Athlé – Margot Chevrier – J’ai toujours été un peu casse-cou

Margot Chevrier est une perchiste française de 22 ans. Leader aux bilans français en 2022, avec un record porté à 4,54 m.
Margot Chevrier

Margot Chevrier est une perchiste française de 22 ans. Leader aux bilans français en 2022, avec un record porté à 4,54 m. Elle sera l’une des favorites ce week-end, lors des championnats de France Elite. Elle nous parle de sa saison et retrace son parcours, avec sa relation avec son entraîneur Sébastien Reisdorffer, dont les épreuves traversées ensemble. Et évoque également son double projet, elle qui est actuellement en 4e année de médecine ! Margot Chevrier est désormais en quête de grande performances.

Crédit : Margot Chevrier

La page LinkedIn de Margot Chevrier : ICI

MARGOT CHEVRIER – VISER LE TITRE AUX FRANCE ELITES

Je vais aux Elite pour viser le titre. C’est un championnat. Si, techniquement, tout se met en place et qu’il y a de la régularité dans la course, il y aura une grosse performance. Si le titre est en poche, on peut envisager la grosse performance. Le titre de l’été dernier a débloqué les choses. Cela concrétise des années de travail, cela fait plaisir. Mais cela a une saveur différente de faire une médaille quand tout le monde n’est pas présent que quand tout le monde est là et en forme. L’enjeu n’est pas le même entre les France en salle et les France de l’été dernier.

Pour le moment, sur les bilans, j’ai réussi à franchir une barre que les autres filles n’ont pas réussi, mais on a été kiff kiff sur tous les autres meetings. Sur le papier je suis la favorite, mais un concours peut aller très vite. Ce qui compte, c’est d’être là le jour J. La concurrence n’est vraiment pas loin. Il faudra être là où il le faut et quand il le faut.

J’AI COURU EN VAIN APRÈS LE RECORD DE FRANCE ESPOIRS

Je ne serais jamais pleinement satisfaite, car on a toujours des objectifs à rallonge qui constituent des carottes pour s’entraîner. Mais je réalise un super début de saison. Avant même mon 4,54 m, c’était ma meilleure saison. J’ai enchaîné beaucoup de performances à 4,35 m et plus, je rentre à 4,36 m, ce qui ne m’était jamais arrivée. C’est une saison qui a commencé tard, car mon entraîneur a fait un burn-out. Depuis les Europe, il a fait un break mais j’ai continué à m’entraîner, car je courais après le record de France Espoirs (4,60 m). Vu ce que j’avais montré depuis un an, c’était envisageable et c’était ma dernière année Espoirs. Mais toute seule, c’est difficile et je n’ai pas voulu faire de break après les Europe.

J’ai continué ma saison jusqu’à fin septembre, en faisant des compétitions. Ce n’était pas la catastrophe mais je n’étais pas au niveau pour espérer un record de France. J’ai réussi à m’entraîner, avec mon beau-père qui a pris le relais du 15 juillet jusqu’à mi-novembre. Il venait régulièrement sur Nice pour nous voir, mais souvent des plans à distance. Ce n’était pas facile. Surtout au niveau de la motivation. Avec Seb (NDLR : Sébastien Reisdorffer), cela fait 6 ans qu’on s’entraîne ensemble. Une relation qui s’est installée. Quand il est revenu, j’ai vraiment pu reprendre l’entraînement. Avec ses entraînements et des objectifs bien ciblés.

MARGOT CHEVRIER – QUAND JE FAIS MA RENTRÉE À 4,36 M, CELA A ÉTÉ UN SOULAGEMENT

On ne savait pas si, cet hiver, je pouvais être en forme comme je voulais l’être et si j’allais pouvoir défendre mon titre et m’amuser en compétition sans juste faire acte de présence. Cela m’a pas mal stressée et j’ai vraiment réfléchi à savoir si cela valait le coup de faire la saison hivernale ou de prendre le temps de préparer l’été en reprenant les bases et en bossant la caisse et la technique. Finalement, on a fait le choix de l’hiver.

Avec ce contexte, je ne peux pas dire que je ne suis pas satisfaite de faire mon record. Et il me reste deux compétitions pour faire mieux ou au moins le refaire. Quand j’ai fait 4,36 m lors de ma reprise, cela a été un grand soulagement. J’étais sur élan réduit et avec des perches souples. Je me suis dit que j’étais revenue dans le game et que j’avais juste à continuer de travailler et suivre les plans.

On a vu que la forme montait et que physiquement j’étais plus fiable et stable que ce que j’étais l’été dernier sur saison complète. Mon entraîneur m’a pris entre quatre yeux en me disant qu’il n’avait plus aucun doute sur le fait que j’allais être en forme. Et qu’il fallait y croire jusqu’au bout. Ce que j’ai fait et cela m’a amené à 4,54 m. En espérant que cela m’amène à mes autres objectifs de cette fin de saison.

J’AI PASSÉ TOUTES MES ANNEES JEUNES A VOIR LES SÉLECTIONS PASSER DEVANT MOI

Ces premières expériences internationales ont été géniales. Cela faisait des années que je courais après et je commençais à m’impatienter. Je sais que j’ai beaucoup de lacunes techniquement et il y a toujours un temps de retard entre ce que je vaux et ce que je suis capable de faire réellement. Il y a beaucoup de paramètres à la perche. On peut valoir 4,20 m et ne réussir qu’à concrétiser 4,00 m. A chaque fin de saison, je savais que je n’étais pas encore à mon niveau. Mais je crois que c’est l’essence même de la perche. Même en fin de carrière on peut toujours avoir sauté plus haut sur certains sauts que sur son record.

J’ai passé toutes mes années jeunes à voir les sélections passer devant moi. Sans jamais être sur les listes. En Espoirs 2, j’ai fait les minima pour les Jeux Méditerranéens et pour les Europe Espoirs. Puis il y a eu le Covid qui a tout décalé. Je me suis dit que ce n’était pas possible et que je n’allais jamais finir en sélection (rires). J’ai pris mon mal en patience et le fait d’être sur listes l’hiver dernier, malgré mon absence de sélection a été une victoire. Quand j’ai su que cela allait être moi pour les Europe par équipes et que c’était une sélection A, j’ai ressenti beaucoup de fierté. Mine de rien, même si ce n’est pas forcément la meilleure équipe de France engagée, il y avait beaucoup de séniors et pas tant de jeunes que cela. J’étais la petite de l’équipe.

MARGOT CHEVRIER – LES EUROPE ONT ÉTÉ LA COMPÉTITION DE TROP ALORS QUE CELA AURAIT DÛ ÊTRE L’APOTHÉOSE DE LA SAISON

Je crois que c’était bien que cette première sélection soit en post-covid, sans public. Cela m’a permis de me faire ma petite expérience en termes de stress lié au maillot de l’équipe de France. Je ne voulais pas décevoir, car j’avais le maillot Bleu sur moi. Si, en plus, on se pointe dans un stade immense avec 20 000 spectateurs, cela rajoute quelque chose. C’était bien que ce soit à huis-clos, avec nos coachs et nos compagnons à côté. Juste pour s’amuser. Au final, cela a été plutôt bien fait et cela a été top.

Les Europe Espoirs, c’est différent, car c’est une compétition individuelle. Ce n’était pas le même objectif. Lors des Europe par équipes, l’objectif est de faire le meilleur résultat possible, mais, même si on veut toujours faire le meilleur concours possible, on est un peu caché par l’équipe. Si on n’y arrive pas tu sais que d’autres vont y arriver. En individuel, si tu passes à côté de ton concours, tu passes à côté de ton concours.

J’arrivais à Tallinn avec la meilleure performance des engagés. Je n’y allais pas pour la décoration mais pour gagner. C’était plus compliqué à gérer au cœur d’une saison compliquée. Mon coach fait son burn-out le lendemain. La problématique ne datait pas de la veille. J’avais réussi à faire des choses très bien lors des Élites et des compétitions précédentes. Mais les Europe ont été la compétition de trop, alors que cela aurait dû être l’apothéose de la saison.

AUX ELITES EN SALLE 2021, J’AI ETE A COTE DE MES POMPES DU MATIN DU CONCOURS JUSQU’À LA FIN DE LA JOURNÉE

Malgré tout, cela reste de l’expérience engrangée. J’ai digéré comme j’ai digéré ma 2e place aux Élites en salle. On retourne au boulot. Pour moi, il n’y a pas tellement de différences entre une finale des Élites et d’un championnat d’Europe Espoirs. Surtout cette année, car les startlists se ressemblent avec un petit trou entre les 3-4 premières et les autres. On sait que si on fait un concours classique, on est Top 5, c’est ce qui s’est passé.

Je fais 4e avec 4,35 au 3e essai. Au début de la compétition, on sait qu’il faut donner le meilleur mais qu’on ne fera pas 12e avec un concours normal. Mais, si on veut gagner, il faut faire ce qu’il faut et rien laisser au hasard. Demain, ce sera pareil. Si on se troue, c’est hors-podium. Si on fait bien les choses, c’est le podium. Et si on fait de super choses, c’est peut-être l’or.

Tout n’est pas gagné loin de là. L’an passé, cela m’a mis un peu dedans. Je suis arrivée en ayant gagné beaucoup de compétitions. Ninon n’était pas là, Elina n’était pas encore à son niveau actuel. J’avais la certitude liée de ces victoires et ces records battus. Il n’y avait pas de raisons que cela ne se passe pas bien. On finit par se faire prendre par des trucs qui ne sont pas censés nous déranger en championnat.

Car on est censé rester dans une bulle. Cela n’a pas été mon cas. Du matin du concours jusqu’à la fin, j’ai été complètement à côté de mes pompes. Si les mêmes choses m’arrivent cette année, je ne pense pas que je sortirai du concours, avant même qu’il ne commence. Je sais que si j’en sors, je sais que je peux être éjectée du podium. Chose qui n’était pas le cas l’an passé.

MARGOT CHEVRIER – J’AI APPRIS À ALLER EN COMPÉTITION POUR CHERCHER LA CONCURRENCE

Après, ce genre de débrief se fait a posteriori. On ne s’en rend pas compte quand on est dans la compétition. Cela m’a coûté l’an passé, car je n’ai pas réussi à m’exprimer comme je l’avais fait tout au long de la saison. Cela s’est vu, car je fais la pire performance de ma saison, là où Elina Giallurachis bat son record. Demain, j’y vais en étant en position de leader, mais en sachant que cette position sera menacée par deux filles qui voudront la place et qu’il ne faudra rien laisser au hasard tout au long de la compétition. Une victoire n’est jamais volée. Quand je suis championne de France juniors, deux filles se loupent dans la compétition. C’était moi qui étais là ce jour-là. Là, demain, avec 4,20 m, t’es peut-être seulement 10e, donc l’an passé je m’en sors bien avec 4,25 m.

Auparavant, j’aurais dit que voir cette concurrence en France n’était pas forcément source de motivation. J’adore la compétition, mais savoir qu’on arrive dans une compétition avec un ascendant sur les autres, cela apporte un certain confort. On n’a pas envie de se pointer en se disant qu’on est le plus nul. Mais, après ce qui s’est passé aux France, quand j’ai vu comment s’est passé l’été, avec de la concurrence, j’ai pris conscience que si je me plantais, il y avait du monde derrière moi. Je suis arrivée à Angers, avec l’envie de gagner mais en me disant qu’Elina était forte et que si je ne sortais pas ce qu’il fallait pour faire de bonnes performances, il y avait du monde. J’ai appris l’été dernier et cela s’est encore renforcé cet hiver pour aller en compétition pour faire des performances, mais aussi pour être confrontée aux autres.

A CLERMONT, J’UTILISE UNE PERCHE QUE JE N’AVAIS JAMAIS UTILISÉE

On est confronté constamment aux copines, aux filles avec qui on est en stage. Même les stages se transforment en compétition, car on est toute la semaine en train de se tirer la bourre. Je suis dans cet état d’esprit et clairement je vois que c’est une super chose. La semaine dernière à Clermont, j’ai fait 4,45 m à mon dernier essai. Si les filles n’étaient pas passées à cette barre, je ne pense pas passer !

Tout le monde se nourrit de la concurrence et en championnat c’est encore plus fort. Une fois qu’on apprend à ne pas paniquer et à être en maîtrise de ce qu’on fait, chose pas encore totalement acquise pour moi (rires), quand les filles passent devant nous et qu’on sait qu’on a les ressources, il faut aller les puiser. À une semaine des France, il n’y a rien de mieux que de voir des filles passer des barres et pas toi, pour aller chercher des barres.

À Clermont, je fais trois bonnes tentatives à 4,55 m, les deux premières, ma perche est légèrement trop souple pour que cela passe. Je change pour une perche que je n’avais jamais utilisée et cette fois-ci trop dure. Je me suis retrouvée entre deux eaux. Il aurait presque fallu que je fasse un saut moins bien, avec mes perches plus souples, pour que cela passe. Mais ce n’est pas le but de faire de l’anti-perche pour passer des barres. Et avec la dernière perche, je me fais un peu secouer à l’impulsion, ce qui ne pardonne pas. Mais ce sont des super tentatives et c’est bien de se rendre compte que les perches que je n’avais jamais utilisées, peuvent me permettre, sur un bon saut, de me faire faire des sauts à 4,60 ou 4,65 m.

MARGOT CHEVRIER – ON PENSE FORCÉMENT UN PEU A LA SAISON ESTIVALE

Avec les France, je ne pense pas tout de suite aux Europe de cet été. Tout au long de la saison on y pense, car les performances réalisées nous rapportent des points au ranking. Les points accumulés nous font gagner des places, avec une potentielle sélection au bout. Plus les minima en vue. Chaque saison, quand les minima tombent, on y court tous après. Cela prend du temps, même lors de la saison hivernale. Mais à l’instant T, je ne pense juste qu’aux France indoor.

Quand j’ai commencé l’athlétisme en 2012, j’ai commencé sur le petit stade de Nice. Il y en a deux dans la ville, dont un petit ouvert à tout le monde, sans vraiment de créneau un peu à l’arrache. Ce n’était pas très loin de chez moi. J’ai commencé avec un entraîneur de club qui faisait un peu de tout. Et j’ai commencé la perche, mais cela ne s’est pas super bien passé. J’ai accumulé les blessures qui devenaient gênantes. Mes parents m’ont proposé d’aller un peu plus loin, au stade du club, avec l’anneau du 400 m, une salle et des coachs par discipline. J’avais 15 ans et je me faisais un monde de cette piste, en pensant que ce n’était que pour les grands champions. Mon père m’a dit qu’il était prêt à faire 10 minutes de route en plus, pour que je puisse mieux m’entraîner.

J’AI TOUJOURS ÉTÉ UN PEU CASSE-COU

J’ai changé de coach pour arriver avec Sébastien à la rentrée 2015. Il y avait un gros groupe au début, avec 8-10 athlètes et tous quasiment allaient aux France. On avait tous cette volonté de s’entraîner 4-5-6 fois par semaine et être vraiment dans l’objectif de performance. Cela m’a plu et j’étais qu’avec des plus grands que moi et j’étais la petite du groupe. Avant d’arriver là, je n’avais jamais fait de musculation de ma vie. J’apprenais quelque chose à chaque séance. Avec Seb, on a tout de suite été assez proches. La première année a été de la découverte, il entraîne chaque athlète différemment, en fonction de ses forces et faiblesses.

Il m’a toujours dit que le fait que je n’avais pas peur lui a plu d’entrée. Dans son groupe, peu importe le niveau des uns et des autres, c’était le seul truc que j’avais et que les autres n’avaient pas. Il pouvait me faire prendre n’importe quelle perche, à n’importe quel endroit et avec n’importe quel levier, j’allais y aller. Plus cela fait peur, plus j’y vais. Par le passé, j’ai fait de l’escalade, de l’accrobranche, du CSO en équitation.

J’ai toujours fait les trucs les plus casse-cou et quand j’ai dit à mes parents que je voulais faire de la perche, cela ne les a pas du tout surpris. Et c’est un côté qui a toujours plu à Seb ! Il savait que je n’allais pas foutre en l’air tout ce qu’il investissait à l’entraînement, parce que je n’allais pas piquer la perche. Ce qui était le cas de 80 % des personnes du groupe et de la perche tout court.

MARGOT CHEVRIER – MÊME SANS MON COACH, JE ME FIE À SES CONSIGNES PASSÉES

Je posais beaucoup de questions et j’aime comprendre ce que je fais. C’est comme cela que je fonctionne et que je réussis. Il a passé beaucoup de temps à m’expliquer les choses. C’était toujours un plaisir de venir à l’entraînement et on s’est rapproché. Les groupes changent avec un groupe différent chaque année. Je suis la seule qui suis restée du début à la fin.

On a eu des moments où, dans le groupe, il n’y avait que des jeunes qui voulaient faire du loisir et qui ne prenaient pas sérieusement ce que Seb proposait. Avoir un athlète présent depuis le début, cela renforce les liens. J’ai beaucoup de de respect pour ce qu’il propose et j’ai toujours suivi ses plans d’entraînement à la lettre. Quand il n’est pas là, je ne rate rien de ce qu’il propose et j’ai toujours 100 % confiance. Je sais qu’il me connaît par cœur et que je le connais par cœur.

Quand je descends du tapis, je sais ce qu’il va me dire. Cela me fait prendre part à la discussion et on ajuste aussi en fonction de mon ressenti. Cet été, quand il n’était plus là, c’était difficile. Peu importe qui me coachait, je me fiais plutôt à ce qu’il m’aurait dit s’il avait été là, même si la personne qui me coachait disait autre chose. Et je finissais par partir sur ce qu’il m’aurait dit lui, car c’est en cela que j’avais confiance. Même à 800 kilomètres de lui, même en ne l’ayant pas vu pendant 6 mois, quand je descends du tapis, le premier truc que je peux me dire peut être une consigne qu’il m’a donnée il y a 4 ans.

AVEC MON COACH ON A SURMONTÉ L’OBSTACLE DE SON BURN-OUT

Je savais que son départ ne serait pas définitif ! Il le savait aussi. Il ne m’a pas lâché du jour au lendemain. C’était un besoin pour lui, de se mettre un peu en retrait. Il n’était pas dans un bon mood pour faire de la performance ! La seule solution était qu’il fasse un break. Il m’a dit que c’était l’histoire d’une saison. Je savais que je devais prendre mon mal en patience et qu’à son retour on serait costaud. Je me souviens de la saison, où je n’arrivais plus à piquer à cause de plein de problématiques et où j’ai réussi à surmonter ce problème, je me suis dit de la même manière si j’arrivais à surmonter cela sans être blessée, sans avoir perdu l’amour en l’athlétisme et l’entraînement, en ayant envie de garder les performances, tout serait gérable dans la suite de ma carrière. Cela a été un challenge.

J’en ai pas mal parlé avec les cadres techniques. Ils m’ont dit que dans une carrière il y avait toujours des problèmes et des blessures. Qu’il se passait toujours un truc grave. J’avoue que sur le coup j’ai eu peur, car je ne m’étais jamais blessée gravement. “Bon bah les croisés m’attendent au coin d’une saison”. Mais, en fait, dans une discipline comme la perche, ce n’est pas forcément la blessure physique le souci qui peut finir une carrière. Limite, même si on se fait les croisés, on revient en 6 mois au stade et en un an à son niveau.

MARGOT CHEVRIER – PLUS JE SUIS SOUS PRESSION ET MIEUX JE M’EN SORS

La plus grosse problématique dans la perche, c’est le côté personnel. Au niveau mental. C’est la plus grosse faiblesse ou le plus gros atout. J’ai passé l’étape du fait de ne plus piquer ma perche puis celle du coach qui doit s’arrêter. Quand il est revenu et que j’ai fait des perfs cet hiver, j’ai compris que je pouvais faire les records que j’ai envie de faire.

Je ne suis pas en pôle. En lisant l’article sur Elina (à retrouver ICI) j’ai vu qu’on est tous vraiment différents. Il y en a qui ont besoin d’être dans un environnement très structuré et qui ne voient pas l’entraînement de haut-niveau sans ça. D’autres ne voient pas le haut-niveau en faisant des études à côté. Au final, cela dépend des profils, comme le dit Elina. Certains, plus ils sont dans la galère, mieux ils vont s’en sortir. C’est un peu mon crédo. Plus je suis sous pression et mieux je m’en sors.

MARGOT CHEVRIER – ROULER 20 MINUTES POUR ALLER AU STADE, CELA ME PERMET DE DÉCOMPRESSER

Je mets 20 minutes à faire de la fac à mon stade, cela ne m’a jamais posé de problèmes ! Je sais que cela fait partie de ma journée, que c’est normal pour moi. Cela me permet de profiter de ces 20 minutes pour décompresser, car je vois des choses un peu costaudes à l’hôpital. Finalement, je me dis que si je n’avais que 5 minutes de route, de toute manière, je serais obligée de décompresser autrement, avant d’aborder ma séance. Cela me permet aussi de me poser un peu, car je passe toute ma journée debout. Ce sont des habitudes et il faut savoir s’écouter. Quand quelque chose gêne, il faut savoir le prendre en charge. Mais cela ne m’a jamais gênée, j’étais hyper contente d’avoir mon permis, de prendre ma voiture et de m’entraîner un peu loin de chez moi.

Être en pôle peut aider, car tout est à côté de là où on habite. Mais, je vois que depuis quelques années, j’ai aussi mon kiné, mon prépa mental, mon groupe d’entraînement. J’ai trouvé mon équilibre. Que ce soit à 5 minutes ou 20 minutes, je ne pense pas que cela change grand chose à la performance ! Quand Seb est parti, j’aurais pu monter à l’INSEP ou Clermont pour m’entraîner. Mais j’ai préféré rester là où j’étais et aménager ma façon de m’entraîner. Ce qui comptait c’était que la personne et le système me conviennent. Et c’est valable pour tout le monde et pas qu’en situation de crise.

JE VOULAIS AVOIR MON CONCOURS DU PREMIER COUP

Lors de mes trois premières années de médecine, je n’avais pas d’aménagements horaires. Lors du PACES, je me suis calmée niveau entraînement, je ne m’entraînais plus qu’une ou deux fois par semaine. L’objectif était de réussir le concours du premier coup pour reprendre l’entraînement par la suite. Je savais que si je perdais du temps de travail au stade, je pouvais rater le concours. J’ai pris une prépa et quand j’allais au stade, c’était mon défouloir. La 2e et 3e année restent difficiles en matière de travail, mais quand on sort de la P1, on a appris à travailler et cela devient normal de travailler 8 heures par jour, même hors période de partiel. Ce ne sont que des matières qui m’intéressent. Même quand je suis en stage, je prends mon pied et même s’il parfois c’est difficile, ce n’est jamais une corvée.

Je me suis dit que je pouvais faire du sport de haut-niveau malgré des études difficiles. En L2 L3, j’ai pu m’entraîner sans aménagements horaires, je pouvais changer de groupe, mais je n’avais rien d’aménagé en partiel. Mais, dès la 4e année, au début de l’externat, c’est là où on est en stage à temps complet un mois sur deux. On prépare le concours de fin de 6e année, un concours qui est défini quand quelle ville on fait quelle spécialité, pour toute la vie. Ce n’est pas le truc qu’on peut prendre à la légère ! J’ai déjà une idée de la spécialité que je veux faire, je ne peux pas me dire “Carpe Diem”. J’ai su que j’avais besoin d’aménagement.

MARGOT CHEVRIER – DEPUIS MA 4E ANNÉE, JE FAIS MON ANNÉE EN DEUX ANS

Mon doyen est un ancien sportif qui n’avait pas pu avoir d’aménagement. Il a un peu vautré ses partiels jusqu’à être interne. Il était trop content de m’aider. Et il considère que les sportifs de haut-niveau dans les études c’est un atout et qu’il faut être un peu barjot pour être chirurgien, comme il faut l’être pour s’entraîner 20 heures par semaine tout en bossant à côté. Il m’a proposé plein de choses, même s’il a les mains liées par le règlement de la fac. Il a fait le maximum de ce qu’il pouvait faire et il a compris mes besoins. Et il a su s’adapter à mon sport.

Du coup, je ne fais qu’un seul semestre par an. C’est comme si je redoublais à chaque fois. L’an passé, j’ai validé le premier semestre de ma 4e année, puis je ne me suis pas présentée au second semestre. Là, j’ai pu reprendre ma 4e année lors du second semestre, car j’avais validé le premier. Ce qui me laisse quasiment un an pour bosser mes matières. De faire des fiches, alors que normalement on n’a pas le temps de les faire. Je ne perds pas autant de temps au stade et en compet par rapport à ce que je gagne grâce à ces aménagements. Je peux profiter du temps en plus pour récupérer, travailler ou prendre du temps pour moi. Cela marche bien comme cela.

J’AI REUSSI A TROUVER UN ÉQUILIBRE ENTRE LE TRAVAIL ET L’ATHLÉTISME

En début de semaine, j’ai commencé mon stage. Je suis debout à 6 h pour commencer à 7 h. Puis je termine à 16 h, pour commencer l’entraînement à 17 heures. Cela fait des grosses semaines mais on s’habitue. Je sais que, quand je suis en stage, je ne peux pas trop travailler mes cours et inversement. C’est un équilibre que j’ai réussi à trouver et qui me correspond. Je me suis habituée à cela et paradoxalement, après mes partiels, quand je suis en vacances, j’arrive beaucoup moins bien à m’entraîner. Quand je suis en vacances d’athlétisme, j’arrive beaucoup moins bien à travailler. Finalement j’ai besoin d’être dans le dur pour être efficace.

On me proposerait de faire trois ans de césure jusqu’en 2024, je ne le ferais pas. Peut-être 1 an ou 6 mois avant les JO, si je vois que c’est bien parti ou que j’ai fait les minima. Passer trois ans sans études, sans stage, c’est un risque autant sur les études que sur le sport.

MARGOT CHEVRIER – LA MÉDECINE M’A PERMIS DE COMPRENDRE CERTAINES CHOSES EN ATHLE

Le fait d’avoir pas mal d’expériences de haut-niveau permet d’apprendre à se connaître. Quand j’avais des pépins physiques, avant, je me serais arrêtée deux semaines. Maintenant, je sais que je dois aménager deux ou trois trucs dans mon entraînement et je sais que cela passe ! Depuis que je me connais, je ne me suis jamais reblessée. Être dans le médical permet aussi de savoir quand un truc peut être grave et quand un truc est bénin. Mine de rien, je pensais que ce que j’avais fait en P1 ne servait à rien, mais on aborde toute une partie biomécanique et de la physio, qui servent beaucoup pour l’entraînement. Il y a plein de trucs que je comprends et je me permets de poser des questions.

J’arrive à dire des choses à mon entraîneur que j’ai appris des choses dans mes cours et pourquoi on faisait telle chose. Lui va m’expliquer aussi. Le fait de comprendre ce que je fais plus le fait d’être en confiance avec ce qu’il me propose. Et je sais que je serai en forme et que je vais perfer.

ON RECHERCHE TOUJOURS DES PARTENARIATS

Au niveau des partenariats, on est toujours en recherche. Je fais un sport qui coûte cher, où on ne gagne pas tant que cela. J’arrive à vivre ! Je suis avec mon copain, donc on coupe le loyer en deux, je n’aurais pas pu vivre seule dans un appartement. Grâce à mes sponsors, j’arrive à payer les déplacements pour mon coach et moi, ce que je ne pouvais pas faire il y a deux ans. Je peux me payer du matériel, mais, par exemple, là j’attends un virement qui était censé être en février et qui ne sera fait qu’en avril. Du coup, les deux derniers mois de ma saison sont fait à l’euro près sur les courses et le loyer, ainsi que les déplacements.

Il y a des moments ou cela se débloque et des moments où on se rend compte que ce n’est pas facile. Il y a des villes où c’est beaucoup plus simple de s’entraîner. Je commence à avoir la tête hors de l’eau, mais ce n’est pas simple. Mais des petits trucs peuvent perturber une saison. Une voiture qui tombe en panne, ce sont des frais que tu ne mettras pas dans le matériel. Si tu les as d’avance, c’est plus facile de s’entraîner à tête reposée. Quand j’ai signé à la Caisse d’Epargne, j’étais encore chez mes parents et j’ai pu toucher l’argent et l’utiliser uniquement pour la période d’entraînement, m’acheter du matériel. Du jour au lendemain, je ne me suis plus posé aucune question. Je n’avais juste qu’à m’entraîner.

MARGOT CHEVRIER – POUR FRANCHIR DES CAPS IL FAUT DES MOYENS

Mais au fur et à mesure, les déplacements se sont allongés, cela coûte de plus en plus cher et ce n’est pas toujours pris en charge, surtout le coach. Tu ne vis plus chez tes parents et il faut payer les courses et le loyer. Et on revient sur le terrain de l’argent. À la fin d’une compétition, tu peux te dire que tu passes à côté de 200 euros à deux essais prés. Je ne fais pas de sport pour l’argent et si je veux faire les JO, ce n’est pas pour l’argent. Je ne veux pas me dire à la fin d’une compétition : “J’ai gagné tant c’est cool” ou devoir tout calculer. Car pour performer, il faut avoir la tête libérée en compétition et à l’entraînement.

Tout partenaire serait bon à prendre, mais je sais qu’il y a pire que moi. Je sens que j’ai passé l’étape où c’était compliqué. Je commençais à avoir le niveau pour partir sur beaucoup de compétitions et où, pour passer le cap, tu dois aller à ces compétitions. Mais tant que tu n’as pas passé le cap, on ne t’aide pas trop. C’est le milieu de l’équation entre tes besoins et ce qu’on te propose. Je pense avoir franchi un cap mais je sais que je vais avoir un autre cap à franchir, avec une nouvelle marche délicate. Tant que tu n’es pas au top, cela peut être délicat.

Mais mon club met en place 1000 choses pour qu’on ait rien à sortir et c’est top. Je n’aime pas trop demander, j’attends toujours d’être au pied du mur pour demander. Le club a sauvé mes dernières compétitions. Et je me suis rarement rendue autant compte qu’aujourd’hui, que le club c’est bien plus qu’une licence ! Une aide sur le plan personnel, mais aussi financier. Ils veulent que tu passes un cap et cela t’encourage à passer ce cap.

MARGOT CHEVRIER

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