Charlotte & Julie Bonaventura – Arbitres
#Handball #LIDL Star Ligue #Division 1 féminine #Championnat d’Europe & Monde #Ligue des Champions
(Crédit photo Une : DR).
Nous sommes toutes les deux tombées amoureuses du handball lors d’un stage d’été de sport organisé dans notre ville, il y a bientôt 20 ans. Nous avions testé plusieurs sports, mais nous avons adoré l’esprit collectif, la vitesse du jeu et le fait de pouvoir jouer ensemble.
L’arbitrage est venu plus tard. Vers 14 ans, au départ c’est tout bête, sur un tournoi à trois équipes, l’équipe qui ne jouait pas devait fournir une paire d’arbitres. Quand ça a été le tour de notre club, tout le monde nous a dit « allez les filles vous êtes déjà une paire ! ».
À cet âge-là, personne ne veut vraiment prendre le sifflet, et personne ne connait vraiment les règles.
Même si nous n’avons pas vraiment aimé cette première expérience, nous avons continué à le faire à chaque occasion qui se présentait pendant ces tournois. Petit à petit nous nous sommes prises au jeu au point de devenir arbitres « officielles » en parallèle d’être joueuses. Les weekends devenaient de plus en plus chargés avec un match arbitré et un match joué, mais avec surtout des déplacements à plus de 4 h de Marseille. La section féminine de notre club allait fermer, nous avons donc décidé de nous consacrer exclusivement à l’arbitrage à 23 ans.
Sans aucun regret 15 ans plus tard.
Ce choix nous a permis de vivre des émotions uniques. Participer à des Jeux Olympiques, arbitrer des finales de Ligue des Champions, de Championnats d’Europe ou du Monde. C’est indescriptible. On a vécu des choses et rencontré des personnes formidables. Humainement c’est un vrai succès, et on peut dire que sportivement également.
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NOUS SOMMES LÀ POUR CONTRIBUER À NOTRE SPORT
L’arbitrage pour nous représente la continuité du jeu, de notre amour pour notre sport. La passion du handball nous a mené à l’arbitrage.
L’arbitre n’est pas uniquement là pour sanctionner, quelle que soit la discipline. Mais avant tout pour aider les joueurs à s’exprimer du mieux possible et dans les meilleures conditions. Le but est que tout le monde prenne du plaisir.
C’est la philosophie qui doit animer tout arbitre.
D’ailleurs, si l’on compare au plaisir qu’on éprouvait en tant que joueuses, c’est un peu différent. Nous sommes en quelque sorte des spectatrices privilégiées, car chaque action se déroule à seulement quelques mètres de nous. Voir du beau handball est aussi un plaisir pour nos yeux, même si notre principale satisfaction sera d’avoir permis le déroulement serein d’un match.
Il y a d’ailleurs parfois des moments où l’on va partager quelque chose avec les joueurs sans passer par la parole, par exemple après une belle action avec un petit clin d’œil ou juste un regard. Ces échanges durent tout au long du match et ne sont pas seulement pour signaler les fautes. L’arbitre est un être humain, la communication est donc primordiale entre nous et les joueurs.
L’ARBITRAGE N’A PAS DE GENRE
Comme dans la vie courante, il y a quelques barrières lorsqu’on est une femme et qu’on va notamment arbitrer des hommes. Des petites remarques en arrivant au stade quand des personnes nous disent que le match des filles n’est pas dans ce stade par exemple, où nous appeler le binôme féminin au lieu de nous appeler par nos noms. Un binôme masculin qui commet une erreur on dira qu’ils sont dans un mauvais jour, un binôme féminin qui en commet une on dira que c’est parce qu’elles sont des femmes…
Avec le temps on apprend à faire abstraction de ces remarques.
Des péripéties qui nous montrent que nous ne sommes « que des femmes » aux yeux de certains, nous avons plusieurs. Mais nous préférons garder les choses positives. Nous sommes des arbitres qui ont la particularité d’être des femmes et pas des femmes qui arbitrent.
Il faut avoir à l’esprit que chez certains c’est tout simplement culturel, et c’est compliqué de les changer. Ça bouge petit à petit à l’image de la société, on reste optimiste cela dit, car ces dernières années ce genre de comportement est plus stigmatisé et à juste titre.
D’autant plus que les principaux acteurs, joueurs et entraîneurs, se fichent que vous soyez un homme ou une femme tant qu’il y a de la compétence.
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En regardant aujourd’hui notre parcours, nous avons arbitré de beaux matchs, avec certains qui étaient symboliques, car nous avons été les premières femmes à arbitrer sur un championnat du monde masculin par exemple. C’est beau, mais nous ne nous sommes jamais dit que nous pouvions montrer la voie, être des précurseuses, pour le statut des femmes dans l’arbitrage. Et pourtant nous recevons parfois des messages magnifiques de jeunes filles mêmes à l’étranger qui nous disent que nous avons été des modèles pour elles.
Si nous pouvons aider à faire bouger les lignes, bien sûr que nous le faisons avec grand plaisir, mais nous sommes vraiment dans notre bulle et nous oublions même parfois que des personnes font encore la distinction entre un arbitre homme et un arbitre femme.
Un des secrets de notre réussite réside peut-être dans le fait que nous nous connaissons par cœur, nous avons notre propre communication, nous avons cette complémentarité et des automatismes propres aux jumeaux. En complément, l’analyse des matchs, la connaissance des règles de jeu et leurs interprétations ainsi que la communication avec les joueurs, restent les éléments indispensables pour être des bons arbitres.
ÉDUQUER POUR APAISER LE CLIMAT
La critique des performances arbitrales est un mal qui a tendance à écorner l’image de certains sports et surtout qui stigmatise de façon très négative la fonction d’arbitre. C’est un mal qu’il faut essayer de guérir dès le plus jeune âge. Ça doit passer par de l’éducation, par exemple avec les journées de l’arbitrage avec La Poste où les joueurs notamment se mettent à la place des arbitres ce qui leur permet de mieux appréhender notre rôle.
Entre tous les acteurs du jeu, il y a un point commun, c’est l’amour de notre sport. Ce qu’il manque parfois est la connaissance de l’autre. Il faut communiquer, échanger et créer du lien.
Les parents aussi ont un rôle à jouer, en donnant le bon exemple, c’est tout simple et tout bête et pourtant, on entend des parents insulter les arbitres qui ont l’âge de leurs enfants.
Le handball est moins touché, mais nous parlons du sport en général.
Pour terminer il est important d’évoquer cette chance que nous avons d’être jumelles et de partager cette passion commune.
Nous en parlions un peu avant, mais c’est vrai que nous sommes un binôme depuis le plus jeune âge, et pas seulement pour arbitrer du hand. Cette carrière, toute seule, ce n’est pas sûr que nous l’aurions fait. Cela demande beaucoup de sacrifices, il y a énormément de déplacements, parfois pour plusieurs semaines loin de la maison et le fait d’être avec sa sœur jumelle est un plus indéniable pour bien le vivre. C’est notre avantage, nous avons un bout de la famille avec nous tout le temps.
CHARLOTTE & JULIE