Paul-Henri de Le Rue – Snowboardeur, Conférencier
#Snowboardcross #Médaille de bronze JO 2006 #Médaille d’argent Coupe du Monde 2005, 2008 #Médaille de bronze Coupe du Monde 2005, 2010, 2011
Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Sensibilisé pendant sa carrière sur sa future reconversion, l’ancien champion de snowboardcross Paul-Henri de Le Rue nous raconte son après-carrière réussie où il aide les athlètes de haut-niveau à envisager un vrai futur professionnel. (Une : ©TEDxValenciennes-bylionelpiquard )
Je me souviens très bien de la fin de ma carrière. Nous étions au mois d’avril 2015, un an après ma 4ème place aux Jeux Olympiques de Sotchi.
J’étais très fatigué de ma saison et j’avais perdu ma motivation. Un ami de longue date est venu me voir et m’a demandé comment j’allais. Je lui ai dit que je mettais en place différents projets en vue de ma reconversion et que j’étais très excité. C’est comme ça que j’ai compris du jour au lendemain que j’avais beaucoup plus d’énergie à mettre dans mon futur professionnel que dans ma vie sportive.
Pourtant, j’avais prévu de rester athlète de haut-niveau jusqu’en 2018 pour les jeux de Corée du Sud mais finalement, j’en avais perdu l’envie. Après trois JO dont une médaille de bronze en 2006 et une quatrième place en 2014, j’avais le sentiment d’être accompli sportivement et d’avoir vécu ce que j’avais à vivre. Il fallait que je tourne la page, car j’avais besoin d’un nouveau défi.
UNE CARRIÈRE PLEINE DE PODIUMS, MAIS AUSSI DE BLESSURES
Les blessures ont d’ailleurs fait partie de ma carrière même si ce n’est pas la raison principale de ma retraite sportive. J’ai pu avoir une dizaine de fractures, j’ai connu un coma, des traumatismes crâniens et une hémorragie cérébrale. Je ne parle pas des petites blessures type talonnade, dislocation de l’épaule, des entorses multiples, tendinites et autres… Quand je me blessais, je me reconstruisais. Il fallait que j’amenuise mes peurs, que je les comprenne finement pour être capable de mieux les dépasser. Mais la blessure fait partie de l’aventure dans ces sports extrêmes. Quand tu te blesses, tu te répares et t’y retournes, ce n’est pas plus compliqué !
Pour preuve, lors de mon coma un mois avant les JO 2014, j’ai dit à mon docteur que dans un mois j’avais les Jeux. Il m’a répondu en rigolant que c’était impossible. La preuve que non, j’ai fini 4ème et failli être médaillé.
Je suis fier de ma carrière, car j’ai atteint six podiums en Coupe du Monde et j’ai obtenu une médaille olympique. Celle-ci aurait pu être en or, mais un espagnol a touché ma planche au mauvais endroit, au mauvais moment, et nous sommes tombés tous les deux. J’ai vécu une très belle aventure pendant des années avec mon frère Xavier.
J’ai commencé à penser à ma reconversion en 2010 quand je suis rentré à la SNCF en tant que chargé de communication. J’avais des missions extrêmement variées comme gérer l’intranet de la société notamment les news. J’ai également organisé de A à Z l’ascension du Mont-Blanc avec toute la candidature olympique d’Annecy 2018.Le but était de mettre en avant le partenariat entre SNCF et Annecy 2018. J’ai fait un tour de France où j’ai réalisé plein de vidéos officielles pour supporter tous les athlètes pour les JO de Londres. J’ai vraiment apprécié toutes ces missions variées. Et c’est justement en tant que cheminot que j’ai découvert le métier de conférencier.
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Depuis gamin, j’ai toujours aimé dépasser mes peurs, c’est vraiment mon leitmotiv. J’aime les sensations fortes. Par exemple, j’adore le trac juste avant de monter sur scène, mais aussi ce qu’il se passe avec le public. Il y a vraiment quelque chose de très puissant. En fait, dans mes conférences je donne les clés qui m’ont permises de construire la confiance en moi, nécessaire pour réaliser mes rêves de gosse et d’adulte.
Avec mes conférences, j’en suis arrivé à l’accompagnement de sportifs, de manager d’entreprises et d’équipes en entreprise. Le développement personnel et la communication sont des sujets qui me passionnent. Ils sont justement le fil rouge de ma nouvelle carrière.
PARTAGER, UNE SECONDE NATURE
C’est dans ce contexte que les deux anciens patrons de Somfy, Adeline Perrissin et Jean-Philippe Demaël, sont venus me voir en 2017 et m’ont proposé un projet. Leur constat était simple, le monde de l’entreprise et du sport ne se rencontrent pas suffisamment. Cela entraîne un double gâchis d’une part, tous les athlètes connaissent peu ou pas le monde de l’entreprise et d’autre part, ils ont du mal à se projeter ou à avoir une vision. C’est compliqué pour eux de mettre en place une reconversion professionnelle à la hauteur de leur potentiel ou de leurs aspirations.
Avec Adeline et Jean-Philippe, nous sommes vraiment convaincus que les athlètes sont des talents parce ce que depuis tout gamin, ils ont été habitués à se fixer des objectifs et à les atteindre. Ils ont un mental incroyable. Nous voyons les athlètes comme des diamants que l’on polit. Nous allons les accompagner pour identifier les repères les plus solides qu’ils ont en eux. Comprendre leurs points d’ancrage, leurs valeurs, leurs comportements et leurs besoins.
« Voilà qui je suis aujourd’hui et d’où je viens. Voilà ce qui est important pour moi, ce que j’adore et ce que je déteste ». C’est une base suffisante pour se dire « voilà la personne que je veux devenir dans 10 ans ou 20 ans ». Voilà leur fil conducteur.
Le fait de travailler sa vision permet également de saisir les opportunités. C’est-à-dire qu’une personne qui n’a pas de vision va choisir toutes les opportunités qui s’offrent à elle et elle va s’épuiser, car elle ne mettra pas toute son énergie dans une seule direction. Tandis que la personne qui a un vrai fil conducteur, c’est en général la personne qui arrive simplement à réaliser ses rêves parce qu’en fait, toutes ses actions iront dans la même direction, elles auront toutes un même sens.
Par exemple, nous avons Numa Besson, un hockeyeur qui joue aux Pionniers à Chamonix. Cela fait 3 mois qu’on travaille avec lui. Il n’avait pas spécialement de projets à moyen terme. Il a déjà fait un chemin incroyable : un projet immobilier bien ficelé à mettre en oeuvre dans les deux ans pour ensuite se lancer dans un autre gros projet dont je ne peux encore vous parler. Nous sommes justement à la recherche d’entreprises qui pourraient l’accompagner dans la suite de la faisabilité de son projet aux niveaux juridique, règlementaire, financier, etc.
LE RÉSEAU SPORTIF, UNE DES CLÉS DE LA RECONVERSION
Notre idée, c’est vraiment de tout mettre en place afin que l’athlète connaisse une reconversion à la hauteur de son potentiel et de ses aspirations. À côté de cela, il faut savoir que nous avons un réseau de dirigeants d’entreprises qui se réunit tous les deux mois autour des valeurs du sport. Je parlais tout à l’heure d’un côté du gâchis des athlètes qui ne réussissent pas leur reconversion. De l’autre côté, ce sont les entreprises qui passent à côté de talents issus du monde du sport et de son savoir-faire managérial du sport.
Car le sport, c’est purement de la gestion humaine et notamment de leurs émotions dans un environnement qui évolue constamment.
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Il faut sans cesse être à l’écoute de son environnement tout en restant fidèle à sa stratégie. Tous les deux mois, nous avons des soirées et c’est vraiment quelque chose qui fonctionne très bien. Nous avons par exemple, Renaud Longuevre qui est venu nous parler de la manière dont il a identifié Ladji Doucouré à l’âge de 11 ans et comment il l’a amené jusqu’au titre de champion du monde 15 ans plus tard. Le thème de cette conférence était intitulé « Comment identifier un talent et l’amener au maximum de son potentiel sans le cramer ». Ce sont plein de problématiques qui passionnent les dirigeants d’entreprises et c’est aussi l’occasion pour les sportifs de les côtoyer et d’assister à des conférences de très bonne qualité en toute convivialité.
Nous aidons des athlètes en début de carrière comme Hilary Honorine (lutteuse) avec qui on va travailler sur ses projets d’études ou sur sa volonté d’intégrer ou non l’INSEP.
Nous avons également des athlètes en milieu de carrière qui sont stressés parce qu’ils n’ont pas de plan B. Mais aussi des sportifs qui ont fini leur carrière et qui sont donc un peu dans l’urgence, voir des retraités des terrains depuis plusieurs années. Après leur carrière, certains ont passés 15 ans de leur vie à éduquer leurs enfants et derrière me disent « écoute, j’ai 50 ans, il faut que je trouve un nouveau projet à faire pendant 15 ans afin de terminer ma vie professionnelle et surtout que je continue à m’accomplir. À m’épanouir ». C’est près de 50 personnes que nous accompagnons aujourd’hui.
UN CHANGEMENT DE VIE DRASTIQUE
Aujourd’hui ma vie est différente de celle que j’avais sur les pistes. Le plus dur, c’est de passer la journée devant mon ordi alors que mes moteurs sont la relation, le fun et le défi. Quand je suis tout seul, c’est un vrai défi pour moi d’arriver à rester performant sur la durée, car je me nourris de la relation et c’est ce qui me permet de me booster et de me sublimer. Ce n’est pas pour rien que j’ai fait du snowboard cross, car c’est un jeu où l’on est à 6 en même temps sur ce parcours avec des virages relevés et remplis de bosses.
Ma vie quotidienne c’est d’accompagner tous les jours un athlète que ce soit pour 2 h ou une demi-journée, mais aussi d’être présent sur les événements avec d’autres sportifs. Mais je continue de faire une balade à vélo tous les soirs, ce qui me permet de me sentir encore bien dans ma peau.
En 1 an, depuis que je suis avec Jean-Philippe et Adeline, j’ai incroyablement changé. Aujourd’hui, je suis en pleine formation de coaching à l’IPAC qui est une école de commerce post Bac à Bac +5. Grâce à l’IPAC, j’améliore énormément ma posture. Je continue à progresser sur mes pensées limitantes, sur mes croyances et sur mes valeurs. Même si la vie n’est pas facile tous les jours, je me régale et je suis hyper content de ce que je fais.
Mon expérience d’athlète de haut-niveau m’a permis d’avoir une très bonne connaissance et maîtrise de moi, mais ça m’a rendu dur dans mes relations. Parfois, je pouvais être tranchant et aujourd’hui, je travaille pour m’adoucir et pour augmenter mon empathie ainsi que mes compétences sociales.
J’aimerais finir sur une phrase de Sénèque : « il n’y a pas de vent favorable pour ceux qui ne savent pas où aller ». Pour les jeunes sportifs et leur future reconversion, la clé, c’est de travailler sa vision. Et pour travailler sa vision, il faut surtout travailler sur la connaissance de soi. Qu’est-ce qui est important pour moi ? Qu’est-ce que j’adore faire ? Qu’est-ce que je déteste faire ? En gros, qu’est-ce que je veux et surtout qu’est-ce que je ne veux surtout pas ? Ensuite, quels sont mes besoins ? Qu’est-ce qui me fait le plus rêver dans ma vie mis à part d’être champion olympique ?
Il faut être capable de définir ses priorités et une fois que tu les as, la vision vient toute seule.