LUCIE BELBEOCH: TOUTES VOILES DEHORS VERS TOKYO

La planche à voile apparaît comme une discipline méconnue par la plupart des aficionados du sport alors que la France occupe une place de choix sur l’échiquier mondial. Lucie Belbeoch, brillante étudiante à l’ESCP mais surtout athlète de haut-niveau, nous fait découvrir son sport de prédilection ainsi que ses objectifs olympiques. 
Lucie Belbeoch
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

La planche à voile apparaît comme une discipline méconnue par la plupart des aficionados du sport alors que la France occupe une place de choix sur l’échiquier mondial. Lucie Belbeoch, brillante étudiante à l’ESCP mais surtout athlète de haut-niveau, nous fait découvrir son sport de prédilection ainsi que ses objectifs olympiques. 

C’est sous l’influence de mon frère que j’ai commencé la planche à voile, à l’âge de 11 ans au club des Crocodiles de l’Elorn à Brest. Au départ, l’idée était de commencer en loisir afin de découvrir le support, puis j’ai rapidement bifurqué sur de la compétition départementale.

Je me suis essayée à différents sports avant de me dévouer à la planche à voile. J’ai commencé par de la gymnastique, puis de la natation, de la danse, de la natation synchronisée et de l’escrime, mais l’appel de la mer était trop fort.

Mon club était clairement orienté vers la compétition, avec deux médaillés olympiques en planche à voile : Franck David (1992, JO de Barcelone) et Faustine Merret (2004, JO d’Athènes). Les entraîneurs m’ont donc poussé rapidement vers du haut-niveau notamment en me dirigeant vers un lycée sport étude. C’est clairement à ce moment-là que ma carrière a débuté.

Ce qui me plaît dans cette discipline, c’est tout d’abord les sensations de glisse et de vitesse. Aussi, c’est un sport en extérieur, je suis dépendante des conditions et je dois constamment m’adapter et jouer avec cela. Chaque entraînement est différent. On regarde forcément avec admiration les figures phares de notre sport et au départ, c’est Faustine Merret qui m’a inspiré : même club, même passion, même motivation.

Au début, je m’entraînais les mercredis et samedi après-midi. Puis en sport étude, quand je suis passée sur la planche à voile olympique, la RSX, la cadence s’est accélérée avec les vendredis après-midi en supplément. Aujourd’hui je m’entraîne sur l’eau, du mercredi au dimanche. La préparation physique quant à elle est quotidienne. Au niveau du physique, le véliplanchiste doit être complet. La préparation se résume à de la musculation avec beaucoup de travail en instabilité, dynamisme et poids de corps. S’y ajoute du rameur, les séances les plus horribles … ainsi que du vélo de route et de la course à pied.

CONCILIER MES ÉTUDES ET MON STATUT D’ATHLÈTE DE HAUT-NIVEAU

La planche à voile est olympique, mais n’est pas très médiatisée. En France, il est quasiment impossible d’en vivre. Les sponsors se font rares et les retombées médiatiques sont plutôt faibles pour le moment. C’est pourquoi j’ai choisi de poursuivre mes études. J’ai obtenu une licence d’économie et gestion à l’Université de Bretagne Occidentale de Brest. Aujourd’hui je suis étudiante en master 1 à l’ESCP Europe à Paris. Au départ, au niveau professionnel je voulais m’écarter du milieu du sport. Puis je me suis rendue compte que tout m’y ramène … cela serait trop dur de lutter. J’envisage donc de travailler dans le marketing sportif. J’accorde autant d’importance aux études qu’au sport de haut-niveau.

Heureusement cela n’impacte pas mes performances. Tout est une question d’organisation. Je considère même cette année comme plutôt accomplie sportivement. Je termine 10ème du test event d’Aarhus au Danemark qui réunissait le gratin mondial. 10ème également à la finale de la Coupe du Monde à Santander en Espagne, 18ème au Championnat d’Europe à Marseille, 14ème à la Coupe du Monde à Hyères et 19ème à la Coupe du Monde à Miami.

En 2014 j’avais remporté le Championnat du Monde dans la catégorie BIC 293 Techno +. Ce titre m’a permis d’avoir une plus grande notoriété et plus de visibilité. Ce championnat s’est déroulé comme prévu ! Cela s’est passé à domicile pour moi, en rade de Brest, que je connais comme ma poche. De plus, j’avais clairement plus d’expérience que mes concurrentes, j’étais favorite.

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En voile l’ambiance est très détendue, cela n’empêche pas que ce soit la guerre sur l’eau. Il n’y a que 3 places sur un podium et un seul titre olympique.

Lors des périodes d’entraînement, les regroupements internationaux sont fréquents. La France est une nation forte en voile et plus particulièrement en planche à voile. Lors des JO de 2016 à Rio, Charline Picon remporte l’or et Pierre Le Coq le bronze. La Pologne et l’Israël sont également des nations sur lesquels il faut compter. Mais cela ne veut pas dire qu’il y a une vraie French Touch comme dans d’autres sports. Généralement, lorsqu’une technique fonctionne, cela se voit rapidement sur les compétitions, alors tout le monde se retrouve avec les mêmes techniques. Pour expliquer nos bonnes performances, je pense que c’est plutôt culturel, on voit des véliplanchistes sur toutes les côtes françaises et c’est même proposé comme épreuve en EPS au Baccalauréat.

TECHNIQUE, TACTIQUE ET MENTAL : LA TRINITÉ DU VÉLIPLANCHISTE

Pour atteindre l’excellence, le véliplanchiste doit être polyvalent. En effet, nous sommes dépendants des conditions météorologiques, c’est un facteur que nous ne contrôlons pas et il faut pouvoir y faire face sereinement. Cela implique beaucoup d’entraînements afin d’acquérir toutes les techniques dans toutes les conditions (vent, mer, etc). Aussi, nous devons avoir de solides connaissances en météo (courants, nuages, effets de site, évolution du vent). La tactique et la stratégie font partie des facteurs clefs de succès. Physiquement, le véliplanchiste doit être très endurant, puissant et explosif.

L’aspect mental est indissociable de la performance, il faut bien se connaître, gérer la pression, le stress et savoir gagner ! C’est un travail à long terme, qui me sert dans la vie de tous les jours. Cela fait plusieurs années que je travaille avec une préparatrice mentale, cela est très enrichissant, mais c’est certainement le travail le plus difficile.

Les compétitions de planche à voile se déroulent sur plusieurs jours. Le classement se fait par points, la première marque un point, la deuxième deux points, ainsi de suite. Celle qui détient le moins de points remporte la compétition. Les 2 premiers jours sont consacrés à la phase de qualification. Au terme de cette phase, un classement est réalisé, la première moitié se retrouve en « poule or » et la seconde en « poule argent ». Les 2 jours qui suivent sont donc pour les phases finales. A ce terme, les 10 premières se retrouvent le dernier jour sur une ultime course la « medal race » cette course vaut « double », c’est-à-dire que le classement peut être chamboulé au dernier moment ! Le classement final peut alors être annoncé. Cependant la classe RSX essaye, depuis quelques mois, de nouveaux formats de medal race afin de la rendre plus compréhensible pour le grand public et plus spectaculaire.

Il existe de nombreux paramètres à prendre en compte avant une compétition. Tout d’abord nous étudions la cartographie du plan d’eau. Nous regardons s’il y a des montagnes, des îles, puis nous nous intéressons aux courants, températures de l’eau, de l’air … Et enfin nous analysons les relevés météo. Ainsi nous pouvons nous préparer aux diverses conditions. Cela peut être sur le choix du matériel, plus ou moins rigide par exemple, sur une perte ou prise de poids légère, des réglages de straps ou de lattes. Je débute ce travail seule puis je confronte mes recherches avec celles de mon entraîneur. Mon entraîneur étant plus expérimenté, j’incorpore rapidement ses observations qui sont quasiment toujours véridiques (la météo reste toujours incertaine cependant). Je suis de caractère plutôt têtu, mais quand l’évidence est là, il n’y a pas à discuter. Il est important que je réalise ce travail au préalable afin de modéliser le plan d’eau dans mon esprit, et ainsi pouvoir comprendre plus rapidement des événements météorologiques lors des compétitions.

Dans la foulée je mets en place plusieurs tactiques avec mon entraîneur, cela peut relever de l’aspect mental ou de la performance. Avant chaque compétition nous désignons les objectifs de travail et de résultats.

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J’ai plutôt une bonne analyse stratégique des plans d’eau. Je ressens plutôt bien les variations du vent. Cela me permet de me sortir de certaines situations compliquées. Mais mes principales qualités sont ma rigueur dans mon projet et ma persévérance. L’un de mes principaux axes de travail est ma technique sur les plans d’eau houleux et le vent fort. Je me rappelle le premier jour du Championnat d’Europe 2017 à Marseille en mai dernier … Ce fut une catastrophe ! Le Mistral a fait une entrée fracassante et je n’ai pas survécu. Je n’ai pas réussi à rattraper mon retard les jours suivants. Malheureusement, l’hiver précédent, je n’ai pas pu bénéficier d’entraînements dans de telles conditions. Ce n’est pas faute de m’être délocalisée à Marseille ! Je ne peux pas tout maîtriser. Maintenant, dès que je vois des conditions musclées annoncées dans le sud de la France, j’y vais. Ainsi je suis comblée en termes de vagues, de clapot, de houle et de vent fort.

OBJECTIFS TOKYO ET PARIS

En catégorie jeunes (moins de 18 ans), j’ai rapidement progressé pour terminer dans le top 6 européen. Mon passage en catégorie senior a été plus difficile, car je me suis retrouvée confrontée à des véliplanchistes plus qu’expérimentées, dont des médaillés olympiques ! Je manquais beaucoup d’expérience. La transition a donc été plutôt difficile, mais avec du travail j’ai réussi cette saison à atteindre 2 fois le top 10 mondial. Cette montée en gamme s’est faite grâce à un important volume de compétitions internationales afin de me confronter aux meilleures mondiales. J’ai ainsi pu m’inspirer de leurs techniques pour progresser. Aussi, afin d’améliorer ma polyvalence je me suis beaucoup déplacée afin de naviguer sur un maximum de plans d’eau différents. Cela a été radical sur ma progression. J’ai donc passé beaucoup de temps dans les transports et en logistique, cela a été plutôt fatiguant, mais je n’ai pas perdu de vu mon objectif. Je me suis donc organisée pour optimiser au maximum mes transports. Pas une de minute de perdue, j’étais toujours armée de mes bouquins d’école.

Actuellement je fais partie du groupe « Avenir Olympique ». Nous sommes aujourd’hui 3 jeunes femmes âgées de 20 à 22 ans à fort potentiel pour représenter la France aux JO de Tokyo 2020. Nous ne sommes pas encore en équipe de France, mais nous nous en approchons. Faire partie de ce groupe m’apporte un soutien non négligeable de la fédération française de voile. En effet, je bénéficie d’un entraîneur national, d’un zodiac, d’un suivi sur les entraînements et les régates, de quelques aides financières. Je suis invitée également sur de nombreuses actions d’entraînements et de régates afin de progresser plus rapidement.

En 2024 j’aurai 29 ans, c’est à peu près l’âge de la maturité sportive en voile. J’y pense donc forcément, d’autant plus que ces Jeux auront lieu en France, à Marseille pour la voile.

LUCIE

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