en main à quelques centimètres de la ligne. Ils y auront ressenti la même impuissance que vingt-cinq ans plus tôt, en demie du Mondial, lorsqu’Abdelatif Benazzi s’effondra dans une des piscines du Kings Park de Durban, sans doute derrière la ligne. C’est un peu le destin du rugby français, qui toujours échoue en laissant une image impérissable dans les caboches. D’autant que contre l’Angleterre, la défaite fait toujours plus mal. Et à la fin, souvent, c’est Nigel Owens qui met fin au cauchemar tricolore. Les larmes montent, bonjour tristesse.
Mathéo RONDEAU