Athlé – Jona Aigouy – “La meilleure saison de ma carrière”

Spécialiste du javelot, Jona Aigouy s’est distinguée en 2021, avec le bronze aux Europe Espoirs et une 2e place à la coupe d’Europe par équipes.
Spécialiste du javelot, Jona Aigouy s'est distinguée en 2021, avec le bronze aux Europe Espoirs et une 2e place à la coupe d'Europe par équipes.
Spécialiste du javelot, Jona Aigouy s’est distinguée en 2021, avec le bronze aux Europe Espoirs et une 2e place à la coupe d’Europe par équipes.

Spécialiste du javelot, Jona Aigouy s’est distinguée en 2021, avec le bronze aux Europe Espoirs et une 2e place à la coupe d’Europe par équipes. A seulement 22 ans, elle a encore tout l’avenir devant elle. Elle fait le point sur sa préparation hivernale, le bilan de son année 2021. Elle nous parle aussi de ses objectifs pour 2022. Et revient avec nous sur sa première sélection en équipe de France A, en Pologne à Chorzow, à 10 kilomètres de là où a grandi sa mère. Une émotion particulière et une étape qui va lui servir pour le reste de sa carrière.

Crédit : Nicolas Menettrey

JONA AIGOUY – LA SAISON HIVERNALE N’EST PAS LA PLUS IMPORTANTE

Je ne dirais pas que je suis surprise par ma performance (Jona Aigouy a lancé le 11 décembre à l’Etang Salé et a réalisé un jet à 55,63 m à 1,18 m de son record personnel de 56,81 m). Mes derniers entraînements pouvaient laisser présager cela. Mais cela reste surprenant de faire un si bon début de saison ! C’est de bon augure pour la suite ! La préparation hivernale se passe bien. La saison hivernale n’est pas la plus importante pour moi, donc on charge beaucoup à l’entraînement, avec beaucoup de volume ! Alors que l’été, on se concentre davantage sur l’optimisation de l’état de forme. Actuellement, c’est volume, volume et c’est assez lourd ! On fait beaucoup de musculation par exemple.

Après, cette année, nous avons décidé avec mes entraîneurs (NDLR : David et Magali Brisseault) de davantage se focaliser sur la technique ! Je ne suis pas une grande technicienne et la plus grande marge de progression que je peux avoir, sera sur cet aspect. Pour cet hiver, je vais demander ma licence FFSU (Fédération Française de Sport Universitaire), pour participer aux championnats de France qui auront lieu fin janvier.

ME QUALIFIER POUR LES UNIVERSIADES POUR MARQUER DES POINTS AU RANKING

On le fait car je peux me qualifier pour les Universiades (NDLR, qui auront lieu du 26 juin au 7 juillet 2022 à Chengdu en Chine). Pour se qualifier pour les grandes compétitions internationales, le ranking est devenu primordial (NDLR : Pour se qualifier pour un championnat d’Europe ou des mondiaux, si un athlète ne fait pas les minima, il peut se qualifier parmi les 32 meilleures athlètes. Pour cela il passe par le ranking World Athletics. Plus une compétition est prestigieuse, plus elle rapporte des points au ranking). Ces Universiades peuvent me permettre de débloquer des points bonus.

Car pour se qualifier directement pour les minima, il faut faire une performance de très haut-niveau. Par exemple, les minima aux JO étaient de 64 m au javelot. C’est la performance qui a été réalisée par celle qui termine médaille de bronze. Donc le ranking est une voie plus accessible pour se qualifier dans une grande compétition. Il faut jouer avec les nouvelles règles du jeu, s’adapter et jouer intelligemment.

JONA AIGOUY – MA MÈRE A GRANDI DANS UN ORPHELINAT À 10 MIN DE LA VILLE DE CHORZOW

La coupe d’Europe par équipe a été un événement assez exceptionnel pour moi, où j’ai beaucoup appris (NDLR : Alignée au javelot, Jona Aigouy a pris la deuxième place du concours). Cela n’a rien à voir avec un championnat jeune. J’étais avec l’élite de l’athlétisme français. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait une compétition, avec du public. Avec le Covid, on faisait que des compétitions à huis-clos. Là, je me suis retrouvé dans un stade immense, avec un public polonais qui adore l’athlétisme. C’était assez impressionnant.

J’ai une belle histoire avec la ville de Chorzow (NDLR : ville où était organisée la Coupe d’Europe). C’est une ville qui est à 10 minutes de la ville où ma mère à grandi. Ma mère a grandi dans un orphelinat. Ce sont mes racines polonaises mais aussi quelque chose d’assez spécial. Cette compétition représentait vraiment un symbole pour moi. Cela m’a beaucoup poussé. Dans le public, il y avait la directrice de l’orphelinat dans lequel ma mère avait grandi. Et cela faisait dix ans que je ne l’avais pas vu ! Avec les mesures de sécurité liées au Covid, je n’ai pas pu aller la voir à la fin de la compétition.

Après, d’un point de vue strictement sportif, cette compétition était importante pour moi, car c’était ma première sélection chez les A. Le fait que ce soit dans le pays de ma mère, avec tout ce qui a autour, cela a été plein d’émotions super fortes pour moi. J’en garde un souvenir énorme ! Après je ne peux pas dire que j’ai senti la ferveur dans le stade car, quand je suis dans ma compétition, je ne regarde pas trop ce qu’il y a autour. Oui, le stade était beau et cela m’a apporté de l’énergie, mais je n’ai pas fait attention à la disposition du public. Comment on était porté.

JONA AIGOUY – OBSÉDÉE PENDANT DEUX ANS PAR LES EUROPE ESPOIRS

Les championnats d’Europe Espoirs ont été paradoxaux pour moi. Cette médaille m’a permis d’intégrer le dispositif ambitions 2024 de la FFA, qui regroupe tous les jeunes potentiels pour Paris 2024. On se voit 3 fois par an et il y a un suivi de la Fédération. Mais le jour J de la compétition, je n’étais pas du tout contente de moi. Les gens me disent “Jona, c’est une médaille internationale”. Mais, ce que je cherche vraiment en compétition, ce sont les émotions et ce jour-là, je n’ai pas réussi à vibrer. J’ai beaucoup plus vibré aux championnats de France Elite que j’ai fait avant Tallinn.

J’étais complètement obsédée depuis deux ans par cette compétition. J’en parlais tout le temps et je m’entraînais pour cela. On en parlait avec ma coach et je lui disais que je voulais une médaille là-bas. Toute ma préparation a tourné autour de cet évènement. Et quand je suis arrivé là-bas, ce n’était pas pareil. Avec le Covid, il y a eu pas mal de restrictions. Il n’y avait personne dans le stade, et le stade n’était pas si impressionnant que cela. On aurait dit une compétition régionale. Ce n’était pourtant pas à huis-clos, mais le public était limité. C’était surtout les athlètes et les coachs !

J’AI BESOIN D’ETRE EN STRESS POUR ÊTRE PERFORMANTE !

J’ai remarqué que je faisais des performances uniquement quand j’étais en état de stress. Et j’ai besoin de ce stress que je peux transformer en énergie ! Or, durant cette compétition, je n’avais pas ce stress. Je me suis retrouvée dans une équipe de France où il y avait trop d’amour (rires). Des gens avec qui j’ai fait des sélections quand j’avais 14 ans. On était dans des conditions optimales et je crois que j’ai besoin que ce soit la merde pour que je sois performante (rires). Je sais, ce n’est pas normal (rires). Mais j’ai besoin de cela. Il me faut cet imprévu pour faire monter le jus. Et ce jour-là, je n’ai pas eu ce coup de stress.

Je fais ma médaille je suis contente, mais j’aurais peut-être dû préciser que je voulais une plus belle médaille. Je n’ai pas eu les émotions que je pensais avoir durant cette compétition. Peut-être que j’ai trop magnifié le truc. Retrouver le maillot de l’équipe de France m’a fait beaucoup de bien. J’étais sélectionnée en 2020, pour la coupe d’Europe des lancers, mais le Covid a perturbé toute la saison. Cette saison 2021 est la meilleure de toute ma vie. J’ai vécu beaucoup d’expériences et j’ai beaucoup appris ! Le bilan est vraiment énorme !

JONA AIGOUY – J’AIMERAIS ME QUALIFIER POUR UNE GRANDE COMPÉTITION ET FAIRE PLUS DE 60M

Pour 2022, ce serait bien de passer la barre des 60 m ! Vu le début de saison, c’est quelque chose de possible. Ce n’était pas donné de se fixer de tels objectifs, car j’ai abordé la saison hivernale avec beaucoup de doutes. On a décidé de changer de technique et on ne sait jamais si cela va payer directement. Il faut que tout s’automatise et que le corps accepte cette nouvelle technique. Cette première compétition m’a permis d’ôter le doute. Je sais que je suis sur la bonne voie. J’aimerais participer aux championnats d’Europe et pourquoi pas les championnats du monde. Je suis sénior depuis cette année. Il y a aussi la coupe d’Europe de lancers par équipe.

Je suis actuellement 52e au ranking mondial et pour être qualifiable aux mondiaux, il faut être dans les 32. J’ai fait une saison régulière et je pense que les performances de pointe ne vont pas tarder à y arriver. D’ailleurs, la plus grande frustration de mes championnats d’Europe, c’est de n’avoir pas réussi cette performance de pointe. Je pensais vraiment qu’elle allait arriver ce jour-là. Il faut que je sorte un peu de cette régularité pour faire cette performance !

MA PREMIÈRE SÉLECTION LORS DES FOJE – UN SOUVENIR INCROYABLE

J’ai commencé l’athlé à six ans et au début tu touches un peu à tout. Tu fais des triathlons (NDLR : à ne pas confondre avec le triathlon nage/vélo/course. Ici il s’agit de trois épreuves d’athlétisme, souvent un saut, un lancer et une course. Et chaque course rapporte des points et on fait un total à la fin). Je gagnais le plus de points dans les lancers. Quand je suis passé minime et qu’il a fallu faire un triathlon technique, je faisais deux lancers (jav et poids) et une course, souvent des haies. Quand je suis arrivée en cadette, j’ai intégré le CREPS de Toulouse. Avec l’objectif de faire des épreuves combinées.

Puis, pour diverses raisons, dont une entorse de la cheville en faisant des haies, l’entraîneur des lancers m’a un peu pris sous son aile. J’ai été sélectionnée pour la première fois en équipe de France à l’occasion du Festival Olympique de la Jeunesse Européenne. Et je fais ma première médaille internationale. Ce qui me plait dans l’athlétisme et dans le sport en général, c’est la compétition. Le fait de voir que j’étais compétitive m’a accroché à la discipline. Cette ambiance au FOJE était également vraiment exceptionnelle. Il y avait tous les sports. Quand tu es jeune et que tu fais tes premiers pas en équipe de France, ce sont des souvenirs incroyables.

Mais, dans un premier temps, c’est bien la compétition qui m’a soudé à la discipline. Mais j’ai décidé de changer d’environnement, d’aller à Boulouris avec des entraîneurs plus spécialisés dans le javelot ! Je suis arrivée en 2017 et j’ai rencontré Magali et David Brisseault, qui sont actuellement mes entraîneurs. Ce sont des passionnés du javelot et ils m’ont transmis la passion. Ma spécialisation au jav s’est donc faîte en deux étapes. D’abord via la compétition, puis via la passion de mes coachs.

JONA AIGOUY – ON SENT L’ÉMULATION EN FRANCE

Je sens vraiment cette émulation en France. Je suis arrivé à Saint-Raphaël quand Mathilde Andraud en est partie. Et je me suis entraînée quelque temps avec Alexie Alais. Mais je sens aussi cette émulation avec des filles dont on n’a pas encore beaucoup parlé. Comme Alizé Minard qui est ma partenaire de club mais aussi une de mes concurrentes directes. Elle fait ses études aux Etats-Unis et bénéficie de l’aménagement mis en place pour les sportifs de haut-niveau.

Elle monte progressivement et elle peut faire très mal. On peut aussi parler de Margaux Nicollin, qui a le record de France juniors et espoirs. Elle peut aller très loin. On peut parler d’Evelina Mendes, ma partenaire d’entraînement. On a à peu près le même niveau, mais elle n’a pas encore réussi à l’exprimer en compétition. Les championnats de France vont être une très belle bagarre. Avoir un niveau général qui monte en France peut nous amener plus haut !

IL MANQUE UNE FIGURE AU JAVELOT FRANÇAIS

Je n’ai jamais eu de remarques négatives sur le sport que je fais. Je sais que le javelot est un sport encore très masculin et qui n’est pas très connu en France. Mais je n’ai jamais subi de moqueries ou de mauvais regards vis-à-vis de ma spécialité ! En revanche, au niveau du partenariat je sens la différence. Un sprinter qui gagne les Élites et qui a deux médailles internationales gagnerait déjà de l’argent, avec un joli sponsor. Moi je n’ai encore rien. Cela m’a tout de même ouvert les portes en termes de mécénat. Mais uniquement à l’échelle locale.

Cette médaille m’a permis d’attirer l’intérêt de partenaires locaux. Je suis ambassadrice de Boissière et fils, une entreprise qui vend des maisons éco-responsables. Spécialistes dans la construction de maison à ossature bois, elle privilégie les circuits courts et l’écoresponsabilité. Outre le fait qu’ils m’apportent un soutient financier ; le côté humain et la relation que j’entretiens avec ses dirigeants m’apportent un soutient moral supplémentaire.

Il manque encore une gueule au javelot français, quelqu’un qui brille, comme le triple a eu Teddy Tamgho, la perche Renaud Lavillenie. Pour que la discipline brille également. Nous n’avons pas eu de résultats internationaux au lancer de javelot. Je rejoins Alexandra Tavernier en disant que les lancers ne sont pas mis en avant au niveau des contrats/sponsoring et qu’on est laissé un peu de côté.

JONA AIGOUY

Avec Etienne GOURSAUD

Lire aussi notre interview d’Alexandra Tavernier : ICI

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