Foot – Pourquoi Neymar et d’autres footballeurs soutiennent Bolsonaro

Neymar a apporté son soutien hier à Jair Bolsonaro, président d’extrême-droite brésilien et candidat à sa propre succession.
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Neymar a apporté son soutien hier à Jair Bolsonaro, président d’extrême-droite brésilien et candidat à sa propre succession.

Crédit : DR

Soutien de Neymar à Bolsonaro mais aussi enjeu de la présidentielle au Brésil

C’était un secret de polichinelle, mais Neymar vient de le confirmer de façon “éclatante”. Le Brésilien et joueur du PSG vient d’apporter son soutien à Jair Bolsonaro. Le président brésilien d’extrême-droite, auteur de mesures anti-sociales très drastiques, depuis son élection en 2018.

Lula contre Bolsonaro

Ce dimanche, les Brésiliens sont appelés aux urnes pour décider du prochain président de la république. Deux favoris, Jair Bolsonaro, le président sortant et Lula, candidat de la gauche brésilienne. L’homme de 77 ans a été président de 2003 à 2011. Avec son actif, un programme mêlant durcissement des conditions de détention d’armes à feu, mais aussi un soutien à l’avortement et au mariage homosexuel. Mais aussi de grands programme pour le logement, dans un pays autant connu pour ses favelas (bidonvilles) que pour son équipe nationale de football. A hauteur de près de 40 milliards d’euros, plus 15 pour l’assainissement de l’eau. Pour apporter aux Brésiliens les plus pauvres, de vrais conditions décentes de logement.

Corruption contre populisme

Cependant, ses deux mandats n’ont pas été parfait. Il a du, de 2003 à 2004, appliquer une politique de rigueur budgétaire imposée par le FMI. Le Brésil faisant alors face à un gros déficit, le premier objectif a été d’assainir les finances, quitte à s’éloigner de son programme initial. Comme a dû faire un Alexis Tsipras en Grèce. Surtout, la fin de son mandat et la suite ont été entachés de gros soupçons de corruption. Qui ont couté la place à celle qui lui a succédé, Dilma Roussef, qui s’est faite destituée en 2018. Amenant Jair Bolsonaro au pouvoir. Condamné à 12 ans de prison et déclaré inéligible, par un juge Sergio Moro, proche du camp de Bolsonaro, alors qu’il était candidat à la présidentielle, il est finalement blanchi, la partialité de Sergio Moro ayant été reconnue

Surfant sur la vague de corruption qui a touché les deux figures phares du socialisme brésilien, Jair Bolsonaro a été élu ! Redonnant rapidement de la légitimité à l’armée, levant les restrictions sur le port d’armes. Il mène une campagne contre les sciences humaines et sociales, qu’il considère de son aveu comme “des écoles d’endoctrinement gauchiste”. Plus que jamais, il encourage la déforestation de l’Amazonie (+85 % de 2018 à 2019) et se montre favorable à l’utilisation massive des pesticides. Il reprend les mesures d’austérité. Il a également été vivement critiqué pour sa politique du “laisser-faire” pendant l’épidémie de Covid_19.

Une longue liste de footballeurs brésiliens qui soutiennent Bolsonaro

En plus de Neymar, Lucas Moura a également publiquement apporté son soutien à Jair Bolsonaro : “Je suis un conservateur de droite (…) Bolsonaro est le politicien qui se rapproche le plus de ce que je crois”. Jair Bolsonaro peut également compter sur le soutient de l’ancien ballon d’or 2005, Ronaldinho, un des plus grands footballeurs brésiliens de l’histoire ! L’ancien latéral du Milan AC, double champion du monde 94 et 2002 et finaliste 1998 Cafu avait soutenu le candidat en 2018 et reste un de ses soutiens aujourd’hui ! Felipe Melo, avait dédicacé un but “au futur président Bolsonaro”. Rivaldo, ballon d’or 1999, y était allé de son soutien, comme les anciens Lyonnais Rafael et Marcelo. Enfin, un autre Brésilien ballon d’or, Kaka (2007), proche des évangélistes, s’est déclaré soutient de Bolsonaro. Plus surprenant, Romario, ancien député socialiste, mais qui a rejoint la droite brésilienne en 2017, avait apporté son soutien à Bolsonaro. Comme Lucas Paqueta, Gabriel Jesus ou Alisson.

Pourquoi Neymar et les autres footballeurs soutiennent Bolsonaro

La majorité des noms cités, viennent des favelas et son issus des contrées les plus pauvres du Brésil. En plus de la pauvreté, ils font partie de la communauté noire ou métissée du Bresil. Qui subit le racisme et le plus d’inégalités dans le pays. “Les noirs sont malodorants et non éduqués”, avait déclaré Jair Bolsonaro par le passé. Le soutien à un candidat d’extrême droite, ouvertement raciste. Une communauté qui représente plus de la moitié de la population du Brésil, soit près de 110 millions de personnes. Et pourtant très peu représentés aux postes dit d’élites et en premier lieu, les administrations d’état. Pour beaucoup d’entre eux, le football (et le sport en général) reste le seul moyen d’accéder au sommet de la pyramide, par l’argent et aussi la grande médiatisation. Un footballeur comme Neymar gagne plusieurs dizaines de millions d’euros par an. Et est suivi par presque 200 millions de personnes sur Instagram.

Loin de leurs origines

Si Jair Bolsonaro est un président ouvertement discriminant envers ces communautés, tout comme la communauté homosexuelle, il est aussi le président des riches. Avec des mesures fiscales favorables. Qui arrangent des footballeurs qui emmargent parfois à plusieurs millions d’Euros. Et quand on vient de milieu très pauvres et qu’on parvient à réussir, la crainte de retomber est une réalité qu’il ne faut pas négliger. Sans excuser de tels soutiens, cela permet aussi de comprendre ces choix et pourquoi ces footballeurs sont prêts à renier (malgré le fait de se revendiquer favelitas) leurs intérêts qui sont bien loin de ceux de leurs origines. Bien qu’avec un Lula, on est loin de l’expropriation pour les grandes fortunes, ces craintes sont tout de même exaltés par les ultra conservateurs et peuvent trouver un écho important sur des nouveaux riches.

Ces joueurs viennent de classes défavorisées, ils sont politiquement ignorants. Ils pensent à eux, à leur nombril et tombent dans le panneau, sans se soucier du futur du pays» déclairait en 2018 le journaliste Juca Kfouri

La religion les réunit

Maintenant, tout résumer à l’argent serait réducteur. Une autre valeur réunit ces footballeurs à Jair Bolsonaro : la religion. Le président brésilien n’hésite pas à afficher ses grandes “valeurs” religieuses. S’attirant la sympathie de la communauté évangéliste, qui a voté à près de 40 % pour Bolsonaro. Une communauté dont est proche Kaka, qui n’a jamais caché sa grande foi. On se souvient de son t-shirt “I Believe Jesus”, lors de buts marqués, alors qu’il jouait au Milan AC. Neymar, soutient également de Bolsonaro, n’hésite pas non plus à afficher sa foi, que ce soit sur les terrains de foot où sur les réseaux sociaux

Mais Jair Bolsonaro est, comme Donald Trump aux USA, un symbole du dégagisme de l’ancien monde politique, qui a secoué bon nombre de pays dans les années 2010. Et dont les footballeurs sont aussi un certains reflet de la société. Une nouvelle génération qui a pris de plein fouet les accusations de corruption, qui ont secoué bon nombre de politiciens, notamment de gauche (lire plus haut). Les footballeurs, malgré l’argent, reste majoritairement peu éveillés politiquement. Et se laissent facilement séduire par les discours populiste, sur l’insécurité. Une insécurité qui est une réelle problématique au Brésil. Des villes comme Rio de Janeiro sont parmi les villes les plus dangereuses du monde. Le taux d’homicide a triplé en 15 ans. D’ailleurs, Bolsonaro n’a pas contribué à sa réduction. Qui vient en partie de l’accroissement des inégalités, qui ont explosé durant la période Covid !

Loin de Socrates et de la démocratie aux Corinthians

Idole du Brésil, dans les années 70 et 80, Socrates était bien plus qu’un footballeur. Le chirurgien a révolutionné la façon d’approcher le football. Comme un art ! En pleine dictature brésilienne, qui a sévi de 1964 à 1985, Socrates va révolutionner la démocratie dans le football ! La fameuse démocratie aux Corinthians. Que ce soit les joueurs, les primes, mais aussi tout ce qui est décisionnaire dans le club brésilien, chaque joueur à son mot à dire. Loin de la verticalité du football moderne, avec actionnaire, président, directeur sportif, entraîneur et enfin le footballeur. Avec un mot, le plaisir et encore le plaisir. L’excellent Conte de Foot revient en détail. Socrates s’est aussi distingué par son opposition au régime, avec l’ensemble de son club. Chaque joueur avait son droit de parole. Socrates incite les Brésiliens à aller voter ! Sa classe, son mode de vie anticonformiste en a fait une icone de liberté !

Aujourd’hui, parmi les footballeurs, des voix s’élèvent encore contre Jair Bolsonaro. Dont l’ancien lyonnais Juninho. Mais l’artificier semble bien seul parmi ses compères footballeurs.

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