Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Entre Belgique et France, l’ancien défenseur international Belge, Philippe Leonard, se raconte de ses débuts dans le foot jusqu’à sa belle histoire avec l’AS Monaco.
Philippe Léonard est un ancien joueur de football professionnel évoluant au poste de défenseur. International Belge à 26 reprises il est passé par l’AS Monaco dont il a porté les couleurs entre 1996 et 2003, avec un titre de champion de France en 1997 et 2000 et une demi-finale de coupe de l’UEFA en 1997, une demie de la Ligue des Champions en 1998.
PHILIPPE LEONARD – UN ITINÉRAIRE PRINCIER
C’est mon père qui m’a fait découvrir le football. Il était gardien but en Belgique, et il fut notamment la doublure de Jean-Marie Pfaaf en équipe nationale belge. C’est donc enfant que j’ai commencé à aller aux entraînements avec lui, je tapais dans un ballon à côté.
Au départ j’ai eu une relation compliquée avec le football. Dans mon premier club, le CS Verviers, ça s’est très mal passé avec mes jeunes coéquipiers.
Finalement au bout de 10 matchs, les 3 clubs professionnels dans la région de Liège me voulaient. Lors de ma visite auprès du plus grand des trois, le standard de Liège, il y avait déjà beaucoup de joueurs convoqués, mais j’ai eu la trouille de faire ce test, je ne voulais pas descendre de la voiture. C’est le recruteur qui est venu me chercher, et finalement j’ai été le seul à être retenu. J’avais 7 ans ils m’ont proposé un contrat de 8 ans, et finalement j’ai pu faire toutes mes classes dans ce club jusqu’à l’équipe première.
PREMIERS PAS AU STANDARD
C’est l’entraîneur Arie Hann (qui a disputé comme joueur 2 finales de Coupe du Monde avec la Hollande en 1974 et 1978) qui me fait monter des espoirs en équipe première lors d’un match amical, mais côté gauche alors que j’ai toujours joué milieu défensif. Sur ma première touche de balle, j’ai donné une passe décisive.
Finalement lors du premier match officiel, je commence en tant que milieu défensif avec à côté de moi une figure emblématique du club, Guy Hellers. Suite à une blessure de l’arrière gauche titulaire, le coach m’a fait coulisser sur ce poste et je ne l’ai plus quitté. Une première saison idyllique où l’on gagne la finale de la Coupe de Belgique 1993 (je marque le second but). Ça faisait 20 ans que le club attendait un trophée.
Je deviens rapidement international avec un premier match contre les USA et je fais la navette entre les A et les espoirs.
PHILIPPE LEONARD – QUAND IL ME DIT QUE C’EST L’AS MONACO, JE SUIS TOTALEMENT EMBALLE
Après quelques bonnes saisons au Standard, je suis convoité par certains clubs. À la base je devais aller au Feyenoord Rotterdam. Arie Hann, mon ancien coach était parti pour ce club et il me voulait. C’est mon père qui jouait le rôle d’agent à l’époque, car les footballeurs n’étaient pas tous entourés par des conseillers comme aujourd’hui.
Arie est venu me voir à la fin d’un match avec Lucien D’Onofrio qui est devenu mon agent, et m’a fait sa proposition. J’étais ravi et d’accord sur les termes contractuels, mais les deux clubs ont commencé à discuter sur le montant du transfert. D’autres clubs se sont également intéressés et notamment Schalke 04.
Lucien vient un jour à la concession automobile que tenait mon père et m’annonce qu’un grand club français me voulait. J’étais intéressé sans connaitre le club et quand il me dit que c’est l’AS Monaco je suis totalement emballé.
Mon père était plus réservé, car il avait en tête la confiance du Feyenoord et d’Arie, il avait peur pour mon temps de jeu à Monaco. J’ai finalement signé dès le lendemain après que mon père ait posé énormément de questions. J’avais beaucoup pensé à tous les joueurs du club comme Barthez, Scifo, Anderson, Petit… Enzo j’avais d’ailleurs pu le côtoyer en équipe nationale et j’allais pouvoir compter sur lui pour mon intégration.
Une anecdote assez drôle est qu’Henri Biancheri le directeur sportif de l’ASM souhaitait à l’origine prendre Marc Wilmots qui jouait avec moi au Standard et finalement les deux clubs ont inversé leurs envies : l’ASM m’a recruté et Schalke 04 a recruté Marc.
INTÉGRATION SOUS LE SOLEIL ASÉMISTE
En tant que Belge, arrivant dans le sud de la France, j’ai rapidement été intégré par des blagues et l’équipe des chambreurs : Gilles Grimandi, Franck Dumas, Fabien Barthez, Lilian Martin, Éric Di Meco… J’ai dû être bon public et avoir beaucoup d’autodérision, car mon accent de Liège prononcé les faisait bien rire.
Je me souviens des premières fois où j’arrivais sur le parking du club avec mon Opel Calibra bien arrangé, face aux Mercedes et aux Porsche, ils se sont un peu foutus de moi. Mais j’ai été très bien accueilli notamment par Enzo Scifo que je me faisais un plaisir de retrouver ici, en plus de l’équipe nationale de Belgique.
Souvent la question du public est posée pour Monaco, mais la plupart des joueurs s’adaptent assez facilement. Par contre quand je suis arrivé, j’ai trouvé le club un peu moins classe que je pensais avec des vestiaires un peu vétustes où on devait sortir l’eau avec des seaux pour éviter l’inondation lorsqu’il pleuvait.
Ma plus belle saison à l’ASM fut en 1999/2000 avec notre coach Claude Puel qui a parfaitement géré l’équipe. Il a vraiment réussi à concerner tout le monde, les cadres et surtout les remplaçants. On ne sentait pas la différence quand des nouveaux éléments jouaient, on était tellement sûr de notre sujet. Claude n’a d’ailleurs jamais relâché la pression toute la saison malgré notre avance en Championnat.
PHILIPPE LEONARD – MONACO CHAMPION(S)
Nous avions donc une énorme confiance en nous dès le début du match avec devant 4 éléments offensifs exceptionnel : Giuly allait tellement vite, Gallardo était un phénomène technique, Trezeguet et Simone terminaient le travail de façon exceptionnelle.
Pour les défenseurs comme moi, il suffisait simplement de ne pas prendre de but pour gagner vu le talent offensif de l’équipe. Après avoir un gardien de la trempe de Fabien Barthez qui sortait d’une Coupe du Monde 98 impressionnante, avec un jeu complet dans les airs, sur sa ligne ou aux pieds, c’était très rassurant. De plus notre charnière centrale Christanval/Marquez était très technique, ce qui collait parfaitement à notre jeu construit pour ressortir le ballon proprement.
Mon rôle était vraiment celui d’un soldat. J’apprenais à côté de mecs comme Sabri Lamouchi qui était le cerveau de l’équipe, il était fascinant dans sa capacité à repositionner les joueurs sans devoir passer par le coach. On se comprenait bien aussi avec Marcelo Gallardo en cours de match.
Cette sensation de monter sur le terrain et de savoir qu’on allait gagner le match, je ne l’ai eue que pendant cette saison-là. Je n’ai d’ailleurs pas vraiment de match référence qui me revienne, mais la victoire au Parc des Princes 3-0 avait laissé une bonne impression aux gens.
L’ambiance entre joueurs était vraiment bien, les Sud-Américains qui même s’ils restaient ensemble nous intégraient dans leurs blagues.
À cette époque, j’étais assez proche de Lilian Martin et Willy Sagnol. D’ailleurs un peu plus tôt dans mon aventure monégasque, j’étais aussi souvent avec Thierry Henry (qui est parti du club en janvier 1999), car on habitait dans la même résidence. Je me souviens qu’un jour en discutant sur le parking avec Thierry, il m’avait dit qu’il voulait marquer le football, vraiment y laisser son empreinte. Je crois qu’il y est plutôt bien arrivé.
L’AS MONACO EST ENCORE TRES PRESENT DANS MA VIE
On a donc très bien fêté ce titre, mon second championnat après celui de 1997 avec l’AS Monaco. Il y avait beaucoup de joie dans les vestiaires et le lendemain nous devions tous être présents pour Téléfoot, mais sur les 25 joueurs convoqués seulement 5 ou 6 étaient là. Le titre fût particulièrement apprécié par le Prince Rainier et le Prince Albert, car c’était le centenaire de la Principauté.
Le seul regret pour cette saison est le parcours moyen en Coupe de l’UEFA qui aurait montré à toute l’Europe la force de notre équipe.
Après quelques années au club, je suis parti en 2003 pour l’OGC Nice puis je suis revenu au Standard de Liège notamment. Actuellement, je passe mes diplômes d’entraîneur. J’aimerais d’ailleurs commencer comme adjoint d’un coach d’expérience.
Je m’occupe pour l’heure de quelques jeunes pour les conseillers et les aiguiller, et je gère aussi une conciergerie de Luxe à Monaco.
L’AS Monaco est encore très présent dans ma vie, je vais régulièrement au stade ou j’ai pu croiser Ludo (Giuly) ou Costinha. Je suis très content de voir l’évolution du club, au niveau structurel et des installations notamment. Cette saison, le PSG est quand même au-dessus, mais l’ASM finira dans le top 3 logiquement avec leurs derniers beaux recrutements notamment Youri Tielemans qui portera l’étendard belge dans ce club.
PHILIPPE LEONARD
Egalement passé par le Standard de Liège, il s’est récemment montré très critique vis à vis d son ancien club : “Cela manque de qualité (…) de manière plus générale, j’ai un peu du mal à comprendre le projet du club”, confie l’international dans les colonnes de DH Les Sports.