HADRIEN « DUKE » FORESTIER : PÉNIBILITÉ ET COMPÉTENCES SOCIALES SONT LES BASES D’UN BON COACH

Après nous avoir raconté son parcours et sa prise de risque pour travailler dans l’esport, Duke revient sur les composantes essentielles du métier de coach sur League Of Legends : expérience de la pénibilité et compétences sociales. Deux qualités qui ne sont pas les maîtres mots des joueurs selon Duke.
Duke LoL

Hadrien “Duke” Forestier – Coach

League Of Legends : #Splyce #Ancien PSG eSports #O’Gaming

Les progamers ont beau être le coeur de l’eSport , ils ne sont pas les seuls à faire rayonner nos disciplines préférées. Plongez dans les coulisses du sport électronique professionnel en découvrant les histoires de dirigeants, de coachs, du staff médical, des fans…

Après nous avoir raconté son parcours et sa prise de risque pour travailler dans l’esport, Duke revient sur les composantes essentielles du métier de coach sur League Of Legends : expérience de la pénibilité et compétences sociales. Deux qualités qui ne sont pas les maîtres mots des joueurs selon Duke. (Crédit Photos : Riot Games).

Si je devais résumer le métier de coach en une phrase ?

Faire accepter aux joueurs les changements qu’ils doivent faire sur eux-mêmes et sur leur jeu.

Quoi de mieux alors qu’un ancien joueur pour faire passer ce message ? Je ne vais pas me faire que des amis, mais je pense que cette affirmation est fausse. Pour moi, les joueurs manquent d’une qualité indispensable : la résistance face à l’effort.

On pourrait me dire qu’ils travaillent énormément sur le jeu pendant des milliers d’heures. Mais ce n’est absolument pas la même chose de passer tout son temps sur son activité préférée que dans un métier plus classique où la pénibilité entre en compte beaucoup plus rapidement.

Lorsque mes joueurs sont sur le jeu, aucun problème. Dès qu’on commence à regarder des démos, ça commence à être compliqué pour certains. Mais une fois qu’on arrive dans des missions annexes éloignées de la pratique pure de LoL, aussi bien des activités de tous les jours que sur des discussions de sujets extérieurs, il ne reste plus grand monde !

Il n’y a pas d’excellence sans effort, et il faut parfois réussir à sortir en dehors de sa zone de confort. En tant que coach, même si on travaille sur le jeu, on n’est pas dans le divertissement que l’on peut ressentir quand on joue. Il faut parfois s’astreindre à une discipline et être aussi capable de pousser des joueurs souvent jeunes dans leurs retranchements, ce qui est difficile si on n’a jamais été réellement bousculé par le passé.

 

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LES ANCIENS JOUEURS POSSÈDENT RAREMENT TOUTES LES CLÉS POUR ÊTRE DE BONS COACHS

L’autre gros problème vient du fait que les joueurs manquent en général d’expérience relationnelle et personnelle. L’esport a certainement développé des compétences sociales pour certains d’entre eux, mais tout le monde ne va pas devenir un leader.

Être coach, c’est avant tout être responsable envers les autres et être un exemple. Il faut être capable de faire le lien avec des expériences passées sur lesquelles on peut s’appuyer pour montrer un exemple parfois différent aux joueurs, et être en mesure d’assumer une nouvelle responsabilité à laquelle le métier de joueur ne prépare pas.

L’analogie avec le football est souvent compliquée, mais utile pour trouver des solutions à ces problèmes. Si niveau pénibilité l’esport ne sera jamais équivalent (ne comparez jamais un footing le matin sous la pluie au fait de se lever pour lancer son PC et une SoloQ), on peut espérer le développement de structures plus en amont qui seraient capables de former les joueurs à tout point de vue, aussi bien en tant que personne qu’en tant que joueur.

Les footballeurs en devenir sont en club depuis leur enfance, voient les plus anciens travailler et finalement répètent presque machinalement ce processus. C’est plus compliqué pour un jeune de 17 ans qui est sorti littéralement de sa chambre pour intégrer une équipe sur LoL et d’avoir ce bagage relationnel et professionnel. Mon constat n’est donc pas définitif, il pourrait changer le jour où nous encadrerons la pratique de l’esport amateur.

Pourtant ça n’empêche pas que de nombreux coachs sur LoL soient d’anciens joueurs. La raison est simple : l’avantage de connaître le jeu et d’avoir une vision de celui-ci parfaitement adaptée à cet environnement compétitif.

Pour quelqu’un de l’extérieur comme moi, il faut donc franchir cette sorte de barrière à l’entrée. Une fois que c’est fait, tu franchis un cap que les joueurs ne combleront jamais, car même si certains ont de la personnalité, ils ne pourront jamais rattraper une expérience de vie académique et professionnelle.

Acquérir le savoir nécessaire sur LoL pour être au niveau de tes joueurs est la première étape, il faut ensuite réussir à te faire respecter puis à avoir une influence positive sur eux via la didactique.

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UN STYLE DE COACHING DIRECT ET VARIÉ

Même s’il est difficile de savoir ce qui me différencie des autres coachs tant que je n’ai pas travaillé avec eux, les joueurs me rapportent que j’ai un style assez technique ce qui est particulier pour quelqu’un d’externe comme moi. Je pense avoir croisé l’approche empirique de Yellowstar au PSG et la vision très théorique de Peter Dun chez Splyce avec mes capacités d’analyses que j’ai travaillées durant tout mon parcours scolaire et professionnel.

Je suis assez direct avec mes joueurs notamment dans la relation humaine que je peux entretenir avec eux. Pour moi il est important de ne pas tourner autour du pot et c’est pour ça que je privilégie les entretiens individuels pour se dire vraiment les choses.

Mais avec une telle approche, il ne faut pas te tromper sinon tu pourrais perdre l’adhésion de tes joueurs.

Pour me faire comprendre, j’essaie toujours de me mettre à leur place afin d’appréhender leur point de vue du moment. Leurs erreurs sont rarement dans une exécution technique, il faut donc arriver à savoir pourquoi son joueur a fait telle action pour déconstruire sa propre réflexion afin de lui proposer les clés pour qu’il débouche de lui-même sur une solution satisfaisante.

Il y a plein de mauvaise façon de coacher : certains vont uniquement pointer l’erreur ou d’autres vont indiquer l’action qu’il fallait faire. Mais il est essentiel pour un coach d’amener le joueur à réfléchir dans le détail pour reconstruire toute l’action étudiée et lui ouvrir toutes les possibilités stratégiques. Il faut aussi être ouvert à la parole du joueur et à sa contradiction, mais toujours en le poussant vers un raisonnement de sa part derrière.

J’insiste sur un autre point essentiel. Même si je m’entends très bien avec mes joueurs, je ne suis pas là pour être leur pote. Ce lien hiérarchique est essentiel, mais aussi naturel, car nous avons un petit décalage d’âge. En tant que coach je dois montrer l’exemple en termes de mentalité, de motivation, de façon d’être.

Les joueurs doivent pouvoir compter sur toi, et surtout me faire confiance.

« Mon métier, c’est de vous faire sentir comme un groupe, mais surtout que vous soyez des hommes à la fin de l’année » fut la première phrase que j’ai prononcée à tous mes joueurs.

S’améliorer en tant que personne doit faire partie des objectifs d’un joueur de LoL, peut-être plus que dans d’autres esport. C’est un jeu ou le skill individuel n’est pas aussi important que sur CS GO ou du Versus Fighting, mais il est centré sur la stratégie et la communication avec ses coéquipiers.

C’est aussi pour cela que je suis direct et un peu dur avec eux, car sans difficulté ni confrontation, on ne peut pas devenir adulte.

Je dois aussi m’améliorer moi-même dans mon approche du coaching notamment sur l’analyse de certaines lanes qui sont plutôt l’apanage des anciens joueurs.

Il me manque aussi cette expérience « on stage » pour découvrir cette pression ultime et voir si je peux bien y résister. Un poste d’Head Coach serait ainsi une nouvelle dimension pour moi.

DUKE

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