Cadel Evans est allé chercher son Tour (2011) : Récit de Sans Filtre #2

Quand il prend le grand départ du Tour de France 2011 en Vendée, Cadel Evans n’est qu’un simple outsider. Pourtant, c’est lui qui va triompher.
Cadel Evans file vers son rêve

Cadel Evans a remporté le Tour de France 2011. Souvent qualifié de suceur de roues, l’Australien aura forgé sa victoire lui même. Un nouveau récit à suivre pour rendre hommage à ce coureur qui n’aura pas eu forcément l’amour du public.

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UN DUEL ALBERTO CONTADOR / ANDY SCHLECK !

Quand il prend le grand départ du Tour de France 2011 en Vendée, Cadel Evans n’est qu’un simple outsider. Le monde du vélo n’a les yeux braqués que sur deux hommes : Alberto Contador et Andy Schleck, les deux qui ont dominé de la tête et des épaules l’édition précédente. L’Espagnol est en quête de doublé Giro-Tour et a fait déjà la moitié du travail*. Le Luxembourgeois, qui est passé tout près de son rêve l’an passé, veut faire tomber l’Espagnol. On évoque aussi Ivan Basso, vainqueur du Giro 2010, mais embêté dans sa préparation par une chute en mai.

Cadel Evans, lui, a été un peu rayé des tablettes. La faute à un Tour 2009 et 2010, où il n’a jamais pesé sur la course. Trois ans après sa douloureuse défaite sur la Grande Boucle en 2008, on se dit que l’Australien a passé sa chance. Qu’il ne remportera jamais cette course qu’il convoite tant. Du moins c’est ce que le public pense, car dans l’entourage de l’Australien, on se veut concentré et concerné.

DEBUT DE TOUR DE FRANCE IDEAL POUR CADEL EVANS

Des leaders, c’est bien lui qui va faire la meilleure impression dans la première étape, qui mène au Mont des Alouettes. Si c’est Philippe Gilbert qui prend le maillot, la deuxième place de Cadel Evans est annonciatrice de belles choses. Tout comme la deuxième place de la BMC, dès le lendemain, lors du chrono par équipes. Alberto Contador, qui a perdu plus de 1’20 sur la première étape, concède encore du temps, tandis qu’Andy Schleck est davantage dans la course. Le champion du monde 2009 se retrouve 3e du général, à 1 seconde de Thor Hushovd, à portée de fusil du maillot jaune qu’il a porté en 2008 et 2010 (avant de s’écrouler).

Pour rappel, il n’y a pas de bonifications dans ce Tour 2011. Un détail qui a son importance, puisque lors de la 4e étape, menant au Mur de Bretagne, il s’impose et remporte sa première (et unique*) victoire d’étape sur le Tour, en coiffant Alberto Contador, qui lève pourtant les bras, pensant avoir gagné. Pas de bonifications, pas de maillot jaune, car Thor Hushovd a fait de la résistance et s’est accroché aux meilleurs. Contrairement à Andy Schleck, qui cède une poignée de secondes.

DES PYRENEES DANS L’OMBRE

Les étapes se passent, jusqu’à Saint-Flour, où Thomas Voeckler prend le pouvoir, avec l’incroyable épopée qui va enchanter le public français durant 10 jours (lire notre rétro). C’était lors de l’étape menant à Saint-Flour, qui mettra hors-jeu Vinokourov et Van Den Broeck. Qui sera aussi marquée par l’incroyable et effroyable chute de Johnny Hoogerland, propulsé dans les barbelés. Ce jour-là, dans la folie générale, une équipe roule pour limiter les dégâts sur l’échappée. La BMC, bien avant les autres équipes, avait compris la menace que pouvait représenter le coureur Français, qui comptera trois minutes d’avance au soir de cet étape dans le Cantal !

Cadel Evans probant dans des étapes punchies ! Cadel Evans sérieux dans le Massif Central. Place à la haute montagne, qui lui a fait tant de mal ces dernières année et, où traditionnellement, il connait toujours un terrible jour sans ! Mais les Pyrénées ne vont pas livrer grands enseignements. Les leaders se neutralisent, craignent un Alberto Contador pourtant clairement diminué. Franck Schleck prendra une poignée de secondes à Luz-Ardiden tandis que les favoris et l’héroïque Thomas Voeckler, arriveront ensemble au Plateau de Beille. L’Australien a beauoup défendu, s’est fait tout petit. Il a surtout laissé la lumière sur un Contador pas au top et un Andy Schelck qui semble avoir peur de son ombre.

CADEL EVANS EN GEANT DANS LE GALIBIER

A cela s’ajoute la résistance héroïque de Thomas Voeckler, au centre des attentions en France et qui commence à faire naître quelques craintes chez les favoris. La position de Cadel Evans est parfaite et va même se renforcer au soir de l’étape de Gap, où il est le seul, avec Samuel Sanchez, à suivre Contador dans le Col de Vence. Il reprend 30 secondes au Français et 1 minute sur un Andy Schleck, catastrophique en descente. Le lendemain vers Pinerolo, il reste sagement dans le groupe favori et reprend encore 30 secondes au maillot jaune, victime d’une sortie de route.

Les “Alpilles” passées, place au gros morceau. Place à l’étape de légende ! Arrivée au sommet inédite du Galibier. Tout le public a en mémoire le raid irréel d’Andy Schleck, parti seul dans l’Izoard et qui ira chercher l’étape au bout d’un effort qui reste encore gravé dans les mémoires. Mais peu de monde a pris la mesure d’un autre exploit qui s’est réalisé derrière. Conscient que le Tour, si bien engagé, est en train de lui échapper. Conscient aussi que les autres leaders sont en train d’afficher leurs limites, Alberto Contador en premier. Cadel Evans roule, sans réfléchir, avec toute la meute derrière lui. L’Australien ne se soucie plus des autres et il engage un contre-la-montre. Comme s’il était aussi seul qu’Andy Schleck devant.

LE SPECTRE DU JOUR SANS DANS L’ETAPE DE L’ALPE

Quel courage de prendre ses responsabilités ! Quel courage de prendre le risque de voir son travail profiter à d’autres. Franck Schleck bien sagement calé dans les roues, Alberto Contador, dont les attaques ne sont plus un secret pour personne. Même Thomas Voeckler qui, à force d’être là, fait désormais partie des prétendants logiques à la gagne. Cadel Evans n’en a que faire de ses considérations. L’écart de 4’30 diminue, et descend autour de 3 minutes. Un a un, les adversaires sont asphyxiés. Uran, Sanchez, Vanendert et ô surprise, Alberto Contador. A 2km du sommet l’Espagnol rend les armes. Plus d’essence dans le moteur, espoirs de victoire qui s’envolent définitivement.

Au bout de ce relais immense, 2’15 “seulement” de perdues pour Cadel Evans sur Andy Schleck. A peine 15 secondes sur son frère aîné. Désormais à 1′ de l’ancien triple maillot blanc, Evans a bien limité la casse. Mais, dès le lendemain vers l’Alpe d’Huez, Contador met le bazar. Un temps dans les roues, Evans saute. Le spectre du fameux jour sans ressurgit. Evans est il en train de tout perdre, alors qu’Andy Schleck file avec Contador ? Les deux passent en tête du Galibier avec 50” d’avance sur Evans, tandis que Voeckler a perdu pied. Pour Evans, tout rentre dans l’ordre au pied de l’Alpe. S’il n’est pas en mesure de suivre Contador, il contient parfaitement Andy Schleck et c’est statu-quo au moment d’aborder le seul et unique contre-la-montre.

LE CONTRE LA MONTRE DE SA VIE POUR CADEL EVANS

L’épreuve de vérité. La même configuration qu’en 2007 et 2008, où Evans avait échoué par deux fois. Dont une retentissante face à Carlos Sastre à qui il ne reprendra qu’une petite quarantaine de secondes. On le sait Evans est un bon rouleur, pas le meilleur. On le sait, Andy Schleck a des lacunes, qu’il dit avoir comblé. Il avait l’année précédente, Alberto Contador dans ses retranchements. Ce chrono autour de Grenoble est vallonné. Evans a pu déjà reconnaître le parcours, qui était identique à celui du chrono du Dauphiné. Le scénario va t’il se reproduire ?

La réponse va être vite balayé. Au bout de 10-15 minutes on comprend qu’Andy Schleck n’a aucune chance. C’est LE jour de Cadel Evans, son heure de gloire, le chrono de sa vie. Impressionnant de puissant des les bosses, concentré et appliquée et il réalise un chrono “du feu de dieu”. Il est même tout proche de la victoire, terminant qu’à six secondes de Tony Martin. L’essentiel est ailleurs. A 34 ans, Cadel Evans vient de concrétiser son rêve ! Il remporte un tour de France qu’il aura été se chercher lui même ! Qu’il aura amplement mérité et qui couronne sa très belle carrière.

Etienne GOURSAUD

Retrouvez le premier épisode sur Christophe Moreau en 2007 : ICI

*Au moment d’aborder le Tour 2011, Alberto Contador a été déclaré positif au clenbutérol sur le Tour 2010, mais n’est pas encore destitué de ses titres du Tour et du Giro.

*Après déclassement pour dopage d’Alexandre Vinokourov, Cadel Evans a été déclaré vainqueur du contre-la-montre d’Albi, sur le Tour 2007.

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