Cyclisme (rétro) – La belle chanson de Rolland – Toussuire 2012

Pierre Rolland a connu un de ses plus grands jours de gloire sur les pentes de la Toussuire, lors de la 11e étape du Tour 2012.
rolland toussuire

Pierre Rolland a connu un de ses plus grands jours de gloire sur les pentes de la Toussuire, lors de la 11e étape du Tour 2012.

Crédit : DR

En ces périodes tristes pour la B&B Hôtels, formation de Pierre Rolland et qui devrait disparaitre, petit retour sur un des plus grands exploits du grimpeur français. Une victoire héroïque sur les pentes de la Toussuire, après avoir dompté le col de la Madeleine, le col de la Croix-de-fer, le col du Mollard et la Toussuire.

Un début de Tour peu emballant

On ne va pas se mentir, on ne vit pas le début de Tour de France le plus emballant de l’histoire. Avant même le début de l’épreuve, la Grande Boucle est amputée de plusieurs favoris. Alberto Contador, vainqueur du Tour de France 2007 et 2009, purge une suspension pour un contrôle positif au clenbutérol, lors du Tour 2010, dont il est déchu, au même titre que le Giro 2011. Mais également d’Andy Schleck, victime d’une fracture du bassin lors du Dauphiné. Le Luxembourgeois, vainqueur du Tour 2010, ne retrouvera jamais son meilleur niveau. Si Cancellera montre sa force, en remportant le prologue de Liège, c’est bien Bradley Wiggins qui montre les muscles, avec sa 2e place, malgré une grande prudence. Le Britannique est devenu le grand favori d’un Tour avec deux chronos de 41 et 50 kilomètres. Surtout, il a remporté le Dauphiné et possède une équipe exceptionnelle.

Allez, les moments de bonheur nous sont offerts par le jeune Peter Sagan. Le Slovaque découvre le Tour mais assomme déjà la concurrence avec trois succès en costaud, durant cette première semaine. Mais la Sky siffle la fin de la récré, lors de l’étape de la Planche des Belles Filles. Arrivée classique mais alors inédite dans la Grande Boucle. Dans ces quelques 6 kilomètres de montée, la formation britannique essore la concurrence. Il ne reste que 5 hommes à la flamme rouge (Nibali, Taraamae, Evans, Wiggins et Froome). Et c’est Chris Froome, équipier de Bradley Wiggins, qui surprend son monde, pour s’offrir son premier succès sur le Tour.

Rolland Toussuire – Une échappée fleuve

Les écarts sont resserrés, mais on a déjà l’impression qu’avec la prise du maillot, les choses sont scellées. Et le lendemain, sur les routes de Porrentruy et l’avènement du jeune Thibaut Pinot, vainqueur d’étape, personne ne parviendra à déstabiliser Bradley Wiggins, sur un parcours de moyenne montagne. Et dès la 9e étape, la messe semble dite ! Seul Chris Froome, son équipier résiste à 35 secondes. Cadel Evans, vainqueur sortant, prend 1’43, Vincenzo Nibali réalise une bonne performance mais est à 2’07. Pierre Rolland est à 5 minutes. On a comme une impression de chappe de plomb qui s’est abbattu sur le Tour. Comment battre un coureur dont l’équipier le plus fort est plus fort que la concurrence ?

Et pourtant, lors de la 11e étape, un vent de folie s’empare du Tour de France. Car 28 coureurs ne l’entendent pas de cette oreille ! Ils veulent tenter de déstabiliser cette équipe Sky. Dont des coureurs prestigieux, comme Michele Scarponi, vainqueur du Giro 2011, Chris Horner, Alexandre Vinokourov, Levi Leipheimer, mais aussi Pierre Rolland. Un groupe, qui prendra une petite avance sur le peloton, franchissant le redoutable col de la Madeleine, avec près de 3 minutes d’avance sur le peloton. Dans le non moins redoutable col de la Madeleine, c’est Christophe Kern, héros du Dauphiné 2011 et coéquipier de Pierre Rolland, qui abat un gros travail. Pour faire la sélection.

Cadel Evans attaque à 67 kilomètres de l’arrivée

Il en est obligé, car le peloton ne musarde pas. Loin de là. Car Cadel Evans veut mourir les armes à la main. Il lance une offensive à 67 kilomètres de l’arrivée. L’Australien fait preuve d’un grand panache, ce qui n’a pas toujours été le cas sur la Grande Boucle. Du panache, mais pas les jambes à la hauteur de ses ambitions. Le vainqueur du Tour de France 2011 rejoint son jeune coéquipier Tejay Van Garderen. Mais rapidement, on s’aperçoit que l’Américain est plus fort que l’Australien. Cadel Evans ne semble pas avoir digéré son démarrage et pioche. Van Garderen est obligé de lever le pied. Au contraire de la Sky qui se met en ordre de bataille. Michaël Rogers embraye. Derrière, c’est la débandade. 4 Sky (Rogers, Porte, Froome, Wiggins) et … 4 coureur dans la roue de la formation britannique. Vincenzo Nibali, Janez Brajkovic, Jurgen Van den Broeck et Thibaut Pinot sont les seuls rescapés d’un groupe maillot jaune. L’essoreuse est de grande qualité et Cadel Evans abdique, pour se ranger “sagement” dans les roues.

Devant, Pierre Rolland, Robert Kiserlowski, Chris Anker Sorensen et Vasil Kyrienka s’isolent en tête. Malgré une chute dans la descente du col du Mollard, Pierre Rolland semble avoir la bonne patte. Et il faut, car ils abordent la montée finale, longue de près de 18 kilomètre, avec une avance très mince, seulement 2’40. Même si on a affaire à de très bons grimpeurs, trois cols sont passés par là et derrière, la bagarre ne va pas cesser. Pierre Rolland le sait et attaque à 11 kilomètres de l’arrivée. En se débarrassant de ses compagnons d’échappée, il a fait le plus dur. Mais, comme on dit, le plus difficile arrive. Il faut résister à ce peloton de fous furieux.

Chris Froome lâche Bradley Wiggins !

Derrière, la révolte “anti-Sky” reprend de plus belle. Thibaut Pinot, Janez Brajkovic et Jurgen Van den Broeck attaquent. Le trio sera rejoint un peu plus tard par Vincenzo Nibali. Les quatre à avoir résisté dans la Croix-de-fer ont réussi à destabiliser la formation britannique. Du moins c’est une impression. Une impression renforcée par un Chris Froome qui semble alors en difficulté. Le lieutenant de Bradley Wiggins, qui semblait si souverain s’écarte, pour se mettre en queue d’un groupe composé en plus de Cadel Evans, Tejay Van Garderen et Franck Schleck. On pense Froome en difficulté. On apprendra un peu plus tard que c’était du bluff de la formation britannique, pour obliger Cadel Evans à travailler. Mais ils se rendent compte que l’Australien n’y est pas, alors Froome repasse et visse. Cadel Evans craque finalement. Il perdra plus de 2 minutes et le Tour de France.

Esseulé, le duo revient sur les quatre attaquant. Et c’est alors qu’intervient une des scènes les plus folles de ce Tour. Chris Froome pose une énorme accélération. Coup de théâtre, Bradley Wiggins est lâché. Le maillot jaune pioche. Alerté par l’oreillette, Chris Froome lève le pied mais le mal est fait. La France et le monde entier se rend compte que le lieutenant est largement plus fort que le leader en montagne. Des scènes qui se répèteront lors de l’ultime étape de montagne vers Peyragudes. Provoquant la colère du consultant France Télévisions Laurent Jalabert, agacé de voir Chris Froome discuter constamment dans son oreillette.

Rolland préserve une minute, doublé français

C’est peut-être cela qui va sauver Pierre Rolland, auteur d’une très grande montée. Les secondes se perdent uniquement au compte goutte, malgré un début de montée brutale des favoris. Froome a lâché une fois Wiggins et ne veut pas refaire la même erreur. Et plus personne n’a la moelle pour attaquer ces deux Britanniques qui évoluent sur une autre planète. Pierre Rolland préservera une minute. Il a perdu moins de 2′ sur les favoris, malgré la fatigue d’une longue fugue, malgré un groupe maillot jaune secoué par des attaques, dans ce qui est la plus belle étape de ce Tour 2012. Un an après son succès de prestige à l’Alpe d’Huez, Pierre Rolland s’offre un nouveaux moment de gloire à la Toussuire. A 25 ans, ce sera sa dernière victoire sur le Tour de France.

Mais il connaitra le prestige avec une 4e place sur le Giro 2014, sa plus belle performance sur un grand tour et sans doute la course où il a fait preuve de la plus grande régularité, tout en frôlant la victoire d’étape. Malgré un début de Tour 2015 catastrophique, il terminera dans le top 10 (10e), frôlant plusieurs fois la victoire d’étape dans les Alpes. Tombé sur un Romain Bardet plus fort à Saint-Jean de Maurienne, un Vincenzo Nibali revanchard … sur les mêmes routes de la Toussuire et un Thibaut Pinot survolté à l’Alpe d’Huez.

Aujourd’hui, il est dans le flou et ne sait pas encore s’il sera professionnel en 2023, comme ses 24 compagnons de la B1B Hôtels. Mais rien n’enlèvera sa fugue victorieuse, un doux jour de juillet 2012 !

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