Le XCSS Climate can’t wait se déroulera dans le Sahara marocain. Sa fondatrice Estelle Peyen évoque cette épreuve, dont Sans Filtre est partenaire. Le réchauffement climatique et un enjeu crucial dans nos sociétés et cette épreuve a pour but de sensibiliser à ces enjeux, a comment les populations locales évoluent dans ces conditions extrêmes, qui pourraient être notre réalité de demain, si les choses ne changent pas !
Crédit : DR
ON RAISONNE TROP AVEC DES ASPECTS SCIENTIFIQUES
De par ma profession actuelle de nutritionniste et de par ma philosophie, je m’intéresse à ce qu’on puisse manger des choses saines pour le corps et en faisant attention à ce qui va être cultivé, pour que ce soit source de moins de pollution possible. Quand on s’intéresse à ce qu’on mange, on s’intéresse à l’environnement et aux circuits de distribution. Je fais du sport et j’aime courir et marcher en pleine nature. En réunissant les deux, j’ai eu un vrai intérêt pour l’environnement.
Je ne suis pas sans savoir qu’il y a des problématiques climatiques. Cette belle nature qu’on aime et cet aliment qu’on consomme, on peut ne plus le cultiver comme on veut. Avant d’imaginer ce projet, j’ai regardé un peu ce qui se faisait et les différentes émissions. Beaucoup de choses sont faîtes pour éduquer et sensibiliser les gens. C’est bien, mais je trouve qu’on raisonne souvent avec des aspects scientifiques. Ils sont nécessaires, pour avoir des données tangibles sur l’impact de ce changement, sur nos vies et sur les populations. Mais si on n’a que ce discours, on ne peut pas s’adresser à tous les publics. Qui ne sont pas tous sensibles à ça.
LE SKI DE FOND : MENACE PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
J’évolue dans le sport et je me rends compte que, dès qu’il y a un évènement sportif ou un ambassadeur sportif, il (elle) est suivi. Le sport est un vecteur moteur et motivant, sur lequel on peut capitaliser pour parler d’une cause. Je me suis demandé comment je pouvais associer nature et sport. J’ai imaginé des disciplines qui peuvent se faire dehors, comme la course à pied qui est à la portée du plus grand nombre. Mais il y a pas mal d’évènements qui se font en pleine nature. Si je voulais sortir du lot, il fallait que je combine à une autre discpline.
On a choisi le ski de fond. Quoi de mieux que de montrer une discipline qui se fait normalement sur la neige et qui peut se retrouver menacé par le changement climatique. Des compétitions sont mis à mal à cause du manque d’enneigement. Demain, on sera peut être obligé de pratiquer le ski de fond sur du sable, car nous aurons plus assez de neige
COMMENT FONT LES POPULATIONS CONFRONTEES TOUS LES JOURS A LA CHALEUR ?
Il y a une prise de conscience des sportifs sur manger le plus naturellement possible. C’est bon de cuisiner des denrées naturelles, locales et de saison. Cela permet aussi d’avoir une éducation pour ses enfants. Il faut aimer s’alimenter. Cette dimension est de plus en plus importante. Certains commencent à se poser la question sur des enjeux de climat. Mais ce ne sont pas encore des mots que j’entends encore énormément, contrairement au concept de manger bon et de faire le marché.
On a choisi le désert du Sahara pour notre épreuve, car il y fait chaud. J’ai lu une étude qui dit que d’ici 2070, 3,5 milliards de personnes vont vivre dans des températures telles que celles du Sahara. Quand on a une canicule à Paris, tout le monde a du mal. On peut se demander comment font les populations confrontés tous les jours à cette chaleur et aussi des difficultés d’accès à l’eau et d’agriculture, pour les populations du désert. Cela m’a interpellé et je me suis penché sur le mode de vie de ces populations qui peuvent nous apprendre des choses. Je suis partie de là.
LE XCSS CLIMATE CAN’T WAIT N’EST PAS UNE COURSE MAIS UN ENGAGMENT
En pensant à tout cela, le marathon des sables revient tout de suite à l’esprit. En réfléchissant sur la première destination à aller, on a pensé tout de suite à l’Afrique, qui est aussi une destination à la portée de tout le monde. On a voulu privilégier un pays francophone. J’ai commencé à discuter avec Lahcen Ahansal qui est multiple vainqueur du marathon des sables et qui également interpellé par ce changement climatique, car il voit des évolutions dans sa région. Le choix du Sahara marocain est apparu comme une évidence.
Le XCSS Climate Can’t Wait n’est pas une course mais un engagement. Le mot course est trop associé au fait d’arriver premier et au chrono. Nous, la performance physique n’est pas ce qu’on va mettre en avant. Même si tu n’es pas sportif de haut niveau, tu peux participer. On veut valoriser le niveau d’engagement par rapport au projet et la cause climatique. Le chrono aura un coefficient secondaire dans “la note finale”. Ceux qui “gagneront” seront ceux qui auront proposé les meilleures solutions pour lutter contre le changement climatique.
ON VEUT QUE VOUS VOUS INTERESSIEZ AUX COMMUNAUTES
Le XCSS Climate Can’t Wait veut que les participants soient actifs ! A partir du moment où tu es inscris, qu’est ce que tu vas mettre en place dès aujourd’hui, par rapport au projet et dans ton quotidien. Je prends toujours l’exemple du chef d’entreprise qui enlève les distributeurs de café, gourmandes en gobelets jetables, pour la remplacer par une machine ou chacun vient avec son mug ! Pourquoi pas installer une sorte de cuisine ou chacun peut faire quelque chose de maison, plutôt que de ramener des produits emballés. Un sportif de haut niveau peut essayer de mettre la pression sur ses sponsors pour qu’ils proposent des équipements éco-responsables. Les pistes sont presque infinies.
Une fois sur place et durant la semaine de l’épreuve, on veut que vous vous intéressiez aux communautés, discuter avec elles et à l’écosystème dans lequel vous avez évolué. On ne veut pas que vous veniez juste pour faire l’aller-retour et faire sa performance. On propose quelque chose d’inédit avec le ski de fond et la course à pied. Il faut que vous envisagiez le rapport avec la nature. Une fois la ligne d’arrivée franchie, ce sont des choses dont vous devez réfléchir. Nous allons sans doute passer par des oasis asséchés pour que cela percute les gens qui vont nous rendre des solutions. Le barème n’est pas encore défini totalement. Il peut être avec la faisabilité à court-terme, investissement pour le mettre en œuvre. Les partenaires présent vont aussi aider à la mise en œuvre de ces solutions.
METTRE A CONTRIBUTION DES ARTISANS LOCAUX
On veut pouvoir chiffrer l’emprunte carbone du projet et être transparents. Nous seront suivis pour la minimiser. Il n’y aura que des denrées locales, qui sont digestes pour un sportif et on dormira sous des tentes. On veut voir avec un équipementier pour fournir des gourdes, pour éviter les bouteilles en plastiques. Il y aura des points de ravitaillement en eau. Il n’y aura pas de choses climatisées. S’il faut mutualiser les transports, nous le ferons. Lahcen est un natif de Zagora et connaît pas mal de gens. Nous mettrons sans doute à contribution des artisans locaux qui nous aideront dans le projet.
Nous travaillons pour développer le partenariat. On est une douzaine dans l’équipe, dont le projet interpelle et qui sont prêts à mettre la main à la patte. Ils peuvent avoir diverses connexions utiles. Teten Prod est là pour la réalisation des images. Green Leaf dirigée par François-Xavier Nottin qui travaille autour du chanvre alimentaire et qui nous recommande auprès du “1% pour la planète” et qui s’est engagé à nous reverser ses dons. On avance progressivement car on existe depuis le 23 octobre. Atudar ONG, association tunisienne, est ancré dans le développement agricole durable et rural. Son président soutient notre projet et voudrait relayer les informations. Cela se met en place doucement et c’est plutôt positif.
LE XCSS CLIMATE CAN’T WAIT VEUT ETABLIR DES PASSERELLES QUI PERDURENT
Le XCSS Climate Can’t Wait se veut comme une plateforme qui donne de la visibilité à ces populations et à d’autres cor de métier comme des agronomes/agriculteurs/Architectes qui peuvent établir des connexions avec des ingénieurs ou des universitaires, qu’ils soient de France, du Maroc ou d’ailleurs. La sociologie, l’anthropologie est également très importante. On commence à démarcher sur les aspects scientifiques et de la physiologie humaine. Ce sera intéressant de voir comment évoluent les constantes biologiques de gens qui ne sont pas natifs et habitués du désert, par rapport aux autochtones. Il y aura des études, des échanges aussi.
Nous ferons l’édition suivante dans un autre désert. Le but étant d’établir des passerelles qui perdurent. L’idée est d’apprendre grâce au peuple du désert, de leur mode de vie et leur résilience, en passant par leur connexion à la nature. Pour que nos sociétés urbaines puissent faire face aux changement climatique. Qui se fera sur plusieurs années
TROP D’ALARMISME PEUT PARALYSER ET PLONGER DANS LE DENI
Je suis réaliste et je ne crois pas qu’on puisse renverser le processus de réchauffement climatique. On peut amortir le choc. Mais ce n’est pas parce que les choses sont compliquées qu’il ne faut pas y aller. On va au charbon. Quand les sportifs s’entraînent pour des compétitions, où des gens qui grimpent sur l’Everest, en sachant qu’ils risquent leur vie, c’est terrible et compliqué. Pour autant, ils y vont ! C’est notre cas à nous, on sait que ce sera difficile, mais on s’y prépare et on y va. On se veut motivant, passer le stade de l’alarmisme qui peut paralyser certaines personnes et les plonger dans le déni.
Quand on montre un portrait trop catastrophisme, les gens peuvent avoir le réflexe de se dire : “Oh c’est demain ! Profitons de la vie et abusons et demain sera demain”. Et ce n’est pas ce que l’on veut. Après, il ne faut pas se voiler la face ! La meilleure copie qu’on peut rendre c’est du +2 degrés. Il faut donner du courage aux gens et leur dire que c’est possible ! Demain ce sera dur de vivre dans certaines températures, mais des personnes vivent déjà comme ça.
CHANGER LES MENTALITES DES LE PLUS JEUNE AGE
Je n’ai pas prétention d’être une experte climat. Mais je ne crois pas que ce qu’on met en place est suffisant puisque la planète continue de se réchauffer. La courbe de croissance des gaz à effet de serre n’est pas à la baisse. Les COP n’aboutissent pas à de vrais progrès. Les réunions ont lieue mais on ne sait pas si c’est suivi des faits. Peut-être que les choses faîtes ne parlent pas au plus grand nombre. Tout ce qu’il y a faire, faisons le. Actuellement on est aussi beaucoup trop dans la compensation carbone. On va polluer puis dire : j’améliore ma copie en compensant à côté. J’ai envie de dire : “évite d’émettre le plus possible, plutôt que de raisonner en compensation”.
Je discute avec les jeunes, ou mes neveux. Ils ne sont pas sensibilisés de façon systématique à ce problème à l’école. Si on veux changer les mentalités, cela doit se faire dès le plus jeune âge. Mais de plus en plus de parcours scolaire vont inclure des parcours de transition écologique et ça c’est bien. Mais cela doit se faire de plus en plus jeune, les futurs managers de demain doivent être sensibilisés et comprendre les enjeux, pour essayer de changer les choses. Cela demande aussi un contact à la nature. Est-ce qu’on incite à avoir un contact ? Quand j’étais petite, à l’école, il y avait des sorties dans les bois.
Là je m’interroge sur ce qu’on offre à la nature. Je suis une privilégie car mes parents avaient un jardin et cultivaient ! Cela m’interpellait de savoir comment s’appelait tel ou tel aliment. J’ai fait mes stages de diététique au R.U et je voyais des étudiants qui ne savaient pas faire la différence entre certains légumes. Le rapport à la nature doit de faire dans l’assiette.
ESTELLE PEYEN XCSS CLIMATE CAN’T WAIT
Avec Etienne GOURSAUD
Les contacter :