Présent sur le Tour de France, Victor Lafay a été contraint à l’abandon lors de la 13e étape, malade. (Crédit : Mathilde l’Azou)
Après une saison 2022 convaincante, Victor Lafay revient sur ses débuts, son premier Grand Tour, jusqu’à aujourd’hui et ses derniers résultats. Entretien avec le coureur de 26 ans, membre fort de la formation Cofidis.
J’ai commencé à m’intéresser au cyclisme assez tard lors de mes années juniors. Je suis sacré champion de France espoirs en 2017, au milieu d’une belle génération. Benoît Cosnefroy sur le podium, a un an de plus que moi. David Gaudu, Valentin Madouas et mon coéquipier Rémy Rochas ont le même âge que moi, je les connais depuis les courses juniors, on se « tirait déjà la bourre » à cette époque.
Déjà en espoirs, le niveau était élevé en France. Lors des briefings, on retenait le nom de certains comme Cosnefroy par exemple, mais il fallait toujours garder d’autres noms en tête. Dans ces catégories, c’est attaque sur attaque très rapidement dans la course.
En juniors, je me souviens que je n’étais pas très bon. Je courais n’importe comment, j’attaquais tout le temps et quand arrivait le moment clé de la course, je n’avais plus les jambes pour suivre les « meilleurs », qui savaient quand mettre la bonne attaque.
Les premières courses de Victor Lafay
La Polynormande est ma première course en professionnels, en août 2018. Mais j’ai beaucoup plus de souvenirs du Tour du Limousin, qui se déroulait la semaine suivante. Mon coéquipier de l’époque Nicolas Edet porte le maillot de leader, et en tant qu’équipier, je roule en tête de peloton pour conserver le maillot.
La principale différence entre les courses juniors et les courses chez les pros réside dans la longueur de la course. Et ce même si le rythme des courses pros évolue ces dernières années. On est quelque peu sorti du créneau « rouleur compresseur qui domine toute l’étape et se décante sur la fin ». C’est une bonne chose, cela permet des courses plus débridées. Et cela nous pousse à élaborer de vraies stratégies pour espérer l’emporter et surprendre les autres.
La Vuelta 2020, premier grand tour
Pendant ces trois semaines, je n’ai jamais retenu mes efforts, même si certains jours, je gérais. J’y étais en tant qu’équipier de Guillaume (Martin). Pour certaines étapes, je me donnais à fond en allant dans l’échappée ou en protégeant au mieux Guillaume.
Je pouvais récupérer davantage lors des étapes plates de sprint ou lors de certaines étapes, où je me laissais décrocher, étant fatigué, pour finir avec le gruppetto. La gestion est vraiment importante sur les courses de trois semaines.
Le Giro 2021, première victoire en professionnels pour Victor Lafay
En 2021, je remporte ma première victoire en professionnels lors du Tour d’Italie. Je gagne en solitaire, mes jambes brûlaient dans la dernière montée. Mais j’étais dans une très bonne journée, je me sentais de mieux en mieux au fil de l’étape. J’ai presque dû me retenir pour ne pas trop montrer mon envie pendant l’étape et me freiner. Dans les 10-20 derniers kilomètre, je comprends que je suis le plus fort du groupe, mais j’avais la crainte d’adversaires qui pouvaient cacher leur jeu. J’avais en tête de bien gérer pour ne pas avoir de crampes. Dans les derniers kilomètres, l’adrénaline est à bloc. En passant la ligne lors de cette 8e étape, je n’y croyais pas !
Physiquement, cette victoire ne m’a rien apporté de particulier. Mais j’ai eu un gros boost au niveau de la confiance, qu’elle soit personnelle ou de la part de l’équipe. Le regard du peloton a également changé. Ça apporte aussi de la pression, les attentes sont plus nombreuses. L’obligation du résultat est plus présente. Tout donner au risque de tout perdre, ce n’est plus une option pour moi. Je dois gérer bien davantage, pour rapporter de bons résultats à l’équipe.
Équipier vs leader
Tout dépend de qui est sur la course. J’aime bien être leader, mais revenir au rôle d’équipier, me sacrifier pour un leader costaud ne me dérange pas du tout, je le fais avec plaisir. Quand je sens qu’un de mes coéquipiers peut gagner, ça donne une motivation supplémentaire pour se surpasser en tant qu’équipier.
Artic Race of Norway, une course « qui me convient bien »
Ce type de course colle parfaitement à mon profil de coureur, puncheur. De nombreuses courses italiennes sont sur le même profil, et elles me conviennent aussi très bien. Souvent, j’entends dire que j’aime bien l’Italie, mais ce sont surtout les courses me convenant qui me plaisent.
2022, une année régulière
Sur le Dauphiné (NDRL : il finit 3e de la 3e étape), j’ai tout donné, sans forcément regarder à côté. Quand je vois la victoire en ligne de mire, je me mets à bloc et je regarde après. Le niveau était très élevé sur cette course.
Après le Tour de France, j’ai appris que j’avais contracté le Covid. Au moment de mon abandon (NDRL : lors de la 13e étape), cela faisait plus d’une semaine que j’essayais de continuer coite que coute. Je m’enfonçais au fil des jours. L’abandon n’a pas été un choix, je n’arrivais tout simplement plus à pédaler. J’ai DÛ abandonner.
Le Tour de France, pour n’importe quel cycliste, c’est particulier.
Flèche Wallonne, une victoire de rêve pour Victor Lafay
La course qui me fait le plus rêver et où j’ai le plus de chance de gagner, c’est la Flèche Wallonne. Cette année, je finis 22e alors que je craque aux 300 mètres. J’avais sans doute les moyens de mieux faire. Une étape du Tour de France est peut-être plus « simple » pour moi à remporter, et cette éventualité me fait tout autant rêver.
Ce n’est pas simple de trouver trois mots pour me décrire, mais je dirais à l’instinct, par rapport à comment je suis sur le vélo. Je suis également plus patient, en particulier par rapport à mes années juniors. Et puis je dirais puncheur, car ce sont vraiment mes types d’efforts. Ces derniers sont vraiment particuliers, il faut aimer l’acide lactique et avoir mal aux cuisses (rires).
Victor Lafay et le cyclisme
Je n’ai jamais vraiment eu d’idole dans le cyclisme. Mais j’ai toujours aimé le coup de pédale en montagne de Thibault Pinot. Et en dehors du cyclisme, des sportifs comme Martin Fourcade inspirent toujours le respect.
Je m’entends bien avec tous mes coéquipiers, surtout ceux de mon âge. Dans les moments tranquilles d’une course, je cherche plutôt à discuter avec les coureurs des autres équipes, plutôt que de rester juste avec mes coéquipiers de la Cofidis. J’ai aussi développé de bonnes amitiés avec certains coureurs qui habitent autour de chez moi. De nombreux membres d’AG2R-Citroën vivent sur Aix-Les-Bains, nous nous entraînons parfois ensemble et on se voit surtout sur les courses.
Plus les années passent, plus j’essaye d’être professionnel. Penser vélo, c’est aussi faire attention à ce que je mange, comment je dors. Mais j’arrive très bien à déconnecter, à me projeter dans d’autres projets. Je garde toujours la réflexion de savoir si c’est bon pour le vélo.
Quand on veut réussir à haut niveau, il faut forcément s’astreindre à des règles sérieuses. C’est incompatible d’aller faire un foot avec des copains ou une randonnée pendant la saison. Le métier de coureur cycliste ne se résume pas juste à participer des courses. Je trouve des occupations qui me permettent de me reposer physiquement tout en ne m’éloignant pas des préoccupations vis-à-vis de mon métier.