Il y a encore deux ans, poser cette question vous aurait fait passer au mieux pour un grincheux, au pire pour un vrai hérétique, méconnaissant le hand. Mais voilà, on dit souvent qu’en sport, tout peut aller vite. Pour les Bleus, qui vont disputer à partir du 14 décembre, le Mondial de hand en Egypte, la chute a été brutale. Une hégémonie de 2006 à 2017, avec quelques petites déceptions ici où là. Mais ce sont 12 médailles glanés, soit une médaille par an, pendant plus d’une décennie. Mais les dernières sorties et en particulier l’élimination au premier tour de l’Euro, l’an dernier a rebattu les cartes. Alors, est-ce que les Bleus sont encore parmi les favoris lors du Mondial ? La question mérite d’être posée.
Crédit : Stéphane Pillaud
Reconstruire avec un groupe presque inchangé
L’élimination au premier tour de l’Euro a provoqué l’éviction de Didier Dinart, en poste depuis la fin des J.O de Rio. C’est son adjoint Guillaume Gille qui a repris le flambeau. La crise du Covid_19 étant passé par là, il aura fallu attendre presque un an pour voir l’équipe de France new-look à l’œuvre. Avec une double confrontation contre la Serbie, qui n’a pas rassuré les suiveurs. Une défaite 27-24 et un nul 26-26. On a vu les Bleus en difficulté. Offensivement, avec un vrai manque de créativité. Défensivement aussi, avec un secteur central en grande souffrance. “Le niveau de performance n’est pas encore au rendez-vous“, concède le sélectionneur Guillaume Gille, hier en conférence de presse.
Le mot d’ordre est reconstruction et travail. Les 20 en stage sont les 20 qui s’envolent demain pour le Caire. “On a voulu s’appuyer sur un groupe élargi et faire en sorte que les joueurs puissent être réunis et optimiser le temps de travail“, confie Guillaume Gille. La France peut se réjouir d’être relativement épargné par les pépins physiques, avec le seul forfait d’Elohim Prandi. Reconstruction, mais avec un groupe peu renouvelé par rapport aux dernières échéances, comme le confirme notre confrère de Made In Hand, Benoit Conta.
17 des 20 joueurs ont déjà disputé une grande compétition (manque Descat, Acquevillo et Lenne, qui a vécu le Mondial 2017 en périphérie du groupe). D’où le fait que je sois circonspect sur le story-telling de la reconstruction totale et du fait qu’on reparte de 0, ou presque.
— Benoît Conta (@benoitconta) January 10, 2021
Mondial de hand : Un premier match capital contre la Norvège
Guillaume Gille se veut ambitieux pour ce mondial : “Quand on arrive dans une compétition, on doit faire en sorte de disputer l’emballage final et se bagarrer pour une médaille“. Le sélectionneur rappelle le contexte particulier. “On sort d’une préparation tronquée, dans une situation exceptionnelle. Le projet de jeu nécessite du temps pour être intégré par les joueurs. Le début de compétition sera important pour lancer la machine“, poursuit le sélectionneur. Certes, mais la situation a été la même pour l’ensemble des 32 équipes qui vont participer à la compétition dans un format élargi, qui sera inédit.
Une Norvège en confiance
Un premier match où il ne faudra pas être diesel, puisque les Bleus vont affronter la Norvège double vice-championne du monde en titre. Des Norvégiens qui abordent la compétition avec plus de confiance et de certitudes que les Bleus. Ils ont affronté par deux fois le Danemark. Avec une victoire et une défaite (28-31 et 36-34). A cela s’ajoute une belle victoire contre la Biélorussie (27-19). La Norvège sera un gros morceau. Si les trois premiers de chaque poule, seront qualifiés pour le tour principal (soit 24 équipes), on connaît l’importance de partir avec le maximum de points, lors du tour principal. Ce n’est peut-être pas le Danemark, l’Espagne et la Croatie, mais la Norvège sera redoutable. Tout point perdus peut compter.
“Contre la Norvège, il faudra faire tout mieux. Etre plus hermétique en défense, et mettre plus de rythme dans les grands espaces. L’ensemble du groupe devra proposer le meilleur de soi. C’est à ce prix qu’on sera en mesure de rivaliser face à une équipe très stable. Ils ont démontré beaucoup de qualité en match amical. Ils ont des joueurs très en forme et en confiance“, analyse Guillaume Gille
Niveau de jeu insuffisant contre la Serbie
A ce jour et Guillaume Gille le reconnaît, le niveau de jeu des siens est insuffisant pour débuter ce match avec le statut de favori : “Les deux matchs contre la Serbie ont permis de nous évaluer. Nous rentrons dans la compétition avec beaucoup d’humilité. Cela nous ramène au travail qui nous reste encore à accomplir”. Pour l’heure, les 16 qui seront sur la feuille de match n’ont pas été dévoilés : “On doit se préparer spécifiquement contre la Norvège. On aura l’occasion de se pencher plus tard sur la composition. Là, ce n’est pas d’actualité et on continue de nourrir notre réflexion“, répond Guillaume Gille.
Pour avoir une chance de rallier les quarts, à l’issue des deux phases de poules, les Bleus vont devoir progresser dans plusieurs secteurs. Interrogé, Guillaume Gille réfute la défaillance sur le système mis en place, insistant plutôt sur les mauvais choix : “On a eu pas mal de munition sur grand espace, les intentions étaient bonnes. Mais les choix ont été défaillants, ce qui donne l’impression d’une équipe peu efficace sur le jeu tout terrain. C’est pourtant l’un de mes motifs de satisfaction“. Le sélectionneur qui persiste à dire qu’il faut laisser du temps à l’équipe, pour se construire : “Il y a des choses qui sont réglées et il faut empiler les briques une à une”.
Le final 4, une excuse valable ?
La France a récupéré des joueurs un peu plus tardivement, de par le Final 4 qui s’est tenu entre Noël et premier de l’an. Qui a concerné de nombreux joueurs. “On a eu eu de temps de travail pour que le nouveau groupe s’intègre à celui déjà présent. L’état physique et psychologique n’était pas simple, avec du carburant de consommé. Il a fallu ménager les organismes, tout en remettant tout le monde dans la bonne direction. Les cicatrices de l’Euro et les retrouvailles ont pris du temps et on demandé du travail. Nous n’étions pas dans les meilleurs dispositions“, confie Guillaume Gille.
Alors oui, les Serbes n’avaient pas la fatigue de deux matchs à très haute intensité de certains Bleus. Mais un adversaire comme la Norvège, aura son lot de joueurs ayant participé au Final 4. L’excuse ne sera pas valide. L’Islande en a payé les pots cassés avec le forfait d’Aron Palmarsson. Même le sélectionneur en est conscience. “On savait qu’on aurait des difficultés, mais on se pensait mieux armé pour rivaliser contre cette solide équipe Serbe“.
Mondial de hand : Alors favori la France ou non ?
My IHF World Championship 2021 predictions:
Top 4:
🥇🇳🇴
🥈🇩🇰
🥉🇪🇸
4️⃣🇪🇬
Top scorer: Yahia Khaled🇪🇬
MVP: Sander Sagosen🇳🇴
Surprise: 🇪🇬
Dissappointment: 🇫🇷
Best Young Player (under 22 years): Kosorotov🇷🇺What’s your predictions?#handball #Egypt2021
— Rasmus Boysen (@RasmusBoysen92) January 11, 2021
Objectivement, on peut d’or et déjà ressortir quatre équipes qui semblent mieux armées que les Bleus. Le champion du monde danois et son vice-champion du monde Norvégien. Mais aussi le champion d’Europe espagnol et son dauphin croate, qui a retrouvé une équipe hyper solide. Il y a aussi de belles surprises comme le Portugal, sensation du dernier euro qui a décroché un accessit (5e). C’est l’équipe en pleine progression de ces dernières années. L’Allemagne est revenue à un bon niveau. Les deux dernières équipes citées peuvent être placés au même niveau que les Bleus. La France a même été placé dans le pot 3, au même niveau que le Bahreïn, en dessous de la Biélorussie.
Preuve de la perte de statut de la France. Alors dans les faits, les Bleus ont une belle route pour accéder en quart de finale. Mais il faudra montrer un meilleur visage que contre la Serbie. Et pour franchir le cap des quarts, il faudra retrouver un prestige d’antan. A l’époque ou une simple demi-finale était un échec pour les Bleus.
Etienne GOURSAUD