LOUIS RADIUS – LE SPORT, UN OUTIL POUR UNE VIE

Aujourd’hui c’est un athlète accompli sur les pistes tant dans les catégories handi que valide qui vient nous partager son expérience. Avec ses mots, Louis Radius revient sur son développement personnel et son ouverture grâce au sport.
Louis Radius
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Aujourd’hui c’est un athlète accompli sur les pistes tant dans les catégories handi que valide qui vient nous partager son expérience. Avec ses mots, Louis Radius revient sur son développement personnel et son ouverture grâce au sport.

Je fais du sport depuis l’âge de 4 ans. Comme peu de garçons de cet âge, j’ai commencé par la danse classique avec ma sœur, jusqu’à mes 8 ans. J’ai ensuite testé plusieurs disciplines, du tennis, du football américain, de la course à pied.

Durant mon adolescence, j’allais souvent voir mon meilleur ami Jefferson en faisant les 5km qui nous séparait en courant. Il a alors voulu me mettre quelques défis pour que je réalise le meilleur chrono à chaque fois. En me voyant faire ça, ma mère m’a inscrit secrètement dans un club d’athlétisme. C’est de là que tout a commencé pour moi.

Dans mon premier club de la Jeunesse de Croissy sur Seine il y avait le champion de France du 800 m et la championne de France du 10 km, donc j’étais plutôt bien entouré et c’était forcément inspirant pour nous les jeunes. Dès le moment ou je me suis mis corps et âme dans l’athlétisme, il m’a fallu dix ans entre mes débuts en 1996 et les Championnats du Monde de Hassen (Pays-Bas) pour intégrer le haut-niveau.

Un de mes meilleurs souvenirs reste les championnats d’Europe 2014 où je termine vice-champion d’Europe. C’était ma première médaille au niveau international, on passe alors un vrai cap aussi bien sportivement que mentalement. Par la suite, j’ai enchaîné de bonnes performances et récolté d’autres médailles, plus prestigieuses d’ailleurs comme mes deux médailles d’argent aux Championnats du Monde (2015, 2017) ou mes deux titres de Champion d’Europe sur 800 m et 1500 m en 2016. Mais c’est vrai que j’ai une attache particulière à celle de 2014.

Bien sûr l’autre grand moment de ma carrière est ma médaille de bronze aux Jeux Paralympiques de Rio, sur 1500 m, vous pouvez demander à n’importe quel athlète, une médaille aux Jeux a une saveur spéciale, inégalée.

LE SPORT COMME PREMIER OUTIL DE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

Le sport a toujours été pour moi un vecteur de bien-être et de développement personnel.

Pourquoi ?

Car j’étais en échec scolaire quand j’étais jeune. J’avais des difficultés en mathématiques et en français donc je suis allé en 4ème et 3ème technologique, suivi par un BEP comptabilité et un Bac Pro commerce. Au fur et à mesure que j’avançais, je faisais des rencontres qui me poussaient à aller plus loin, dans le sport et dans la vie. Je n’étais pas le plus doué, par exemple en athlé, mais j’étais le plus présent, le plus assidu aux entraînements.

J’avais deux rêves étant petit, soi devenir danseur professionnel, mais ce n’était pas forcément bien vu par mon père, soit de faire les Jeux en athlé. C’est aussi ce qui m’a guidé et motivé le long de mon adolescence.

C’est très difficile de vivre de ce sport exclusivement, je devais donc continuer les études pour prétendre à un métier qui me plairait. Je me suis inscrit en STAPS, venant d’un Bac Pro vous vous doutez que je partais là encore avec un certain handicap.

Pour l’anecdote, nous avions des cours de biomécaniques, je n’en avais jamais fait bien sûr. Je me rappelle que le premier le jour, le professeur nous a sondés sur notre parcours au lycée. Il a demandé qui venait de la filière S, ES, L… Puis il a ajouté « mais il y a des personnes qui viennent d’ailleurs, de Bac Pro ? » Nous étions très peu à lever la main, et sa réponse a été fatale : « Vous n’avez rien à faire ici, vous viendrez me voir à la fin de l’heure ». Il nous a descendus et je suis sorti en pleurant.

La première année, j’ai eu 0 dans sa matière, 2ème année 4/20, 3ème année 11/20 et 4ème année 14/20. Ça m’a servi pour me montrer qu’il n’y a pas de freins sur mon parcours, tout est surmontable.

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Mon expérience de 18 mois au Canada en tant qu’étudiant et sportif de haut-niveau m’a également influencé, grâce à cette mentalité différente de la France où les gens ont moins tendance à nous mettre dans des cases. Le fait d’être loin de la France m’a fait murir, j’ai franchi un cap en tant qu’Homme. Il faut aller dans la difficulté pour apprendre à la surmonter, c’est le meilleur moyen pour se forger un caractère.

DÉPASSER MA CONDITION PAR LE SPORT, MAIS PAS QUE

Le sport de haut niveau a un côté antisocial quand on ne fait que ça. On s’entraîne, on se repose, on fait des soins, et on répète ça chaque jour. C’est donc important d’avoir une activité à côté, pour certains ce sera un travail même si c’est par obligation, et pour ceux qui ont la chance de pouvoir vivre du sport cela peut être une passion qu’on partage en dehors du sport comme la musique par exemple. J’ai d’autres passions comme la danse, la nature et les grands espaces ou la sociologie.

Je parle souvent de mon expérience et de ma philosophie qui est « un outil pour une vie ». C’est une sorte de levier, un couteau suisse qui te permet d’ouvrir des portes et avancer. La dernière partie, « pour une vie » c’est dans le sens où on peut avoir plusieurs vies dans une vie. Plusieurs étapes.

Dans mon cas cela a été très important, et ce depuis l’enfance, car le sport m’a permis de m’épanouir et de m’évader quand j’en avais le besoin.

Je pense que pour moi, il y a eu 3 « facteurs » importants :

  • 1/ environnemental avec ma famille qui m’a toujours soutenu et qui m’a bien éduqué.
  • 2/ les rencontres : les entraîneurs que j’ai connu tout au long de mon parcours ou les athlètes que j’ai côtoyés ont eu un impact important dans mon cursus
  • 3/ « croire en ses rêves » qui m’a donc porté tout le long, car je voulais faire les Jeux comme mes idoles, notamment Haile Gebreselassie. On s’inspire souvent des plus grands de notre sport.

C’est vrai qu’être en échec scolaire en plus d’avoir un handicap de naissance, l’hémiplégie du bras gauche, ce n’est pas si simple. D’autant plus durant ces années collège où tu deviens quelqu’un de pas très fréquentable.

Le sport m’a ouvert l’esprit, car j’étais très timide et réservé. Puis à force de côtoyer des personnes sur les meetings d’athlé, de devoir demander des conseils, des services pour mener à bien mon projet, je me suis émancipé de ce côté renfermé. Ce n’est pas en restant seul chez moi que j’aurais pu faire ça.

Une chose toute simple, dans les compétitions internationales il faut bien aller demander de quoi manger, en anglais, allé voir les délégations étrangères pour discuter, donc j’ai appris.

Il n’y a pas que le sport qui peut avoir cet effet-là. Ça peut être la musique, le bricolage, la peinture, le jardinage, quelque chose qui te donne un but, qui te nourrit au quotidien, et il faut le partager avec d’autres personnes. Il y a des clubs ou des associations pour tous types de passions aujourd’hui, donc il faut s’inscrire et échanger avec les gens qui ont les mêmes intérêts. C’est aussi un moyen de se créer un réseau qui pourrait nous être utile dans le futur.

AIDER A AMÉLIORER LA CONDITION DES HANDICAPÉS EN FRANCE

En parlant de mon histoire et de mon émancipation due en partie au sport, j’ai envie de sensibiliser sur la cause du handicap.

L’équipe de France paralympique que vous pouvez voir à la TV, quelle que soit la discipline, ce sont les moins handicapés des handicapés. C’est dur à dire, mais c’est la réalité. Ils arrivent à suppléer leurs handicaps, ils arrivent à vivre avec, à faire du sport avec, à se déplacer, etc.

D’un autre côté, il y a des milliers de personnes handicapés qui n’auront pas accès à la pratique de sport. Et ces gens-là ont besoin de plus de soutiens. Les sportifs paralympiques permettent de donner de la visibilité au handicap, comme une vitrine pour faire parler et faire bouger les choses d’une manière positive.

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On ne se rend pas forcément compte, mais des petites choses comme passer la loi des 6 % de travailleur handicapé à 10 % serait un bel effort, une personne handicapée qui ne travaille pas et reste chez elle n’a quasi aucun lien social. L’accessibilité est également un souci, l’application de loi a reculé de 2005 à 2020, mais par exemple à Paris c’est difficile de prendre le métro, il n’y pas d’ascenseur dans la plupart des stations. Ça peut paraître une bêtise pour un valide, mais c’est énormément contraignant pour une personne en fauteuil roulant par exemple.

La valeur de travail a tendance à se perdre dans notre société, mais je pense que c’est là où les personnes atteintes d’un handicap ont un plus, on considère cela comme une chance et nous sommes des personnes assez courageuses, je pense.

TRANSMETTRE MON OPTIMISME ET MA VISION DES CHOSES

Aujourd’hui la notion de transmission m’anime. D’autant plus depuis que je suis devenu père. Les sportifs de haut-niveau, sont des vecteurs de réussites et porteurs de sens. Si on peut aider les jeunes pour trouver avec eux cet outil dont je parle souvent, ce levier, il faut le soutenir. Le but de ces interventions dans les collèges et lycées ou même en entreprises est de communiquer sur mon expérience entre autres, et leur expliquer qu’il faut rester ouvert. Des choses que je leur dis aujourd’hui peuvent faire tilt dans un mois, un an ou dix ans.

Ces interventions dans les collèges et lycées sont faites de façon bénévole, je le fais, car je me dis que peut-être que j’aurais aimé avoir ces discussions lorsque j’étais en échec scolaire. Ça aurait pu changer des choses plus rapidement. Il y a des profils intéressants, notamment des chefs d’entreprises, des journalistes, des sportifs, qui ont des choses à raconter et qui peuvent inspirer les jeunes. Je pense que l’Éducation Nationale devrait plus s’appuyer sur des personnes extérieures comme cela pour témoigner et parler de la réalité, un peu en dehors des manuels scolaires du coup.

Par exemple autour de moi, de la famille et des amis se sont mis à la pratique sportive et notamment au running en voyant les bienfaits de ce sport sur moi.

À côté de ma pratique de l’athlétisme, je suis professeur de sport et cadre d’état. Je travaille donc sur les politiques publiques du ministère, notamment pour développer des structures pour que les gens atteignent le haut niveau. Avec Paris 2024, j’ai également la tâche de faire rayonner un territoire via l’aide à la performance. Je suis assigné en Bretagne, et j’aide les sportifs en ce qui concerne la facilité d’accès à l’alimentation, la prépa physique et aux équipements sportifs. Il y a aussi une partie formation, notamment pour les cadres et les diplômes d’état, etc. Mon métier est finalement assez complet et cela me plait, je suis là pour aider.

En parallèle, je continue ma carrière avec les compétitions handi mais également chez les valides. C’est une belle preuve que le niveau n’est pas si éloigné et que des passerelles peuvent se faire.

Le problème est qu’aujourd’hui la discipline de l’athlétisme de la Fédération Handisport n’est pas rattachée à la Fédération Française d’athlétisme valide. Ce n’est pas le cas dans beaucoup de sport et il faut vite remédier à cela, car ça permettrait que tout le monde parte en stage ensemble et soit considéré à la même enseigne. Pour l’inclusion sociale, c’est hyper important. C’est dur à dire, mais on pourrait le comparer à une segmentation par couleurs ou origines par exemple.

Je lutte donc pour que cela change, si vous, les dirigeants, m’entendent…

LOUIS

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