Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Johann”Maniika” Simon, gamer pro, vient de rejoindre la team FIFA du Paris Saint-Germain eSports après une saison exceptionnelle qui l’aura vue remporter l’Orange E-Ligue 1 et la Winter Dream Hack. Alors que la saison de FIFA 18 vient de se lancer cette semaine avec l’ESWC Paris Games Week 2017, Maniika se raconte. Entre passion pour le football, les jeux vidéos et son arrivée au sein de son club de cœur, découvrez l’un des meilleurs joueurs du monde de FIFA.
J’appartiens à la génération 90 qui a vu l’avènement des consoles de salon avec la PlayStation et la Xbox. C’est mon parrain qui m’a initié aux jeux vidéo, il possédait un écran géant et une PS1 et nous jouions souvent à Tekken ensemble. Puis avec l’un de mes meilleurs amis d’enfance j’ai découvert FIFA sur GameCube, on faisait des carrières de 15 ans sans simuler de matchs. Par la suite avec un autre ami, j’ai pu aussi m’amuser sur Pro Evolution Soccer et c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de mon potentiel pour les jeux de football, j’avais 12 ans.
Tout a vraiment basculé il y a 10 ans, j’étais en 3ème et j’ai réussi à installer le réseau sur ma console pour Halo 3 et FIFA 08. A l’époque c’était vraiment un truc de dingue de jouer en ligne. Avec FIFA, je découvrais le classement en ligne qui avait une importance capitale, et à la fin de la saison j’avais réussi à atteindre la première place mondiale. J’étais assez fier, mais jamais je n’aurais pensé à devenir pro à ce moment-là.
Au bout de quelque temps, des joueurs sont venus me contacter sur le réseau afin de me parler d’eSport. J’ai commencé à faire mes premiers tournois online et finalement en 2010 ce fût ma première participation à une compétition live à Poitiers. Une expérience super sympa, car malgré ma défaite en demi-finale, j’avais pu battre le champion du monde en titre Bruce Grannec. Je vous avoue aujourd’hui que je ne le connaissais pas à l’époque. Il allait d’ailleurs me faire rater de nombreuses victoires en compétition par la suite.
LE FOOT, UNE PASSION AVANT FIFA
Avant même de devenir un bon joueur de FIFA, j’ai toujours été passionné par le monde du ballon rond. J’ai été un bon joueur dans les catégories jeunes notamment en jouant pour les 16 ans nationaux à Amnéville ou au centre de formation de l’AS Nancy Lorraine. J’ai même remporté le Championnat de France de futsal à l’époque.
Mon père m’a toujours rêvé en footballeur pro, et lorsqu’il m’a vu arrêter le foot et passer plus de temps sur ma console, notre relation s’est dégradée. Bien que l’arrêt était dû à des blessures récurrentes, nous avons cessé de nous parler pendant près d’une année. Finalement, aujourd’hui c’est mon premier supporter et je suis très fier d’avoir pu lui prouver que cette pratique vidéoludique avait été utile. Je pense que sa vision sur l’eSport et son importance a vraiment changé quand je l’ai emmené avec moi pour la Coupe du Monde de FIFA 15 au Brésil et que nous avons pu aussi profiter de la Coupe du Monde de Football et du fameux France-Allemagne (0-1) au Maracaña.
Hormis cet épisode, ma famille m’a toujours fait confiance même si je n’ai pas eu la réussite scolaire qu’il souhaitait pour moi. Je me souviendrais toujours de ma mère qui n’était pas très bien de me laisser partir tout seul pour mon premier tournoi à Poitiers alors qu’on habitait à Metz. J’avais 17 ans et elle m’a fait confiance.
Les choses se sont accélérées après l’arrêt de mes études en seconde année de STAPS, je n’étais pas encore rémunéré, mais je passais le plus clair de mon temps sur FIFA. Après un premier emploi dans un parc de voitures en Allemagne, je suis devenu opérateur-régleur dans une usine pendant 18 mois. Ça m’a vraiment permis de progresser à FIFA, car je n’avais qu’à penser à mon jeu à partir de 17h, pas de pensées parasites ou de devoirs à faire chez moi le soir en rentrant. Mon investissement dans FIFA a alors payé et j’ai ainsi pu en vivre pleinement en intégrant l’équipe Millenium il y a 5 ans.
LORS DE MA VICTOIRE A L’ORANGE E-LIGUE 1
Retour à la maison après ce magnifique titre de champion de France @Orange_eLIGUE1 ! Merci à tous pour vos messages et votre soutien 💜 pic.twitter.com/2k9hGqSDxd
— Johann Simon (@PSG_ManiiKa) 24 mai 2017
La saison dernière a vraiment été celle de l’explosion avec ma victoire lors de la DreamHack, quelques podiums européens et mondiaux et surtout le gain de l’Orange Ligue 1 contre le champion du monde et ami, Corentin « RocKy » Chevrey, qui était invaincu en France depuis 1 an.
Après 5 saisons chez Millenium et une année exceptionnelle, j’ai été contacté par le PSG. Je pense que plusieurs raisons les ont poussés à me recruter, la mauvaise saison de leur joueur « Agge » (champion du monde 2014), le fait d’avoir sans prétention été dans le top 3 monde l’année dernière, mais également d’être français a clairement joué pour eux.
INTÉGRER LE PSG, UN RÊVE ET UNE FIERTÉ
J’ai eu des contacts avec d’autres clubs, mais une fois que le PSG s’est positionné, mon choix été vite fait. Je suis un vrai fan du club, toute ma famille est pour le Paris Saint-Germain, c’était une évidence. Jamais je n’aurais pensé porter les couleurs de ce club plus jeune, c’est vraiment un rêve qui se réalise. La saison que je viens de réaliser est tout sauf le fruit du hasard d’ailleurs. Il y a 2 ans, je perds en ¼ de finale de la Coupe de France contre « Daxe » au cours de 3 matchs de fou, et il le recrute dans la foulée. Si j’avais gagné, je pense qu’il m’aurait choisi et j’ai donc pris un coup au moral de voir le PSG se lancer dans l’eSport et ne pas en être. Ça a été une petite revanche de faire la meilleure saison possible et de forcer le destin.
Lucas « Daxe » Cuillerier est comme mon petit frère, on s’entraîne ensemble et c’est donc réjouissant d’être dans la même team pour cette saison. Mon quotidien après ne va pas fondamentalement changer, je joue principalement avec des pros scandinaves comme « Agge » notamment. Je n’aurais plus mon ancien coach « Zack » cette année, mais je pense ne plus avoir besoin d’une personne derrière moi pendant les compétitions, je n’ai plus 17 ans. Il sera de toute façon toujours là de manière ponctuelle en tant qu’ami afin de me donner son avis, ce qui est important pour se rassurer dans certaines périodes de doutes pré-tournois.
Je trouve que cet investissement des clubs pro dans l’eSport est très positif même si en France, personne n’a le niveau de professionnalisme du PSG. D’autres structures européennes sont bien avancées comme les allemands de Schalke 04 ou de Wolfsburg, l’AS Roma également qui vient de s’associer avec l’une des meilleures team eSport du monde, Fnatic. Pour les clubs, c’est l’occasion d’attirer un nouveau public éloigné du monde du football et pour l’eSport de continuer sa croissance.
Pour nous les joueurs, la différence fondamentale est de pouvoir participer à des compétitions où seuls les joueurs de clubs peuvent participer. Il y a également une augmentation en termes de visibilité et de notoriété, car tu es associé à un club connu mondialement. Je pense également que je vais être mieux encadré et structuré au sein de la team FIFA du PSG eSports. La synergie avec les autres teams du PSG comme Rocket League est compliquée du fait de la différence importante de gameplay, mais je pense que dans le futur nous allons avoir des discussions notamment sur la vision de la compétition et sur la préparation mentale.
Intégrer le PSG a également changé la vision de mes proches, car avant je ne parlais pas vraiment d’eSport avec eux et ça me permettait justement de couper. Depuis mon arrivée au sein du club, c’est vraiment un sujet qui sort tout le temps, ils prennent vraiment conscience de l’importance de l’eSport.
MON OBJECTIF, LE TITRE MONDIAL
Je suis vraiment pressé de jouer mon premier match officiel avec ce maillot du PSG, j’ai le bon état d’esprit actuellement. Pour l’heure je n’ai fait qu’une rencontre avec le joueur d’Anderlecht et j’attends avec impatience mon premier tournoi.
Mon objectif est simple, c’est de devenir le meilleur joueur du monde. J’avais 3 rêves : être Champion de France ce que j’ai pu faire avec Millenium, rejoindre le PSG, et devenir Champion du monde. Je sais ce qu’il me reste à faire avec ce nouveau maillot, mais FIFA c’est très dur, ça va tellement vite. Il y a tellement de joueurs pour peu de places, c’est compliqué de seulement se qualifier aux championnats du monde avec des millions de joueurs.
Cependant, ça fait 7 ans que je joue à haut niveau et je dois être l’un des derniers rescapés de mon époque. Mon expérience avec mes 5 participations aux championnats du monde, mes résultats l’année passée et le fait d’avoir signé au PSG me donnent la confiance nécessaire pour mettre la pression sur mes futurs adversaires. Une bonne saison s’annonce !
Johann