Frédéric Cattaneo – “Il faut davantage diffuser le tennis fauteuil”

Frédéric Cattaneo est un joueur de tennis fauteuil. Il a participé à trois Paralympiades (2012, 2016, 2020). Avec l’argent en 2012 en double avec Nicolas Peifer.
Frédéric Cattaneo aimerait retrouver les sommets en tennis fauteuil
Frédéric Cattaneo aimerait retrouver les sommets en tennis fauteuil

Frédéric Cattaneo est un joueur de tennis fauteuil. Il a participé à trois Paralympiades (2012, 2016, 2020). Avec l’argent en 2012 en double avec Nicolas Peifer. En double, il a également remporté le tournoi prestigieux de Roland-Garros et atteint à la finale de Wimbledon. Après une année 2021 marquée par des JO plus compliqués, il cherche à se relancer et a mis en place un nouveau protocole d’entraînement. Il raconte son aventure à Tokyo, son futur et sa volonté d’enrichir son palmarès, mais aussi son agacement quant au manque de médiatisation de sa discipline ! Plongez avec Frédéric Cattaneo dans son univers et dans le monde du handisport.

Crédit : DR

Le compte facebook de Frédéric Cattaneo : ICI

FRÉDÉRIC CATTANEO – DES JEUX COMPLIQUÉS À GÉRER SPORTIVEMENT ET MENTALEMENT

Les Jeux ont été un peu spéciaux car il n’y avait pas de public dans les sites. Normalement, les JO ont toujours une ambiance spéciale, avec les encouragements. Nous, on aime bien avoir ce genre d’ambiances, qu’on n’a pas tout l’année sur le circuit. On a dû faire notre tournoi, car cela reste une compétition qu’il faut faire. Il y avait moins d’emballement, même si j’étais content d’être sélectionné et partager des moments avec l’équipe de France. Mais il manquait ce petit truc, ce public derrière nous qui nous pousse. Il a manqué cette petite aide, qui caractérise les Jeux. C’est dommage, car les Japonais avaient prévu gros. Quand tu vois les structures mises à disposition et le non-public, je trouve ça dommage. Mais c’est comme ça !

Sur le plan sportif, ce sont mes troisième jeux. Je suis allé malheureusement decrescendo. Je fais une médaille direct à Londres en 2012, à Rio je suis proche de la médaille et là on perd au deuxième tour. Les gens peuvent se dire : “Plus il fait les Jeux et plus les résultats sont mauvais”. Ce n’est pas un problème de préparation. Je ne me cherche pas d’excuses, mais la pandémie actuelle a fait qu’on a manqué de compétition, pour se préparer et cela a été compliqué à gérer sportivement et mentalement. Il y a eu aussi les conditions météos spéciales là-bas, avec 35 degrés et 85% d’humidité, ce qui n’est pas habituel même au Japon. On a dû s’adapter, on est arrivé quelques jours pour s’acclimater.

IL Y A DES CHOSES QUI NE ME PLAISENT PAS DANS MON PALMARÈS

Mon premier match de simple, je devais le jouer à 11h30, je l’ai joué qu’à 17h. Il a fallu se ré-échauffer et respecter des protocoles et je n’était pas dans une configuration optimale pour jouer mon match. Et je n’ai pas fait le match de ma vie. Je n’étais pas en grande forme, ce qui arrive. Je joue quelqu’un qui est 23e mondial cette semaine-là, c’était abordable mais corsé. L’ensemble a donné l’échec en simple. En double, on était la 9e équipe, sachant qu’il y avait 8 têtes de série. Il manquait des équipes, car des nations sont arrivés qu’avec un seul tennisman, donc pas de double.

Il y a eu des exemptions, à partir de la 9e équipe. On en a été bénéficiaires. Sauf qu’au 2e tour, on a pris une tête de série. Après, on a pris la paire japonaise, chez eux, sur un gros court. Il a fallu réussir à gérer tout ça. On a fait notre match et on n’avait clairement pas les armes pour gagner. On a fait ce qu’on a pu.

“Pas satisfait de mon classement actuel”

Mon entourage discute avec moi et me dit que j’ai un palmarès conséquent. J’ai six titres de champion du monde, à partir de demain (NDLR : entretien fait vendredi 24 septembre). “Tu as fait médaille aux JO, un titre du grand chelem, des titres en simple et en double. Quand on additionne tout ça, tu as un palmarès énorme”. J’en suis très fier, mais quand tu vois celui de Stéphane Houdet, à côté, je ne suis pas grand-chose par rapport à lui. On m’a parfois reproché de ne pas me rendre compte de ce que je vis actuellement.

Mais je connais mon niveau, ce que je suis capable de faire et ce que je dois faire et il y a des choses qui ne me plaisent pas dans mon palmarès. Je ne suis pas satisfait de mon classement actuel, 19e mondial cette semaine. Mon ancien coach m’a dit que je devrais être dans les 8, avec le passé que j’ai.

FRÉDÉRIC CATTANEO – LE TENNIS FAUTEUIL A ÉVOLUÉ ET CELA JOUE DE PLUS EN PLUS VITE

Ils me disent que j’ai une superbe main et que je devrais être dans les 8 meilleurs. Je me remet en question sans aucun souci et je sens que je dois modifier mes méthodes d’entraînement, pour remonter dans le classement. 19e mondial, ce n’est pas ma place.

Et à ce propos, la problématique que j’ai eu, c’est que j’ai été fort à une certaine époque. Mais les gens doivent savoir que le tennis fauteuil a évolué. Les joueurs jouent de plus en plus vite et le circuit rajeunit. Le niveau a progressé. Je m’étais enfermé dans une routine et je n’ai pas forcément trouvé le besoin de progresser dans mon jeu. Résultat j’ai stagné et régressé au classement. Les Jeux ont été une petite claque. J’ai eu un entretien individuel avec le directeur sportif et le sélectionneur. Ce qui est le cas pour tout le monde, pour faire le bilan. Ils m’ont un petit peu remué en m’expliquant que je devais changer mes méthodes, sinon je serai 40e mondial, dans 2 ans. Ils m’ont aussi dit : “Ce serait dommage d’être français et de ne pas être sélectionné pour Paris 2024”.

JE SUIS EN PLEINE RESTRUCTURATION

Je suis en pleine restructuration et je m’entraîne dans mon club à l’US Arnage depuis des années. Mais malheureusement, il n’y a pas beaucoup de disponibilités dû aux différents cours. Je n’ai que deux jours par semaine pour m’entraîner. Clairement, je me suis dit qu’il fallait trouver un jumelage avec un autre club, pour m’entraîner correctement. J’ai tapé à la porte du club de Coulaines, dont je connais le président. C’est un gros club et j’ai rencontré ce président (NDLR : le mercredi avant l’interview). Je lui ai proposé ce projet et ils m’ont dit qu’ils seraient ravis de m’accueillir.

Ils vont faire en sorte de trouver des sparring-partners pour s’entraîner avec moi. C’est une bonne intention. A mon retour de coupe du monde, on en rediscutera. Mais j’ai l’assurance d’avoir du monde car des personnes seraient ok. Je jouerai avec mon collègue du club et dans le club de Coulaines. Je peux monter à 4-5 entraînements par semaine.

Il faut savoir aussi que durant la période du Covid, les tennismen ne pouvaient pas s’entraîner, sauf les haut-niveau. Par chance, j’avais la dérogation faisant partie des haut-niveau. J’avais aussi le droit à un sparring. Durant cette période, j’ai pu m’entraîner à ma guise et à l’heure où je voulais. Et j’ai fait mes 4 entraînements par semaine sans aucun problème. Mais, à la reprise, quand tout le monde a pu rejouer, les installations ont été prises et cela a été plus compliqué pour moi. On m’a dit que ce ne serait que le lundi et le mardi et le reste du temps, ce ne serait pas possible.

FRÉDÉRIC CATTANEO – RETROUVER RAPIDEMENT LES 12 PREMIERS MONDIAUX

Je travaille la journée et je ne peux jouer qu’à partir de 17 heures. Je suis conseiller entreprise à Pôle Emploi, avec une CIP, qui me permet de me dégager du temps pour les compétitions. Mais les autres aussi veulent prendre des cours de tennis et le club a sa vie et ne pouvait pas libérer des cours le soir. Il fallait vraiment que je trouve une solution. D’où ce jumelage qui va me permettre d’avoir minimum 4 entraînements.

Mon objectif à court terme est de revenir dans les 12 premiers mondiaux en simple. Je suis sûr que c’est possible, en s’entraînant bien et en faisant les bons résultats dans les bons tournois. Cela ne viendra pas du jour au lendemain. Paris 2024 c’est demain pour nous. Les joueurs vont continuer à jouer et à être solides. Il faudra résister sans perdre les bons wagons en route et rester dans le top.

LE FAUTEUIL SPORT EST SPÉCIFIQUE, C’EST COMME PASSER DE LA TWINGO A LA FERRARI

Stéphane Houdet ou moi, on a le “bon” handicap. En tant qu’amputé, on est forcément un peu plus léger et on sollicite moins le corps. On est des joueurs de tennis à l’origine, par rapport à d’autres. J’ai été 15 avant mon accident, soit un bon niveau régional. La problématique n’a pas été le tennis, même si j’ai dû passer mon revers à une main et que cela a dû induire des changements. Il y a aussi un changement au service car on sert de moins haut et il a fallu adapter le cerveau sur les hauteurs. La problématique c’était le fauteuil et se déplacer avec. Je ne partais de rien. C’est comme passer le permis de conduire, la première leçon tu fais pas ce qu’il faut et le poteau est pour toi (rires). Je ne savais pas du tout manier le fauteuil.

Il faut savoir qu’un fauteuil de sport est spécifique au niveau de la conduite. C’est comme passer d’une Twingo à une Formule 1, cela ne se conduit pas pareil. J’ai dû tout réapprendre et une fois qu’on avait compris, on avait la main du tennis. Pour l’anecdote, je suis passé de non classé à numéro 10 français en un an. Stéphane est passé de classé à numéro 1 en un an. Tout le monde nous dit : “Quelle progression”. Oui et non car on n’a pas forcément une grande gloire, en tant qu’ancien joueur de tennis. Ceux qui n’en avait jamais fait doivent apprendre le déplacement du fauteuil et jouer au tennis.

FRÉDÉRIC CATTANEO – IL FAUT QUE LES TÉLÉ PRENNENT LE RISQUE DE NOUS DIFFUSER

Sur la question de ma durée, le fait d’être plus léger fait que j’ai moins à tirer et je suis moins sujet à blessures. Le Paratennis sollicite deux fois moins le corps. On est assis et on ne sollicite forcément que le haut. C’est un peu sadique, mais un entraîneur peut nous demander deux fois plus de travail qu’un valide, qui sollicite également les jambes. On n’a pas la notion d’appui. On a eu un paratennisman qui à 60 ans, était toujours dans les meilleurs mondiaux. Stéphane Houdet a 51 ans. Après, il n’y a pas de secret, on se prépare aussi pour durer.

De la musculation/préparation physique. Dans la vie de tous les jours, je fais des kilomètres avec mon fauteuil de ville. Ce n’est pas rien, cela amène un entretien musculaire au quotidien. J’ai la chance également d’avoir les abdos qui fonctionnent par rapport à quelqu’un qui n’en a pas. On peut durer très longtemps.

“Prendre le risque de se casser la gueule”

La médiatisation n’est pas compliquée. Comment on fait ? Il faut s’y intéresser, la diffuser et pour ça, il faut qu’il y ait des télés qui soient intéressées et qui doivent prendre le risque de se “casser la gueule” financièrement. Quitte à être en déficit au début, car je suis convaincu qu’à terme cela peut monter. Il faut des initiatives, diffuser les tournois et là, on aura gagné. Le problème c’est que, pour l’instant, il n’y a aucune télé qui se mouille sur nos tournois. Il faut des retombées derrière. Si tu retransmets un Djokovic-Nadal, cela aura plus de retombées qu’un match entre les deux meilleurs mondiaux en para tennis. Les gens hors milieu ne savent pas qui ils sont. Mais si les Djokovic, Federer sont connus, c’est qu’ils sont diffusés et qu’on les a fait connaître. Mais ce sont des gens comme nous qui font la même chose que nous.

FRÉDÉRIC CATTANEO

Avec Etienne GOURSAUD

Total
0
Shares
Related Posts