Credit photo : Leila Fennane
Avant de parler de moi, je voulais apporter une petite précision. Je suis agent, dans le sens où j’accompagne les sportif(ve)s au niveau de l’image et dans la négociation des partenariats avec les marques et sponsors. Mais je n’interviens pas pour négocier une place dans une compétition par exemple. Donc mon métier n’est pas le même que celui d’un agent de footballeur. La confusion est souvent faite entre les différentes professions. Le mot « agent » fait peur parfois. J’ai une formation d’attachée de presse et de communicante, mais également une maîtrise de lettres modernes. Mon rôle est de favoriser l’image de la sportive. Je ne suis pas agent sportif.
J’AI CONSTRUIT MA FAÇON DE TRAVAILLER SUR UNE INTERVENTION 360
Je suis donc une conseillère en communication, spécialisée dans l’image des sportifs de haut niveau. J’ai beaucoup de sportives comme clientes. J’accompagne, et j’aime beaucoup ce mot, mes clientes dans leur communication et leurs relations presse, ainsi que leur présence sur les réseaux sociaux. Je m’occupe également de toute la partie sponsoring et des relations publiques.
J’ai construit ma façon de travailler sur une intervention 360 autour de l’athlète. Je privilégie donc la relation longue, même s’il m’arrive parfois de travailler sur des contrats brefs. La plus grosse partie de mon activité est le 360. Pour parler de l’exemple de Mélina Robert-Michon, ce n’est pas moi qui vais l’inscrire et négocier auprès des meetings Diamond League, en revanche c’est moi qui gère ses contrats d’image, comme celui avec Nike.
J’AI ÉTÉ RAVIE DE VOIR DE TRÈS BELLES CHAMPIONNES VENIR VERS MOI
Depuis toute petite, je suis une passionnée de sport. Par le passé, j’ai travaillé en tant que directrice communication. Après plus de quinze ans, j’ai vu que j’avais besoin de changer de direction et que j’avais quelque chose à réinventer au niveau de ma vie. J’avais fait un peu le tour au niveau de mes anciens postes. J’ai commencé à travailler avec George Weah à la fin de sa carrière et globalement sur le football africain. Cela m’a permis d’étoffer mon réseau. Ensuite, j’ai fait la rencontre de Sarah Ourahmoune. Elle avait le projet de se qualifier pour les Jeux de Rio en boxe. Elle m’a proposé de partir avec elle. J’y suis allée au pied levé et je ne le regretterai jamais. Il y a eu des heures de travail, parfois des beaux moments de solitude mais j’ai tout de suite adoré. Sarah m’a donné le goût de l’entreprenariat.
J’ai regardé évidemment ce qui se faisait et je me suis rendu compte qu’il y avait pas mal de choses à faire, surtout du côté des sportives. J’ai pu créer ma façon de travailler et une cliente en a amené une autre. On va dire que les choses ont changé après Rio. On a progressé main dans la main. Avec l’argent olympique, les choses ont changé et j’ai été ravie de voir de très belles championnes venir me voir, pour me demander de les accompagner. Le 15 juillet, cela a fait cinq ans que j’ai créé mon entreprise. Je touche du bois mais j’espère que cela va continuer.
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CLIENTS MASCULINS ACCEPTÉS
C’est vrai que je m’occupe principalement de sportives, mais j’accepte les clients masculins (rires). J’ai commencé dans le football masculin pour finalement basculer dans le sport olympique féminin. Je trouvais que cette branche manquait de soutien et de médiatisation. Je suis sensible à la place de la femme dans la société. Le fait d’accompagner des femmes et d’essayer de les valoriser, de les mettre dans lumière, pour qu’elles vivent de leur sport, me plait beaucoup. C’est une façon pour moi d’être engagée tout en effectuant mon travail. A la base, je n’étais pas forcément partie pour me dire que mon métier serait comme cela. Au final, c’est vraiment une question de ressenti et d’analyse. J’ai senti qu’il y avait quelque chose à faire et je ne pense pas m’être trompée. Le sport féminin intéresse beaucoup. Mais j’entends de plus en plus parler d’agences exclusivement féminines. Je n’ai pas cette vision-là. Je n’aime pas le clivage et pour moi il faut rester ouvert. Le sport reste LE sport. Bien sûr, le sport au féminin est beaucoup plus fragile. Mais travailler avec des femmes n’était pas calculé. Ces agences m’ont contactée, mais cela ne me fait pas envie. Si je suis devenue indépendante, c’est pour pouvoir être libre et faire les choses à ma façon. La rentabilité dans le sport féminin n’est pas la même et il faut beaucoup travailler et avoir pas mal de clientes.
L’ENVIE DOIT VENIR DU CLIENT
Il faut vraiment que l’envie vienne de la cliente ou du client, sinon cela ne marche pas. Il faut que le sportif ressente le besoin d’être épaulé. C’est une démarche qui prend du temps et la personne doit être claire sur ses objectifs. Je ne m’interdis pas de discuter avec des athlètes quand je les croise, mais je ne fais pas de démarchage.
JE SUIS QUELQU’UN QUI N’AIME PAS L’ENNUI
Gérer différents profils de sportifs ? Je ne sais pas si c’est facile ou pas, c’est surtout une histoire de tempérament. Je suis née dans une famille de sportifs et je suis une amoureuse du sport et des Jeux Olympiques. Je suis aussi quelqu’un qui n’aime pas s’ennuyer. J’aime quand ça dépote et que ça bouge. C’est génial de pouvoir passer d’un sport à un autre. On rentre dans un nouvel univers, un nouveau réseau et cela me va. J’ai besoin de ce genre de challenge, sinon je m’ennuierais. Cela limite aussi la concurrence entre mes clientes. A mon sens, c’est mieux que d’être spécialisée dans un ou deux sports, enfin pour moi ! J’aime avant tout les histoires, avant même le palmarès d’un sportif. Pour tout dire, il m’arrive encore également de prendre des missions dans des domaines qui n’ont rien à voir avec le sport. Intellectuellement cela fait du bien. Je suis et je reste une communicante au sens large. Je m’autorise à aller voir ailleurs.
J’APPRENDS AU CONTACT DES SPORTIVES
J’ai aussi pu découvrir des choses et j’ai appris sur le plan technique de certaines disciplines. Parfois, j’ai dû me documenter. Je pense notamment à Charline Picon en planche à voile. Entre monter sur une planche pour les vacances et ce qu’elle fait, il y a un monde. En plus de mon côté, j’ai connu des essais peu fructueux (rires). Plus jeune, j’ai touché à pas mal de sports, sans être à haut niveau. J’ai pu pratiquer. Bon pour la planche, à part un stage en 5e et pas très brillant de surcroit et ce que j’ai vu de ma télé, on peut dire que je n’y connaissais rien. Charline m’a beaucoup expliqué. De toute manière, les premiers entretiens avec une sportive servent aussi à cela. J’ai pu voir à quoi cela ressemblait et maintenant, c’est parti. Cela reste ma plus grande découverte, à ce jour. Mais, en sortant des sports olympiques, j’ai dû beaucoup apprendre sur le parachutisme avec Déborah Ferrand et sur l’apnée, avec Alice Modolo par exemple. Après, quand on aime, on comprend vite. Idem pour le pentathlon moderne, il y a pleins de paramètres à prendre en compte, sur la valeur de chaque épreuve.
C’EST GÉNIAL DE VOIR UNE MARQUE RÉCEPTIVE AU PROJET. CELA VEUT DIRE QU’ON NE S’EST PAS TROMPÉ
Bon, il y a des aspects un peu moins glamour au métier. J’aime un peu moins toutes les démarches administratives. Là aussi ce fut une découverte et j’ai dû apprendre. J’avais été salariée toute ma vie. On ne peut pas dire que ce soit la partie qui fasse le plus rêver. En revanche, j’aime écrire et j’aime être sur le terrain. J’adore négocier avec les marques et les sponsors. C’est génial de voir une marque réceptive au projet et de voir qu’elle colle à l’image de l’athlète. Cela veut dire qu’on ne s’est pas trompé.
CERTAINES MARQUES VEULENT UTILISER L’IMAGE DU SPORTIF SANS RÉMUNÉRER À LEUR JUSTE VALEUR
Il n’y a jamais trop de demandes de sponsors pour un sportif, sinon cela se saurait. En revanche, on voit passer certaines demandes dont on sait qu’on ne va pas donner suite. Actuellement, il y a de plus en plus de marques de boissons et de compléments alimentaires par exemple, qui veulent utiliser les sportifs sans les rémunérer, ou alors avec une rémunération qui n’est pas respectueuse. Quand on voit qu’elles sont plus généreuses avec les bloggeurs/influenceurs, cela me met en colère. Ce qui est parfois proposé aux sportifs est honteux. De plus, elles ont parfois une démarche assez agressive. On ne répond même pas. Quand on y réfléchit, c’est assez insultant de se dire qu’une vice-championne olympique va recevoir six cannettes pour faire des stories, et récupérer un code promo. Je leur dis parfois à ces marques : « Mais pourquoi vous ne pensez pas à Teddy Riner ? ». Évidemment que le poids des réseaux sociaux est important. C’est un facteur puissant, mais il ne faut pas oublier le palmarès des athlètes. Il y a un minimum de respect à avoir. On parle aussi d’athlètes qui représentent leur pays et qui sont médiatisés. Si les marques veulent s’associer, ce n’est pas un hasard. Les sportifs sont de forts prescripteurs. Mais cela à un prix ! Après, on essaie d’avoir des contrats avec de belles marques. L’aspect financier compte oui. J’ai besoin de travailler et mes clientes ont besoin de vivre. On a tous des factures à payer. Mais cela ne fait pas tout. Si on peut faire un beau travail de fond et créer une synergie, c’est très plaisant. Je considère que c’est une bonne chose pour l’image d’avoir une sportive qui fait une intervention interne avec le personnel d’une entreprise dont elle est ambassadrice, faire découvrir sa discipline aux gens. C’est quand même plus sympa que de se prendre en photo avec une boisson ou un biscuit, avec des codes promos à la clé.
Pour la partie presse, on regarde si c’est opportun pour la cliente de s’exprimer dans tel média ou sur tels sujets ou, si au contraire, il vaut mieux ne pas prendre la parole. Le facteur sportif est le plus important. Il ne faut pas que l’interview se fasse n’importe comment et que cela ampute sur l’entraînement.
On fait aussi un travail relationnel avec les entraîneurs/sélectionneurs. Le but est qu’il y ait de la confiance mutuelle qui s’installe. Il faut que tout le monde travaille dans le même sens. C’est un travail invisible avec l’entourage du sportif mais qui est important. On bosse beaucoup avec les clubs pour les annonces des transferts par exemple . Ils doivent jouer le jeu aussi.
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APRES UN ÉCHEC, LE PREMIER COUP DE FIL EST SOUVENT DUR À DONNER
J’ai pas mal d’anecdotes, mais beaucoup ne sont pas racontables (rires). Il y a de vrais moments de complicité et beaucoup de souvenirs. Des éclats de rire, mais aussi des surnoms qu’on peut se donner. C’est important de travailler dans la bonne humeur, je ne peux pas faire autrement. Il n’y a pas de place pour la morosité. Après, bien sur qu’il y a des moments difficiles. Les blessures, les échecs. Le premier coup de fil est parfois dur à donner. Il faut réagir vite sur les réseaux et dans la presse. Comment expliquer les raisons de cet échec. Il y a les larmes et la déception. C’est aussi ce qui rend la victoire encore plus belle. Cela ne peut pas être la fête tout le temps !
ACCOMPAGNER ALLISON ET SARAH À L’ÉLYSÉE, CE SONT DES MOMENTS QU’ON N’OUBLIE PAS
Il y a parfois des demandes farfelues ou des démarches peu élégantes. Il y a aussi des sujets à éviter quand cela concerne la vie privée, intime. L’aspect politique est sensible aussi. C’est tentant de demander à un sportif pour qui il vote. Les demandes d’associations caritatives sont importantes. On ne peut pas tout faire. On a eu aussi parfois des histoires de fans insistants. Mais d’un autre côté, il y a aussi des demandes d’autographes qui émanent d’à travers le monde. Je pense à Sarah qui en reçoit beaucoup. Ça, c’est formidable.
On a des moments très forts. J’ai pu accompagner Allison et Sarah à l’Elysée après les Jeux et l’Euro. Ce sont des moments qu’on n’oublie pas. J’ai été très honorée qu’elles me proposent de les partager avec elles.
AUJOURD’HUI, ON PARLE BEAUCOUP PLUS DU SPORT FÉMININ QU’AVANT
L’impact du sport féminin et de sa montée en puissance peut se traduire en chiffres. La coupe du monde féminine de foot a fait un carton d’audience. Idem pour l’Euro 2018 de hand. Les choses s’améliorent. On a des namings pour les sports collectifs. On avance, on parle beaucoup plus de sport féminin qu’avant. Il y a des médias spécialisés qui ont vu le jour. Mais on doit encore faire mieux. Je vois des signaux positifs mais il faut savoir prendre la place et ne pas toujours attendre qu’on nous propose des choses. Il faut foncer. Pendant le confinement, des choses étaient possibles car les médias avaient besoin de contenu. Les sportives ont été présentes, il faut savoir saisir les perches. Après, il y a des différentes selon les sports, mais qui se retrouvent aussi chez les garçons. Certaines filles dans une discipline s’en sortent mieux que des garçons dans une autre. Le problème vient aussi du choix de la médiatisation/retransmission d’une discipline ou non. En biathlon, il n’y a aucune différence de traitement médiatique homme/femme à la télé. Il y a tout un tas de nouveaux médias qui font de bonnes choses et c’est génial pour les sportifs. Il ne faut pas se mentir, un sponsor veut de la visibilité et c’est difficile d’en avoir si un sport n’est pas médiatisé. Un média comme la Chaine l’Equipe a servi de véritable booster.
LE JOUR OÙ LA JOURNÉE DU DROIT DES FEMMES N’EXISTERA PLUS, C’EST QU’ON N’AURA PLUS BESOIN D’EN PARLER
Il faut davantage de place pour le sport féminin à des heures de grande écoute. Plus de place pour les évènements sportifs féminins. Cela passe par la médiatisation. Le CSA co-organise un week-end sport au féminin. C’est une belle initiative qui a mis en lumière certaines sportives. Mais il ne faut pas se contenter de cela. C’est comme la journée du droit des femmes, dans l’idée, le jour où elle n’existera plus, c’est qu’on n’aura plus besoin d’en parler. Le sport féminin ne doit pas être non plus la variable d’ajustement économique du monde post-Covid
LES DÉBUTS DE SARAH EN BOXE ONT ÉTÉ GRATINÉS
Le sexisme existe toujours. Les débuts de Sarah dans la boxe ont été gratinés, je passe les remarques. Certaines disciplines s’y prêtent plus que d’autres. A l’inverse, un garçon qui fait de la danse sera encore souvent moquée, quoi qu’on en dise. Mais il y a eu des prises de conscience. Personnellement, être une femme dans mon métier ne pose pas de problème. J’ai bossé dans l’univers politique et je garantis que c’était bien pire.
MOT DE LA FIN
Aujourd’hui, je suis très heureuse et épanouie dans mon métier. Je suis très fière d’accompagner ces sportives. Je vis à chaque fois des émotions incroyables et c’est parfois épuisant (rires). C’est un lien très fort avec elles-toutes. Il faut également s’adapter en permanence. Mes enfants m’encouragent énormément et c’est précieux. Personne ne fait la tête quand je dois prendre une cliente au téléphone ou regarder une compétition à la télé. Sinon ce ne serait pas vivable.
CAROLINE
Avec ÉTIENNE GOURSAUD