Maëva Danois : “J’aimerais tenter un Ironman à l’avenir”

Maëva Danois a bouclé sa traversée des Pyrénées à vélo. L’ancienne athlète parle de sa nouvelle façon d’aborder le sport, sans pression mais avec performance.
Maëva Danois - Une nouvelle façon de voir le sport
Maëva Danois – Une nouvelle façon de voir le sport

Ancienne recordwoman de France Espoirs du 3000 m steeple (9’40”89) , Maëva Danois a connu les joies de l’équipe de France A en 2016, avec les championnats d’Europe d’Amsterdam, elle a ensuite enchaîné les galères, avec une rupture des ligaments croisés en mai 2018. Elle a connu aussi les troubles alimentaires, ce dont elle a longuement parlé dans Athlemag. Depuis, elle est revenue à la compétition… mais dans un autre sport. Son choix s’est porté sur le duathlon. Elle vient également d’achever sa traversée des Pyrénées, qu’elle évoque. Libérée, sans aucune pression, elle nous évoque sa nouvelle vie dans les Landes, avec son compagnon, sa nouvelle façon de voir le sport. S’écouter davantage ne pas se mettre en péril, sans exclure la performance. Découvrez l’inspirant parcours de Maëva Danois.

Crédit : Instagram Maëva Danois

MAËVA DANOIS – LA TRAVERSEE DES PYRENEES – 750 KILOMÈTRES ET 19000 M DE D+ EN 7 JOURS

Je pars dimanche (NDLR : elle a bouclé son périple dimanche soir) pour la traversée des Pyrénées à vélo. On est six dans cette aventure, trois garçons et trois filles. On part sur sept étapes sur sept jours, tous les jours il y aura pas mal de dénivelé positif à parcourir. Pour un total de 750 kilomètres et 19000 m de dénivelé positif. Dont une journée assez incroyable avec le Azet / Aspin / Tourmalet et un gros dénivelé. J’ai fait récemment le Tourmalet, donc il n’y aura pas trop de surprises. Mais l’enchaînement va peser dans les jambes. Les derniers jours vont être très difficiles. Mais on avait envie de partir d’Argelès. Le but c’est de prendre du plaisir avec le paysage, en faisant ça à son rythme.

Je me suis fait les croisés il y a quelques années, c’est très contraignant. Mais tout le monde me disait : “C’est grave”, mais j’ai jamais été inquiète. D’autant que j’ai déjà eu cette blessure, huit ans auparavant, même jour de la même manière. Je ne crois pas au hasard d’ailleurs. J’étais revenue meilleure après cette première blessure et j’ai pu progresser davantage, avec la découverte de la musculation. J’ai accroché mes premières sélections en équipe de France. Du coup, après cette deuxième blessure, je n’avais pas d’appréhension particulière. Cela a été contraignant, car cela arrivait dans une période où j’étais en ascension sportive. Cela m’a coupé un peu les ailes, mais je ne me suis pas crashé au sol. J’ai pu rebondir. Cela a quand même été une blessure compliquée.

IL Y A EU DES ABANDONS, DONT NIKE QUI M’A LÂCHÉ !

Dans ces moments-là, on fait le tri. Je ne sais pas si je me suis sentie abandonnée ou si j’ai fait l’abandonnée. J’avais envie de me sentir seule, pour sortir de cet inconfort. Je voulais que ce soit un combat contre moi-même. Il y a quand même eu des abandons, dont Nike qui m’a lâché. Cela fait partie du jeu, j’étais blessée. C’est plus la façon dont cela avait été fait qui m’a déçue et qui m’a fait passer un coup de gueule. Il y a eu un vrai manque de considération. C’était leur façon de fonctionner. C’est un apprentissage avec le monde du marketing et du sponsoring. J’étais vraiment déçue car ce n’était pas humain et ça manquait de considération sur le travail fourni par le sportif.

Cela aussi me permet de comparer avec mon sponsor actuel Asics et voir que cela n’a rien à voir. Je suis très mauvaise pour le démarchage de partenaires (rires), je sais que j’aurais pu prendre davantage d’argent, mais je me suis dit qu’il valait mieux rester authentique et en accord avec mes valeurs. Mais on n’a pas le temps de gérer l’entraînement et le démarchage. C’est une partie du sport qui est difficile à gérer. Après, je fais du sport pour le plaisir et non pour gagner de l’argent. Je veux repousser mes limites, tout en préparant mon métier de podologue à côté. Qui sera mon vrai métier. L’athlé est quelque chose que j’ai fait au quotidien, mais je sais que physiquement je ne peux plus faire tout ça et mentalement, cela ne me convient pas.

MAËVA DANOIS – LE CHOIX DU DUATHLON S’EST FAIT NATURELLEMENT

Je sais aussi que je suis beaucoup plus performante quand j’ai quelque chose à côté. Notre sport n’est pas reconnu comme vraiment un métier. C’est pour ça que les athlètes ont longtemps peiné à éclore au niveau international. Mais rien n’est définitif et le parcours d’une fille comme Aurore Fleury est plus qu’inspirant ! Cette fille est géniale, ne fait pas de bruit, mais son histoire devrait inspirer davantage, mais personne ne communique là-dessus. Elle a un parcours de dingue et c’est monstrueux ce qu’elle fait ! La fédération ne met pas en avant ses athlètes et je ne comprends pas. Il y a des articles sur comment bien récupérer. Mais qu’ils mettent davantage en avant leur athlètes. Si t’es pas champion olympique, t’es pas mis en avant.

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Mais il ne faut pas tout dénigrer, car plein de choses sont mises en place pour les athlètes, mais il y a encore beaucoup de travail.

Le choix du duathlon s’est fait naturellement. J’ai découvert le vélo en partie grâce à la blessure. Il faut décharger au maximum les contraintes sur ton corps. Le 3000 m steeple est une épreuve très traumatisante et j’ai intégré le vélo dans mes séances d’entraînement. Par pur hasard, je suis allé rouler sur l’anneau de Vincennes et j’ai croisé un pote qui fait du duathlon à Meaux et qui m’a sollicité pour intégrer le club. J’ai fais mes premières compétitions et j’ai adoré. La première a été très compliquée car je finis 21e, mais j’aime bien connaître ces situations d’échecs, car c’est là qu’on tire le meilleur apprentissage. Ce n’est pas dans les victoires qu’on apprend le plus, car il y a forcément peu de remise en question. La notion d’échec n’est plus négative pour moi, car j’arrive à me transcender.

JE RETROUVE LE PLAISIR QUE J’AVAIS PERDU EN ATHLÉTISME

J’ai fait le choix de m’entraîner toute seule. Cela fait 20 ans que je fais de l’athlétisme et je pense avoir acquis de l’expérience et cette rigueur liée à l’éducation de mes parents. Je ne voulais pas apporter trop de contraintes à mon entraîneur à l’INSEP qui m’a amené là. Mais je lui ai dit que je ne pouvais plus, avec mes études et les contraintes horaires. Je ne peux pas me permettre de me dire : “Je ne peux pas venir car j’ai des patients à soigner”. Je me gère toute seule et le mot d’ordre chaque jour c’est de prendre plaisir. Si je sens que je suis trop fatiguée, je n’y vais pas. Bon parfois j’y vais quand même (rires). Mais je me gère depuis une grosse année, c’est assez particulier mais c’est ma philosophie qui me convient.

Je retrouve le plaisir que j’avais perdu en athlétisme, car je commençais à être lassée. Quand je suis revenue de blessure, je n’avais plus les repères chronométriques d’avant, forcément la blessure avait fait diminuer mon niveau. Je me suis épuisée mentalement a essayer d’accrocher mes chronos d’avant et j’ai développé une phobie de la piste et du tartan. J’ai voulu explorer d’autres sensations, voir autre chose, sans avoir tout le temps le chrono à la main. C’est une évolution de vie de choix. Les références chronométriques sont importantes, mais je suis à l’écoute de mon corps. Je suis capable aujourd’hui d’exprimer si la séance que j’ai faite correspond à mes objectifs.

MAËVA DANOIS – ON EST TOUT LE TEMPS JUGE ET REGARDE SUR LA PISTE

En duathlon, on a différents parcours avec des courses techniques où il faut s’adapter à tous types de terrains. C’est un peu comme le marathon, où le parcours, la température et la forme du jour font que le chrono ne peut jamais être le même.

Il a fallu que je comble le retard à vélo. Mais cela s’est fait avec l’insouciance. Je pense que j’ai des capacités de vélo qui ne sont pas exploitées. Le fait de partager des séances avec des gens plus fort que moi, les gens le sortent de ma zone de confort. Quand je rentre je reste sur le canapé (rires). Cela m’a fait passer un cap à vélo ces sorties. Cela bataille, ca chamaille tout en profitant du paysage. C’est bon joueur, c’est une vraie partie de plaisir.

Je trouve que la mentalité en athlé a évolué ces derniers temps. Ce n’est plus la notion de partage, j’aime beaucoup partager, aller rouler avec les gens. Je me suis longtemps entraîné à l’INSEP, où la notion de groupe n’existe pas. Les projets sont très individuels et ce qui me faisait du bien, c’était ces moments d’échanges en stage, quand tu côtoyais les autres athlètes. Mais une saison est très longue et les stages durent au maximum trois semaines. On est tout le temps jugé et regardé sur la piste : “Oh celle-là elle n’est pas affûtée, pas à son poids de forme. Elle met des brassières alors qu’on ne voit pas ses abdos”. Toute cette critique m’épuisait et j’ai voulu sortir de ce cadre. Il y avait aussi ce manque de considération envers des athlètes qui s’entraînent dur.

JE NE VEUX PAS DÉNIGRER LE MONDE DE L’ATHLÉTISME

L’INSEP est le temple de la performance et du corps, avec une statue d’un homme nu au milieu. Moi, quand je rentre des vacances d’été, j’ai pris trois kilos et oui ça se voit car je suis fine de base. J’étais constamment dans l’engrenage d’avoir un corps d’athlète. Cela m’a couté une énergie folle et je n’ai plus envie de batailler. Commencer cette nouvelle vie ailleurs, cela va me permettre de respirer.

J’ai été étonnée en duathlon de la mentalité des filles. C’est totalement différent et cela m’a attiré. Je ne veux pas dénigrer non plus le monde de l’athlétisme qui m’a beaucoup apporté et aidé pour mes études. Mais la piste est différente de la route qui est elle-même différente du trail. Je connais beaucoup trop l’environnement de la piste et j’ai voulu en partir avant d’en être écœurée. C’est ma vision personnelle, je ne veux pas être dure en disant qu’on est maté de la tête au pied. L’équipementier, le physique. Je n’ai pas de solutions à apporter, mais c’est un constat en fonction de ce que j’ai ressenti dans ma carrière.

MAËVA DANOIS – J’AIMERAIS BEAUCOUP TENTER UN IRONMAN

C’est difficile de gérer la pression. Là on rentre dans l’INSEP, il y a le décompte jusqu’au JO. Il faut le savoir ! Cela peut être stimulant pour certaines personnes, mais oppressant pour d’autres. Il y a une pression du ministère sur les entraîneurs et les DTN et cela retombe sur les athlètes, qui ont déjà beaucoup de choses à gérer dans leur quotidien. Cela leur met une pression supplémentaire. L’INSEP est notre lieu de vie. Je m’y suis beaucoup épanouie cela dit et j’ai beaucoup appris. Mais je sens que j’y arrive plus, car je suis essoufflée de cet environnement.

Refouler les pistes, je ne l’exclus pas. Mais aujourd’hui, je suis plus dans la nature, mais la piste peut me servir dans le cadre de ma préparation. Après ma traversée des Pyrénées, je me vois bien m’aventurer vers des objectifs encore plus fous. La coupe de France de duathlon se profile en septembre, pour confirmer tout cela. Je vais bientôt être diplômée d’état en podologie, donc je vais commencer à travailler. C’est un nouveau rythme. J’aimerais beaucoup tenter un ironman dans le futur. Ce sont des projets à court/moyen terme. Je reste licenciée en Normandie.

BEAUCOUP D’ATHLÈTES ASSUMENT D’ÊTRE SUIVIS PSYCHOLOGIQUEMENT

Concernant les troubles de l’alimentation (NDLR : Maëva Danois s’était longtemps exprimée à ce sujet sur athlémag), c’est très difficile de conseiller l’entourage d’un athlète qui est dans cet engrenage, car c’est très propre à chacun. Il y a différents types de crises de boulimie et de trouble du comportement alimentaire. Mais ce que j’aurais aimé qu’on me dise c’est de prendre plus soin de ma tête plutôt que de me rabâcher d’avoir un corps d’athlète et prendre en considération uniquement le physique. Sur ma dernière manche de duathlon, j’étais sans doute la moins affûtée et pour autant j’accroche un podium et à sortir les meilleurs chronos en course à pied. Mais c’est parce que j’étais super bien dans ma tête, je venais de finir ma soutenance et ma famille me soutient.

J’avais emménagé avec mon copain. Les objectifs de vie à côté du sport permettent, selon moi, à l’athlète de se sentir bien. C’est ce que j’ai ressenti. Toute la pression autour de la performance fait que beaucoup de filles tombent dans les troubles du comportement alimentaire. Elles veulent devenir performantes et font attention à l’entraînement invisible. Mais oublient de penser à l’avenir professionnel voire gérer l’ensemble de la vie à côté. Alors que, pour moi, cela forme un tout. Ce n’est pas que la nutrition ! Mais on voit une évolution et l’aspect psychologique est de moins en moins négligé. Beaucoup d’athlètes assument d’être suivis psychologiquement. Un champion comme Teddy Riner a fait évoluer les mentalités en en parlant ouvertement.

MAËVA DANOIS – JE GARDE UN REGARD ATTENTIF SUR LE 3000 M STEEPLE

Forcément, vu son palmarès et sa réussite, cela inspire les athlètes. Il a impulsé une dynamique et cela tend à être de mieux en mieux. Mais les fédérations ne proposent pas encore systématiquement un suivi psychologique. Cela devrait être plus facilement accessible et pas réservé uniquement à l’élite. J’ai parfois l’impression que seul l’athlète de haut niveau à le droit à ce suivi. Malheureusement, beaucoup d’athlètes de clubs souffrent de ces problèmes. J’espère que cela évoluera avec le temps, mais je ne suis pas ministre des sports. J’espère qu’elle prendra ça en considération.

Je garde un regard attentif sur le 3000 m steeple qui reste ma course de cœur. Les performances actuelles me rendent très heureuse et cela me fait plaisir de voir que la discipline est bien représentée. Les compétitions sur piste, je les regarde sans les regarder, par manque de temps. Mais j’ai toujours un œil.

Je suis originaire de Normandie et j’ai déménagé à Paris pour mes études et le haut-niveau. Cela faisait 7 ans que j’étais là-bas. J’ai choisi de déménager dans les Landes car j’ai rencontré mon copain, au moment de ma convalescence à Capbreton. On s’est installés ensemble là-bas.

Je me vois continuer à faire du sport tant que mon corps suivra. C’est ma vie, c’est quelque chose que je fais depuis toujours, dans le ventre de ma mère je courais déjà (rires). J’ai dû faire des pauses cette année, avec les études et le mémoire, c’était un rythme différent. J’ai la chance de me gérer. C’est impossible et je ne me vois pas arrêter.

Etienne GOURSAUD 

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