Rugby – Coumba Diallo – Je pense à la coupe du monde depuis deux ans

Coumba Diallo est une des joueuses emblématique du XV de France 2020. Elle devrait fêter, lors de la tournée d’automne, sa 50e sélection en Bleue.
Coumba Diallo va fêter sa 100e sélection en Bleue
Coumba Diallo va fêter sa 100e sélection en Bleue

Coumba Diallo est une des joueuses emblématique du XV de France 2020. Elle devrait fêter, lors de la tournée d’automne, sa 50e sélection en Bleue. L’équipe de France affrontera l’Afrique du Sud le 6 novembre à 15 heures au stade de la Rabine à Vannes, avant une double confrontation avec la Nouvelle-Zélande. D’abord le 13 novembre à 15h au stade du hameau à Pau, puis le 20 novembre à 15 h au stade Pierre Fabre de Castres. A moins de huit mois de la coupe du monde féminine de rugby, Coumba Diallo et le groupe Bleue veut se tester sur ces trois matchs. La troisième ligne-aile du Stade Français rêve d’un sacre mondial, qui serait inédit pour l’équipe de France (masculine ou féminine). Après deux 3e place en 2014, les Bleues veulent monter d’un cran.

Coumba Diallo nous parle de son expérience et de son rôle au sein de l’équipe de France, de l’évolution du rugby féminin et de son engouement. Avec des audiences qui ne cessent de s’envoler et des stades toujours plus remplis. Elle nous parle également de ce que les Bleues et la fédération ont mis en place pour atteindre cet objectif ultime.

Crédit : FFR

LE PLUS DUR N’EST PAS D’ARRIVER EN ÉQUIPE DE FRANCE MAIS D’Y RESTER

Quand tu entends 50 sélections, les gens peuvent se dire “Waouh !” et que cela peut paraître énorme. Pour ma part, j’y vois du travail et de la persévérance. C’est beaucoup de remise en question également. C’est une grande fierté et un honneur pour moi de porter ce maillot de l’équipe de France. Ces 50 sélections sont une belle reconnaissance. Je suis quelqu’un d’assez persévérante et quand je veux quelque chose j’essaye de tout mettre en œuvre pour l’avoir. Quand j’ai débuté le rugby, j’évoluais avec l’équipe réserve et je me disais : “Il faut que je vise l’équipe première”. Une fois en équipe première, j’ai eu des objectifs différents. J’ai toujours voulu augmenter mon niveau d’exigence.

Le plus dur ce n’est pas d’arriver en équipe de France, c’est d’y rester. Cela demande du travail, des sacrifices. Quand tu fêtes ta première sélection, tu es contente, tu portes le maillot de l’équipe de France, tu fais des photos à gauche à droite (rires). Tu n’a pas vraiment conscience de l’importance de ce maillot Bleu.

C’est quand tu ne l’as plus que tu prends conscience de son importance et que c’est quelque chose de magique. Il y a une concurrence qui arrive en Bleue, avec des jeunes. Quand t’es joueur ou joueuse, tu peux être soumise à un changement de staff. Tu peux passer de titulaire indiscutable avec un entraîneur à reléguée sur le banc voire plus du tout invité avec un autre coach. Il y a aussi les blessures qui peuvent survenir. Quand tu es blessée, tu peux disparaître des plans de l’entraîneur et ne plus y revenir.

COUMBA DIALLO – JE SUIS CATALOGUÉE COMME LA DARONNE EN BLEUE

Je suis quelqu’un qui ne parle pas beaucoup, mais je suis la fille joyeuse qui va vers tout le monde. Même si je ne parle pas beaucoup, je parle facilement aux gens. Dans les vestiaires, quand j’ai quelque chose à dire, je le dis et tout le monde m’écoute. Etant donné que c’est rare quand je parle, j’ai une parole qui est écoutée. Je suis cataloguée comme la “daronne” (rires). Ou la grande sœur. On m’appelle Coumba la sœur. Mais c’est vrai que, quand tu arrives en sélection, tu n’es pas forcément à l’aise. Tu vois les affinités. On veut que tout le monde soit à l’aise dans le groupe et que personne ne soit de côté. Je m’énerve très rarement et je suis également rarement stressée.

Je suis dans la transmission pour les jeunes. C’est vraiment mon rôle. L’équipe de France m’a énormément apporté et j’ai appris beaucoup de choses là-bas. Maintenant je dois transmettre ce que j’ai appris, pour que le groupe soit bien et que les jeunes d’avenir soient prêtes. Mon seul rituel d’avant match va être de me coiffer de la même manière. Et surtout ne pas oublier mes protections sur les épaules, sinon je ne suis pas bien (rires).

LA COUPE DU MONDE 2014 A ÉTÉ UN TREMPLIN POUR L’ÉQUIPE DE FRANCE

Quand je suis arrivée en Bleue et que la Marseillaise a retenti, je me suis dit : “Ah ouais quand même !”. Je n’en avais pas forcément conscience avant, à quel point c’était impressionnant. Je ne connaissais même pas les paroles de la Marseillaise et j’avais honte (rires). J’essayais de faire semblant de chanter (rires). C’est au fil des années que je me suis rendue compte qu’être en Bleue c’était si important.

Mon moment le plus marquant en Bleue, cela reste l’année 2014 dans son ensemble. En particulier le Grand Chelem au Tournoi des VI Nations. C’est mon premier titre en bleue, mais aussi mon premier titre individuel et collectif. Je me souviens du match à Grenoble contre les Anglaises. C’était notre bête noire, en face de nous il y avait la dream team anglaise. A la fin du match on gagne et on se dit : “Ah ouais, on peut faire quelque chose”. De matchs en matchs, on s’y préparait pour les gagner. Puis on a réalisé ce Grand Chelem.

Ensuite, il y a eu la coupe du monde 2014 en France. Avec énormément d’engouement. On jouait chez nous, devant nos proches. C’est là que le rugby féminin a été mis en avant, avec les matchs qui passaient à la télé. Cette année 2014 a été incroyable. Pour moi, c’est la meilleure de l’histoire de la sélection tricolore. Auparavant, quand on allait dans les stades, il y avait 200 personnes, des gens souvent de passage. Depuis 2014, on remplit des stades comme Jean Bouin, qui était à guichets fermés pour la demi-finale. On va à Castres, Pau, Clermont, on remplit les stades. On sent vraiment un engouement derrière nous. Les gens nous encouragent et sont beaucoup plus interpellés par nos performances. Cette coupe du monde 2014 a été magique et a été un tremplin pour l’équipe de France.

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COUMBA DIALLO – UNE BONNE PROGRESSION DE LA MÉDIATISATION DU RUGBY AU FEMININ

Ce changement de ferveur se ressent. Quand on entre sur le terrain et qu’on voit le public derrière soi qui crie : “Allez les Bleues”, c’est vraiment incroyable. Cela transcende, comme si on était une de plus sur le terrain. Avoir un public derrière soi, cela donne envie de tout faire pour le rendre fier. T’es obligée de te donner et de faire un gros match ! Ils se sont déplacés, ont payé leur billet pour te voir. Il faut leur faire plaisir !

On a été télévisé pour la première fois en 2014. On n’arrivait pas à prendre en compte les chiffres. J’entendais 2-3 millions de téléspectateurs et je me disais “Ah cool”. Mais, d’années en années, quand on voit que la part d’audience est belle, par rapport aux chaînes concurrentes, on se dit qu’on est vraiment suivies et c’est une fierté et un honneur. On représente l’équipe de France à la télé et on procure du plaisir aux gens. Je suis très fier de cela.

LES CONTRATS FÉDÉRAUX PERMETTENT DE MIEUX NOUS ENTRAÎNER

Il y a eu une très bonne progression de la médiatisation du rugby féminin. L’intérêt à énormément grimpé. France 4 a commencé à s’intéresser à nous. Désormais, on passe sur France 2, une grande chaîne publique. On a tout mis en place pour qu’on s’intéresse à nous. On procure forcément un certain engouement auprès du public.

Le fait qu’on ait des contrats fédéraux, je ne sais pas si cela enlève de la pression, mais cela apporte et aide en termes d’organisation. On avait énormément de soucis sur la sélection. Quand on rentrait le samedi ou le dimanche, il y avait des filles qui devaient reprendre le boulot dès le lundi. En termes de rythme de vie et d’organisation, mentalement c’est très dur ! Je me souviens, à cette époque, j’étais étudiante. C’était impossible de retourner en cours le lundi. En plus, on pouvait partir un bon moment avec le groupe. Un rythme de vie bien cadré. Et quand tu devais repartir en cours, ce n’était pas facile.

Être sous contrat facilite aussi l’entraînement. Auparavant, on s’entraînait surtout le soir et il fallait aller au boulot le lendemain matin. Cela m’a beaucoup aidé sur la récupération et sur la performance. Et même collectivement, car on peut davantage s’entraîner ensemble. En semaine, on peut faire des séances de musculation.

COUMBA DIALLO – JE SUIS PLUS FORTE PHYSIQUEMENT QU’AUPARAVANT

On peut toujours faire mieux, mais il faut du temps pour que les choses se mettent en place. On est actuellement sur des contrats à 75% et on n’a pas encore des salaires comparables aux garçons. Ce qui est bien, c’est qu’on a un double projet. Il faut un projet pro à côté du travail. Les carrières s’arrêtent vite en rugby et quand on ne l’a plus, il faut avoir quelque chose à côté. La FFR incite à faire une formation, car le rugby ne paye pas aussi longtemps que pour les garçons.

Je ne sais pas si le rugby a énormément évolué en dix ans. On est toujours basé sur l’évitement, sur la passe après contact. Mais, depuis qu’on a les contrats fédéraux, physiquement on s’est largement améliorés, car on peut mieux s’entraîner. Il y a davantage de gabarits et les impacts sont plus importants. Si je me base sur moi, oui je me sens largement plus forte physiquement. J’ai revu des personnes que je n’avais pas vu depuis très longtemps, ils m’ont dit : “Ah ouais”. Effectivement, j’ai pris cinq kilos de muscles, je me suis également affutée. C’est le cas pour nous toutes !

Il est vrai que la médiatisation de la première division est encore compliquée. C’est quelque chose qui va prendre du temps, les chaînes commencent à s’intéresser. Depuis deux ou trois ans, les demi-finales sont diffusées sur Eurosport. Mais ce qui fera qu’on va attirer les médias, c’est si le niveau du championnat grimpe. Cela amènera forcément de l’engouement. On a des résultats de plus en plus serrés et des équipes qui jouent de mieux en mieux

SI C’EST MA DERNIÈRE COUPE DU MONDE ? C’EST UN SECRET !

La coupe du monde est dans ma tête depuis deux ans. Tu ne peux pas t’y préparer quatre mois avant. Pour être championne du monde, il faut faire des sacrifices deux ans auparavant. En termes d’organisation, de staff. Tu te lèves en pensant à cet objectif. Évidemment, il y a les échéances à moyen terme. Si c’est ma dernière coupe du monde ? C’est un secret. On ne sait pas ce qu’il peut passer. C’est difficile de se dire : “J’arrête après ça”. Je suis au haut-niveau depuis 10 ans et mon corps est fatigué. Mais à l’heure actuelle, je ne me prononce pas.

L’objectif de cette tournée est de gagner les trois matchs, la coupe du monde est en ligne de mire et il ne reste plus beaucoup de matchs pour performer et il faut les prendre les uns après les autres. On ne peut pas passer à côté. Cette trêve internationale permet de sortir du quotidien de la 1ere division, l’atmosphère est plus légère et tout est mis en place pour que les joueuses soient bien. En termes de récupération, d’entraînement. Quand tu fais du sport haut-niveau, tout le monde rêve du maillot bleu, qui est une grande récompense.

La Nouvelle-Zélande c’est toujours particulier. On les voit, on se dit “C’est la référence du rugby mondial”. Je l’ai toujours vu comme un objectif énorme. Jouer contre elles est toujours quelque chose d’extraordinaire. Tu n’as qu’une envie, c’est de gagner et qu’on se dise : “Les Françaises ont gagné les Néo-Zélandaises”.

COUMBA DIALLO – UNE TROISIÈME PLACE A LA COUPE DU MONDE SERAIT UNE DÉCEPTION

Une troisième place serait vu comme une déception, ce n’est pas possible. Cela fait deux coupes du monde où on termine à cette place avec, à chaque fois, des demi-finales où on rate notre match, alors que tu fais des gros matchs lors des poules. On est armé pour aller au bout et la fédération a mis tout en place pour qu’on soit bien, avec les contrats fédéraux, les tournées d’automne et les stages. Il faudra être prêtes le jour J. Le plus gros adversaire c’est nous-mêmes. Même s’il y a des équipes comme l’Angleterre et tout. Il faudra être dans le combat, mentalement et physiquement. On a un groupe qui est bien et qui vit bien. On a hâte de commencer la tournée et de voir ce qu’on peut donner. Pour aller chercher ce beau titre.

On nous a souvent nommé les Affamées. En défense on lâche rien. Sur la conquête en touche, on est très bien. Idem en mêlée. Si on garde nos armes et qu’on travaille là-dessus, on peut aller loin. Et titiller les grosses équipes. Aujourd’hui, on ne redoute personne ! On n’a peur de personne.

En début de semaine, sur ce rassemblement, on était 46 (NDLR : Les 31 joueuses sélectionnées et 15 du pôle espoirs qui ont participé aux entraînements). Il y a des jeunes, des vieilles, on s’entraîne et on rigole bien. Il y a une bonne atmosphère. On verra ce que cela donne au fil des matchs, mais c’est nickel.

COUMBA DIALLO

Avec Etienne GOURSAUD

La page Facebook de Coumba Diallo : ICI

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Elle peut être à Stuttgart le matin et à Lyon le soir, à Nice le lendemain et sur tous les terrains de Ligue 1. Un plaisir et une passion pour le ballon rond qui anime Margot Dumont depuis son plus jeune âge que ce soit sur les plateaux TV ou sur le terrain de son club d'Issy les Moulineaux. La  journaliste de beIN SPORTS qui s’apprête à fouler les pelouses russes, pour la Coupe du Monde 2018 en juin prochain se livre sans filtre sur ses souvenirs et son travail.