Pauline Peyraud-Magnin – Footballeur
Gardienne de but : #Équipe de France, Arsenal FC, Olympique Lyonnais, Olympique de Marseille, AS Saint-Étienne, FF Issy #Championne d’Angleterre 2019 (Arsenal FC), Vainqueur de la Ligue des Champions 2018 (OL), Championne de France 2013, 2014, 2018 (OL)
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Je suis tombée dans le foot toute petite. Mon père jouait en équipe de France CORPO, et en CFA à Neuville. Mon grand-père était président d’un club, Lyon Croix Rousse Football, mon oncle est un ancien joueur pro, Jesus Tejero, le Real Saragosse. C’était donc une passion familiale qui m’a été transmise.
On regardait pas mal de matchs, et je tapais souvent le ballon avec mon père alors que je ne marchais à peine.
Je suis une vraie lyonnaise. J’y suis né et j’y ai grandi. J’étais bien sûr une supportrice de l’OL. J’allais voir quelques matchs par saison au stade, à Gerland, et sinon nous les regardions chez mon grand-père en famille. J’ai eu la chance de grandir à un moment où l’OL rayonnait, dans les années 2000.
Et à chaque mi-temps ou fin de match je partais dans le jardin pour s’envoyer de longues transversales avec mon grand-père. Je jouais à l’école aussi, nous n’étions pas beaucoup de filles à vouloir faire des matchs avec les garçons, mais j’étais l’une d’entre elles.
Le foot féminin n’existait quasiment à ce moment, à mes yeux en tout cas. Il n’y avait aucune visibilité, aucune médiatisation. Le football féminin n’était pas développé. Aujourd’hui les petites filles ont une chance énorme d’avoir tous ces modèles, des filles comme Wendie Renard, Amandine Henry et consorts. À l’époque moi je prenais exemple sur les footballeurs, Thierry Henry, Zinédine Zidane, Fabien Barthez.
GARDIENNE DE BUT MALGRÉ MOI
On partait de loin. Et d’ailleurs je ne m’imaginais absolument pas joueuse de football. Car je ne savais pas que ça pouvait exister pour nous les femmes. C’est d’ailleurs un peu le débat aujourd’hui, mais c’est déjà une énorme évolution comparée à il y a une dizaine d’années. Petite je faisais ça comme un loisir, une passion. Il n’y avait pas d’autres espoirs à avoir.
C’est venu plus tard, quand je suis rentré à Lyon en 2004, à 12 ans. La deuxième année j’ai pris conscience que ça devenait possible, et que j’aimais de plus en plus ça. D’ailleurs ce qui est marrant c’est que je n’étais pas gardienne de but à ce moment. Pas encore.
Je jouais ailière gauche. Jouer dans les cages ne m’avait jamais traversé l’esprit. Puis un jour alors qu’il nous manquait la gardienne pour jouer un match, le coach nous a sondés pour savoir si quelqu’un se sentait de jouer à ce poste. J’ai proposé de le faire, sans trop savoir en quoi consistait ce poste. À la fin de la rencontre, le coach est venu vers moi et m’a demandé si je ne voulais pas rester gardienne.
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Pendant un certain temps, je me suis juste entrainé dans les buts, mais je continuais à jouer dans le champ le weekend. Puis petit à petit je me suis vraiment fixé comme goal et aujourd’hui je ne regrette pas. J’adorais jouer ailière, participer au jeu, faire des passes décisives et marquer, mais être le dernier rempart me permet d’être décisive également pour l’équipe dans un autre registre. Et je peux quand même apporter offensivement par des bonnes relances rapides qui vont amener une contre-attaque, j’ai même pu faire quelques passes décisives donc c’est encore plus gratifiant.
Je jouais à Lyon, et on connait tous la place de Sarah Bouhaddi dans le foot local et plus largement le foot français. C’est un monument à Lyon et la route était donc plus ou moins barrée pour moi. J’ai quand même eu la chance d’apprendre beaucoup à ses côtés, mais il fallait que j’aille chercher du temps de jeu ailleurs. J’ai donc joué à Saint-Étienne et Marseille notamment. C’est vrai qu’il y a une rivalité entre l’OL et l’ASSE surtout au niveau des garçons, entre filles c’est plutôt bon enfant. De plus pour moi à ce moment-là il fallait que je joue et Saint-Etienne me permettait cela. J’ai été bien accueillie, d’ailleurs pour l’anecdote je n’ai pas porté de vert car étant gardienne c’était plutôt rose ou jaune. Après je pense vraiment que ces rivalités entre clubs sont prises de façon différente chez les filles, on se chambre mais c’est toujours bienveillant et je suis quelqu’un qui de toute façon donne tout pour le maillot que je porte. J’ai rencontré des gens formidables et j’ai apprécié mon passage à Sainté ! Je me sentais bien à Marseille également d’ailleurs, alors que c’est aussi un club rival de Lyon. J’aurais pu y rester mais j’ai été recontacté par l’OL pour venir concurrencer Sarah.
C’était l’occasion de revenir dans ma ville, dans mon équipe. Je voulais m’imposer, mais il s’est avéré que je n’ai pas joué autant que j’aurais souhaité et Arsenal est venue me voir pour me proposer de signer chez eux. Arsenal. L’équipe la plus frenchie des 15 dernières années avec des monuments comme Patrick Vieira, Arsène Wenger, Thierry Henry. Dans ma tête il n’a pas fallu longtemps pour prendre une décision, j’avais envie de découvrir quelque chose de nouveau et changer de culture, de pays. Mon agent m’a posé la question et j’ai dit allez go on y va. En 5 minutes c’était décidé, malgré mon niveau faible en anglais à l’époque !
APPRENDRE L’ANGLAIS ET RÉALISER DES CLEAN SHEETS
C’était donc l’occasion de découvrir un nouveau pays, une nouvelle langue, une culture différente également et un championnat différent. Ce sont tant de choses qui ont été des arguments dans mon choix. Ça aurait pu être au contraire des contres arguments, car je pouvais me retrouver en situation d’échec si je n’arrivais pas à m’adapter, mais j’ai un gros mental, une grosse motivation et j’adore les challenges. Quoi qu’il se passe, il faut le prendre comme un enrichissement personnel, une expérience de vie.
Il s’est avéré que tout s’est super bien passé pour moi. Et je me fais même comprendre très bien par tout le monde et je les comprends en retour ! Plus sérieusement je me suis super bien adaptée au club, à l’équipe, c’est très professionnel on s’entraine à côté des garçons et les installations sont vraiment tops. J’aime beaucoup la ville également, tout est là pour que je me sente bien.
Ma première saison a été riche sportivement avec ce titre de championne d’Angleterre, 7 ans après le dernier d’Arsenal, et le record de clean sheet de la saison (6). Pour être honnête, j’ai été super bien accueilli. Ça avait déjà commencé lors de mon premier entretien avec le coach. Je ne comprenais pas grand-chose, mais les mots que j’avais retenus étaient : family, friend, together. Là j’ai compris que c’était une vraie équipe et à partir du moment où tu me donnes ta confiance je ferais tout pour toi.
Le rythme est très intense. On a l’impression qu’il n’y a pas de coupures. Peut-être que les arbitres laissent un peu plus jouer à l’image de la premier league pour les hommes. Il y a beaucoup engagements, j’ai vu mon arrière gauche faire un soleil suite à un contact avec une adversaire. Elle s’est relevée de suite comme si rien ne s’était passé. Le vrai foot anglais !
On va vraiment vers l’avant, un jeu box to box. Lors d’un match récemment contre West Ham j’ai touché une quarantaine de ballons. C’est énorme, sachant que nous avons gagné 4-0. Mais comme le jeu va vraiment vers l’avant, les deux équipes se procurent des occasions, les deux gardiennes sont sollicitées. C’est hyper plaisant à jouer.
En France le jeu est plus technique et tactique.
JE VEUX JOUER ET GAGNER DES TITRES EN CLUB ET EN SÉLECTION
Une chose que j’ai énormément apprécié et qui montre que le football féminin évolue bien en Angleterre, c’est que lorsqu’on a joué contre Tottenham, l’équipe masculine n’avait pas match ce weekend-là. On a donc joué au Tottenham Hotspur Stadium devant plus de 38 000 spectateurs, c’était une décision de la League qui ordonnait à chaque club de faire jouer l’équipe féminine dans le grand stade. C’est génial que le club ait joué le jeu, et donc les supporters également en venant aussi nombreux.
Je vais donc continuer à profiter de ma vie ici, kiffer tous les jours en allant m’entrainer, les weekends en allant jouer. Je ne veux pas me projeter, je suis quelqu’un de très spontané. Je vais tout faire pour aider l’équipe à garder le titre de championne d’Angleterre. Et continuez à être sélectionnée en Équipe de France avec qui j’ai vécu de beaux moments, mais aussi une élimination difficile à digérer. L’Euro arrive et c’est évident que j’ai envie de contribuer encore plus, je veux jouer dans cette équipe, car je m’y sens bien et je veux vraiment participer davantage et aider l’équipe à obtenir un titre. On a super groupe qui manquait sans doute un peu d’expérience, mais on peut être très optimiste pour la suite, ce qui est sûr c’est qu’on est remonté à bloc et on veut vraiment gagner un titre au plus vite !