Allison Pineau – Demi-centre de Budućnost Podgorica et de l’équipe de France.
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Crédit photos : FFH
L’équipe de France, Allison Pineau la connaît bien. La demi-centre a connu sa première sélection en équipe de France A à seulement dix-sept ans et est devenue au fil des années une figure emblématique du handball mondial. Le prochain championnat d’Europe (organisé au Danemark du 3 au 20 décembre) était une occasion de remplir encore un peu plus son palmarès déjà bien fourni…
Oui mais pour la première fois en quatorze ans, Allison Pineau manquera une compétition majeure avec les Bleues, la faute à une double fracture avec dislocation au niveau du nez contractée lors du match contre Vâlcea en Ligue des champions. Un coup d’arrêt dans sa saison mais qui ne l’abat pas pour autant : « Ça va mieux. Hier j’ai eu un check. Ils m’ont enlevé les tampons que j’avais dans le nez depuis trois jours. C’est donc plus agréable pour respirer, je n’ai pas forcément de douleur donc c’est cool. Normalement j’en ai pour quatre semaines d’arrêt. Après ce délai, je pourrai retourner sur le terrain. »
Dans ce récit, Allison Pineau nous parle des ambitions des Bleues pour cet Euro 2020, de son départ vers le Monténégro, et du report des Jeux Olympiques de Tokyo.
L’EURO : QUAND J’AI VU LE TIRAGE AU SORT, JE ME SUIS DIT QUE CELA ALLAIT ÊTRE GALÈRE !
Quand j’ai vu le tirage au sort, je me suis dit que cela allait être galère ! C’est l’Euro, c’est comme ça. On le sait, l’Euro est la compétition la plus dense, les meilleures nations de handball sont européennes. On a effectivement un groupe qui est loin d’être facile. Aujourd’hui je pense que le seul petit avantage qu’on puisse avoir, c’est que le Monténégro n’est pas au complet. Plusieurs joueuses ont pris une pause maternité, Tatjana Brnović (pivot à Budućnost) s’est blessée et est absente pour six mois… Dans notre groupe, c’est donc sans doute l’équipe qui peut le moins prétendre à la victoire finale mais cela reste une équipe très « chiante », difficile à manœuvrer et qui ne va rien lâcher.
L’équipe de France est-elle favorite ou outsider ? C’est une bonne question, 2018, cela remonte… Maintenant, quand on est championnes d’Europe en titre, on a toujours envie de défendre sa couronne. Je pense que le début de la compétition pourra nous situer mais mon ressenti avant d’entamer cet Euro, c’est que, oui, je pense qu’on fait partie des équipes favorites. L’équipe de France est une équipe très embêtante pour les autres équipes car elle complète. On a des profils de joueuses différents, une défense solide et physique, de bonnes gardiennes… On est dans ce lot d’équipes qui peuvent décrocher le trophée.
Allison Pineau
On a appris que la Norvège n’était plus co-organisatrice de l’Euro (avec le Danemark) mais on va évidemment retrouver cette nation dans les équipes favorites. À domicile le Danemark a aussi une belle carte à jouer et l’Espagne (médaillée d’argent au Mondial 2019 et à l’Euro 2018) sera aussi au rendez-vous. Je pense que l’on peut ajouter l’Allemagne qui a fait un bon Mondial avec une équipe jeune à fort potentiel. L’équipe des Pays-Bas (championne du monde en titre) me paraît un peu affaiblie avec la perte de joueuses importantes sur sa base arrière mais il ne faut pas l’oublier.
Au-delà de la victoire, l’objectif est de remettre de l’huile dans la machine, repartir de l’avant après la contre-performance lors du dernier Mondial (la France avait fini treizième du championnat du monde 2019) et aussi de préparer la suite. Le groupe France ne s’est retrouvé qu’en septembre, cela faisait neuf mois que l’on ne s’était pas vues. Il faut donc remettre en place un projet de jeu, retrouver des automatismes.
Notre équipe est riche, avec de la qualité à tous les postes. On a de jeunes joueuses qui émergent au fil des saisons et d’anciennes qui connaissent la maison. Je pense que ce mélange d’expérience et de fraîcheur est une bonne chose. Notre collectif se rajeunit et notre rôle en tant que joueuses expérimentées est aussi d’encadrer ce groupe. Notre force principale reste la défense qui est notre point d’ancrage. Si je devais mentionner une faiblesse, je dirais par conséquent l’attaque, même si à l’Euro on avait très bien performé offensivement. On avait réussi à produire du jeu, à se faire plaisir et à en donner. Au Mondial, on n’a malheureusement pas su le faire.
LA PRÉPARATION DES BLEUES : IL NE FAUT PAS SE LEURRER, LES MATCHS DE PRÉPARATION ET LA COMPÉTITION SONT DEUX CHOSES DIFFÉRENTES !
Le contexte sanitaire est particulier, le coronavirus impacte tout le monde, on est tous dans l’incertitude. D’une semaine à l’autre on peut avoir des cas positifs, être mises en quarantaine et donc être coupées dans notre routine. On se retrouve en permanence dans une espèce de faux rythme qui n’est pas simple à gérer mais il faut s’adapter.
On a quand même pu se tester le mois dernier lors de la première étape de Golden League (deux belles victoires contre le Monténégro et le Danemark, et une courte défaite face à la Norvège). Ces résultats nous donnent confiance mais ce n’est pas une finalité. Bien sûr c’est important de marquer son territoire, d’envoyer des signaux à nos adversaires, de montrer qu’on est là et que ce Mondial est derrière nous. Maintenant je pense qu’il ne faut pas se leurrer, les matchs de préparation et la compétition sont deux choses différentes. On juge la force d’une équipe dans les moments importants d’une grande compétition.
L’autre aspect de la préparation a été d’analyser la compétition précédente. Après la désillusion du championnat du monde, il y a eu une longue période de débrief qui s’est faite entre joueuses et staff à distance. C’était important qu’on le fasse. On a pu pointer les manquements et les choses qui n’ont pas fonctionné pour ne pas reproduire les mêmes erreurs à l’avenir. Je n’en dirai pas plus parce que je pense que ce qui s’est dit doit rester entre nous mais l’essentiel a été passé en revue.
Actuellement, l’axe de travail concerne principalement les phases de jeu offensives. En fonction de la situation qui se présente, on essaie d’avoir différentes solutions. Plus spécifiquement, on travaille beaucoup sur nos enclenchements et leurs variantes. Notre volonté est de faire vivre le ballon.
MA NOUVELLE EXPÉRIENCE À BUDUĆNOST : JE VEUX AIDER LE CLUB À RETROUVER SES ANNÉES GLORIEUSES
Le choix de Budućnost est tout simplement un choix sportif, l’appel de la Ligue des champions. J’avais envie d’y retourner. Budućnost est un club prestigieux qui veut revenir sur le devant de la scène européenne et concurrencer des équipes comme Györ (club hongrois tenant du titre, qui a remporté 5 fois la compétition). Cela fait plusieurs saisons que le club court après cette participation au Final Four. Ce qui m’a donc attirée c’est ce défi, je veux aider le club à retrouver ses années glorieuses. Il y avait d’autres pistes mais c’est Budućnost qui m’a le plus convaincu. Pour moi tout semblait réuni, c’est pour cela que j’ai décidé d’y aller.
Le Monténégro est un pays vraiment magnifique, enchanteur même. La nature est incroyable. Tu y trouves la montagne, la mer… C’est un petit pays dans lequel tu peux facilement te déplacer, c’est l’avantage. En tout cas j’ai été impressionnée par la beauté de cette nature sauvage.
Mon arrivée s’est bien passée, je me suis facilement intégrée. Mon rôle dans l’équipe a été très clair dès le départ. Cela fait longtemps que je suis dans le circuit, on se connaît toutes bien. Je retrouve des filles avec qui j’ai joué au Vardar Skopje. La Macédoine, le Monténégro, ce sont des pays avec une mentalité assez proche donc je n’ai pas eu de difficultés pour m’intégrer. Cela fait aussi toujours plaisir de pouvoir parler français avec une coéquipière (la gardienne Armelle Attingré a rejoint le club cet été).
Sportivement, le début de saison n’a pas été simple. Notre préparation a été perturbée fin juillet lorsque onze joueuses de l’effectif ont été testées positives au Covid. S’en est suivi une période de mise en quarantaine, des matchs ont dû être reportés… Tout cela a fait qu’on a été en décalage par rapport aux autres équipes qui pouvaient jouer. On n’était pas totalement prêtes et cela s’est vu en Ligue des champions. Pour le premier match à Podravka, on y est allées avec seulement cinq joueuses professionnelles. Le reste de l’équipe était composée de filles qui ne connaissaient pas la Ligue des champions, certaines d’entre elles étaient des juniors qui n’avaient jamais joué à ce niveau. Notre 5ème place du groupe est la place que l’on mérite au vu de nos prestations. Le club a des ambitions, on doit faire mieux, ce n’est clairement pas cette place que l’on vise.
LE REPORT DES JEUX OLYMPIQUES : L’ANNONCE DU REPORT DES JO A ÉTÉ UNE DÉCEPTION MAIS C’ÉTAIT LA MEILLEURE DES SOLUTIONS.
Pour le moment c’est compliqué de se projeter vers les Jeux Olympiques. Il faut y aller progressivement, prendre les compétitions les unes après les autres. Déjà on se focalise sur l’Euro où il faudra donner le maximum mais oui, les JO restent le gros objectif. On travaille tous les jours pour ça. L’annonce du report des JO a été une déception mais c’était la meilleure des solutions. Quand j’ai entendu la nouvelle, au début j’étais frustrée mais je suis vite passée à autre chose. Je me suis dit qu’il ne pouvait pas en être autrement et que je devais le voir comme une opportunité. Maintenant c’est sûr qu’on le vit plus ou moins bien selon sa situation. Je pense aux athlètes qui ont mis un terme à leur carrière et qui auraient aimé finir avec cette compétition, à tous ceux qui repartent pour un an mais qui n’auront peut-être plus le soutien des sponsors… C’est très dommageable mais il faut penser à la santé des gens, c’est ce qui compte avant tout.
UN PETIT MESSAGE POUR MES COÉQUIPIÈRES DE L’ÉQUIPE DE FRANCE
Ça me fera bizarre de vous regarder à la télévision mais je vous encouragerai les filles ! Je serai à fond derrière mon équipe !
ALLISON PINEAU
Avec la participation de Déborah Mondjo
Retrouvez un autre article d’Allison Pineau sur Sans Filtre : ici