Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Après nous avoir partagé sa passion pour le kayak en ligne et les exigences de sa discipline, retrouvez aujourd’hui la seconde partie du récit de Maxime Beaumont qui se focalise sur sa première médaille olympique et ses objectifs pour Tokyo 2020. (Crédit photo Une : FFCK / KMSP – JM Hervio)
J’ai découvert les Jeux Olympiques de l’intérieur à Londres en 2012 en décrochant la 4ème place. Même si j’étais passé tout près d’une médaille, j’étais vraiment heureux de ma prestation. Si on m’avait dit quelques années plus tôt que j’allais avoir ce résultat, j’aurais signé tout de suite.
En revanche en 2016 je venais vraiment pour la victoire. Ma performance de 2012 m’a aidé, elle m’a donné encore plus envie. Si j’avais été médaillé à Londres, aurais-je eu les crocs pour venir chercher un résultat à Rio ? De plus, je savais à quoi m’attendre en arrivant sur le village olympique, je savais gérer la pression, l’organisation, etc. Une première expérience aux JO est toujours bénéfique.
La finale se déroulait le matin, donc ce jour-là je me réveille tôt, j’enchaîne par une douche chaude pour bien me réveiller, un petit-déjeuner 3h avant la course et j’arrive au bassin 2h avant l’épreuve. Nous nous échauffons en deux temps sur l’eau. On monte le premier temps 1h30 avant pour descendre 1h avant et on remonte pour le deuxième temps et la course 15min avant.
Avec ce type d’échauffement avant la course, on a quelques sensations dès les premières minutes qui nous permettent de remarquer si on est dans une condition optimale ou juste dans une forme classique. Dans tous les cas, à la fin de l’échauffement on doit avoir fait en sorte de se sentir bien.
J’étais en confiance pour la finale étant donné que j’avais gagné mes séries et ma demi-finale. Mais sur la course au moment T, tout est remis à zéro, et sur 200m nous n’avons vraiment pas le droit à l’erreur, car c’est quasiment impossible de se rattraper.
Je suis content de ma prestation dans le sens où je ne pensais pas à l’enjeu. J’étais vraiment concentré sur ce que j’avais à faire, donner le maximum de moi-même sans être pris par la pression de cette finale. Je l’avais notamment travaillé avec mon préparateur mental et cela a été bénéfique.
Le départ se passe très bien pour moi. Je jaillis rapidement du start. Ça monte, je pagaie bien et je suis bien en place, c’est solide au niveau des abdos et ça transmet bien les forces au bateau. Le bateau accélère, accélère et accélère encore, et ensuite en fin de course c’est la lutte pour garder cette vitesse jusqu’à la ligne. J’atteins la vitesse maximale au bout de 50 mètres à peu près. Je la maintiens à un petit plateau et je commence à décélérer au bout de 120 mètres. L’effort dure 35 secondes plus ou moins donc nous n’avons pas le temps d’entrer dans le lactique, bien sûr l’effort est violent, mais pas au point des coureurs de 400m par exemple qui rentrent dans le lactique sur les derniers mètres. Et là au moment d’approcher la ligne d’arrivée, je jette le bateau comme on dit dans notre jargon, c’est comme un sprinteur qui casse au passage de la ligne. Je regarde autour de moi et j’ai bien l’impression que je suis 2ème. Je suis déçu, pas de ma course, mais du résultat.
UNE MÉDAILLE D’ARGENT QUI OUVRE CERTAINES PORTES
On se prépare 4 ans pour les JO, avec chacun un objectif précis. Le mien était d’être champion olympique. C’est donc normal que dans un premier temps la déception de ne pas remporter l’or prenne le pas sur la joie d’une médaille olympique. Jusqu’à la montée sur le podium et donc la remise de ma médaille, je reste sur ma déception, mais à ce moment-là je commence à réaliser ce que j’ai fait et ce que représente une médaille olympique. Je vois ma famille en face avec mon fils qui applaudit et là ça m’a fait quelque chose, beaucoup d’émotion et de fierté.
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En tant que médaillé j’ai dû enchainer dans la foulée du podium beaucoup de choses en peu de temps, avec les contrôles antidopage, les conférences de presse, les interviews à faire, etc. Ensuite il faut rejoindre le club France, et avec le décalage horaire je tombais en plein dans les JT de 20h donc j’ai enchainé quelques passages télé sur plusieurs chaines et quelques passages radio également. Tout va tellement vite que nous n’avons pas vraiment le temps de le fêter avec nos proches dans l’immédiat, on partage la médaille avec beaucoup de gens, mais on doit attendre pour la partager avec les gens qui comptent vraiment, la famille et les collègues de l’équipe de France. C’est normal, c’est le fonctionnement des JO et dans tous les cas ça reste des moments uniques. Il y a ensuite une soirée au club France et là c’est très festif, on arrose cela comme il faut.
Le retour en France fût animé, je suis retourné dans mon club et j’ai eu le droit à une soirée également, c’est donc une joie qui dure et j’ai profité pleinement de cette médaille.
Cette médaille a changé beaucoup de choses. J’ai gagné en notoriété, je me fais parfois arrêter dans la rue et c’est toujours un plaisir. Je suis convié à plus d’événements également. Pour les sponsors c’est aussi important, on devient plus intéressant et c’est donc gagnant-gagnant.
Actuellement je reconstruis mon éco système, avec un nouvel entraîneur et l’objectif est de renouer cette année avec le podium international. Ce sera aussi l’occasion d’optimiser au mieux avec mon coach, Frederic Rebeyrol, mon programme d’entraînement pour viser les JO 2020 à Tokyo. Ce sera sans doute mon dernier gros défi.
Pour donner un conseil aux jeunes kayakistes, je pense qu’il faut faire de la quantité de qualité. Ne négligez aucun des deux, s’appliquer à bien faire les choses, et les répéter encore et encore. Quand j’étais jeune j’ai souvent entendu qu’il fallait faire toujours plus, plus t’en fais plus tu seras fort, peu importe comment tu le fais, fais-le. Il y avait l’inverse également des personnes qui préfèrent s’économiser pour rester frais.
Il y avait donc trop d’insistance sur la quantité, je pense que c’est vraiment un mariage des deux qui est efficace.
La relève est bien présente. Elle me rappelle constamment que ma place de numéro 1 n’est pas acquise et que je dois continuer de travailler dur. Cette confrontation est saine et je suis le premier à partager avec les plus jeunes. Je pars du principe que s’ils progressent, si la densité en France est plus forte, je devrais encore plus travailler pour être le plus fort et cela me servira à l’international. J’ai pour objectif Tokyo 2020 mais je serais très heureux de les accompagner jusqu’aux JO de Paris 4 ans plus tard.