Chef des information chez Eurosport, Laurent Vergne a lancé depuis 2019, avec son collègue Maxime Dupuis, les Grands Récits. Qui vous plonge dans les coulisses de grands moments de sport. De l’incroyable doublé de Lilian Thuram en demi-finale de coupe du monde 1998 en passant par l’incroyable histoire de Dick Williams, rescapé du naufrage du Titanic et roi de l’US Open. De la genèse du projet jusqu’à l’élaboration d’un Grand Récit, Laurent Vergne se livre. Tout en gardant un œil avisé sur le tennis, l’un de ses sports favoris. Entretien.
Crédit : Eurosport
LAURENT VERGNE – AUDE BARON, NOTRE RÉDACTRICE EN CHEF NOUS A DONNÉ CARTE BLANCHE
L’idée des Grands Récits a commencé à sortir à la fin de l’année 2017. Aude Baron, ma rédactrice en chef, cherchait un concept. On n’avait pas mal développé le format vidéo, avec un développement éditorial principalement axé là-dessus depuis deux ans, même si on continuait la partie écrite. On a commencé à réfléchir à un format écrit, dans un rythme hebdomadaire ou bimensuel. Elle m’a donné carte blanche ! J’ai commencé à réfléchir à différentes idées de format et celui-ci m’est rapidement venu en tête. Je voulais faire quelque chose qui sorte vraiment de l’actualité, tout en proposant un format très long. Ce sont les deux choses qui m’importaient le plus.
L’idée en elle-même est toute bête, puisqu’il s’agit de raconter une histoire. On ne peut pas faire plus basique. Le format long n’était pas forcément très en vogue. Cela implique une part de risque, car on est lu à 75-80 % sur mobile, un type de lecture dont on pouvait penser qu’il n’était pas très adapté. Cela implique aussi d’avoir du temps pour le faire et donc une certaine organisation. Maxime Dupuis, qui a été impliqué dès le début sur les Grands Récits et moi, nous devions nous dégager du temps. Faire un peu moins d’autres articles. On a démarré en se disant que si nous, nous prenions du plaisir à le faire, les gens prendraient du plaisir à nous lire. On ne s’est mis aucune pression, on s’est lancé en se disant qu’on verrait comment cela évolue. Cela continue depuis 4 ans. On peut dire que cela a bien marché.
POUR CONSTRUIRE UN GRAND RÉCIT, IL Y A UN ÉNORME TRAVAIL PRÉPARATOIRE
Quand j’écris un Grand Récit, j’ai des éléments en tête, mais il y a également de la recherche. On est maître des choix de sujets, donc on en choisit qu’on connaît plus ou moins bien. Certains sur le bout des doigts, d’autres de façon plus lointaine. Mais on ne parle pas de zéro, à une ou deux exceptions près. Par définition, on a forcément eu vent de l’événement, car on l’amène sur le tapis. Cependant, il y a un énorme travail préparatoire. Il y a beaucoup de recherches, de bibliographies, de la presse, parfois de visionnage de documentaires.
Il y a deux types de Grand Récits, celui qui repose sur du témoignage. Là, le travail préparatoire existe, mais est un peu moins important, car le récit va reposer en grande partie sur le témoignage de l’acteur principal ou d’autres intervenants qui ont un rapport assez direct avec l’histoire. Je pense à Jean Le Cam, que j’ai pu rencontrer. L’entretien fournit une bonne partie de la matière. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail de recherche. Mais il y en a moins que sur une histoire où nous n’aurons pas de témoignage et pour le coup, on est que sur du récit pur, ce qui implique plus de boulot. Même quand je connais bien l’histoire, je découvre toujours des choses en préparant le récit.
LAURENT VERGNE – ON VOULAIT QUELQUE CHOSE DE MULTISPORTS ET ALTERNER HISTOIRES CONNUES ET MOINS CONNUES
Quand c’est une histoire ancienne et au fil des recherches et des lectures, je vais découvrir et apprendre des choses et c’est aussi cela qu’on aime en tant que journaliste. S’enrichir et avoir le plaisir de partager et de raconter. Cela peut aussi venir de témoignages. L’exemple que je peux donner, c’est celui sur la rivalité entre Pau et Limoges en basket. Je suis limougeaud et je connais bien cette histoire, d’autant que c’est ma génération. Je ne pensais pas apprendre grand-chose. Mais avec les témoignages, car j’ai fait pas mal d’interviews, il y a eu des anecdotes racontées par Jacques Monclar (NDLR : passé par Limoges entre 1986 et 1988) Fred Weis (passé par Limoges entre 1995 et 2000 puis de 2010 à 2011) m’ont fait découvrir certaines choses. Sur un format comme celui-ci, on ne peut pas prétendre connaître jusqu’au bout des ongles l’histoire.
On n’aurait pas fait de Grand Récits juste pour parler du football ou du tennis. On voulait quelque chose de multisports et quelque chose qui alterne au maximum les sports et les disciplines. Et aussi alterner les histoires très connues et d’autres moins connues. On a dû en faire trois sur Mohamed Ali. Il y aura toujours des gens pour dire qu’ils connaissent telle ou telle histoire. On doit aujourd’hui être à 125 Grands Récits (NDLR : 124 tous à retrouver ICI) et je pense qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de gens qui peuvent prétendre connaître l’intégralité des histoires qui doivent couvrir 25 sports différents. Sur une semaine, une personne connaîtra le Grand Récit qu’on va sortir, une autre semaine, ce sera une autre personne. Mais, à travers la narration, on essaie de porter un certain plaisir de lecture. Peut-être que la personne va apprendre une ou deux choses.
QUELQU’UN QUI ACCROCHE DÈS LE DÉPART, IL IRA AU BOUT DE L’ARTICLE
Certains Grands Récits vont très bien marcher, sur le plan de l’audience et d’autres moins et souvent on est surpris. Certains ne marchent pas hyper bien alors qu’on était persuadés que cela allait cartonner et inversement. C’est comme un succès au cinéma. J’entends souvent les réalisateurs dire que le succès comme l’échec reste assez mystérieux. On ne le voie pas toujours venir. Mais la règle de base, c’est de savoir accrocher dès le départ. Si, au bout des 2500 premiers signes, la personne n’est pas accrochée, elle n’en lira pas 30000. En revanche, si elle accroche dès le début, ce n’est pas le genre d’articles qu’on arrête en cours de route. Les analyses nous montrent que les lecteurs, en général, vont au bout de l’article. Si tu as lu 20000 signes, tu iras lire les 10000 derniers.
Il n’y a pas de Grand Récit où je n’ai pas pris de plaisir à l’écrire. C’est un peu bateau de dire ça, mais ce sont des articles où il faut se faire un peu mal. Pour moi, je construis cela comme une mini nouvelle. J’ai besoin de faire un plan dans ma tête. J’ai besoin de structurer les parties et je ne peux pas commencer à écrire sans savoir où je vais. Ce n’est pas comme un papier déclas ou un compte-rendu.
Cette partie, plus le travail préparatoire qui est assez long, avec une partie qui n’est pas la plus sympa à faire. En revanche, la partie écriture, quand toutes ces parties sont finies, c’est presque le plus simple et ce qui va le plus vite. Et là, on prend du plaisir ! Quand tout est fini, il y a une satisfaction qu’il n’y a pas forcément sur un article lambda. Au-delà des réactions, c’est aussi ce plaisir qui fait qu’on continue.
LAURENT VERGNE – BA-BA-BAM GÈRE LA PARTIE PODCAST
Ce n’est pas nous qui gérons la partie podcast. Depuis qu’on les fait en podcast, grâce à la société Ba-ba-bam, qui sont brillants. Ils ont pris cela en charge depuis le début et cela n’a pas changé grand-chose pour nous. Mais pour l’introduction des citations, nous essayons de faire attention. De les mettre sous une autre forme pour que ce soit plus naturel quand ils vont l’adapter. Ils le font parfois d’eux-mêmes.
Par exemple, sur une décla, on peut écrire “dit-il”. A l’oral, celui qui récite le texte ne dira pas cela. Il va introduire différemment. Cela n’aurait pas été possible de faire une version du texte spécial podcast, mais on s’est posé la question d’adapter nos textes. Finalement, on a vu que cela ne marchait pas trop mal comme cela. Le style littéraire se transcrit pas trop mal à l’oral et il n’y a pas trop d’ajustement fait spécifiquement au podcast
LAURENT VERGNE – SÉVILLE 82 MON PLUS GRAND SOUVENIR DE SPORT
Évidemment, quand je parle de Lendl, ou Pau-Limoges, j’ai l’impression de me plonger dans des souvenirs d’enfance, des moments agréables. Mon meilleur souvenir de sport ? Cela remonte forcément à l’enfance ou l’adolescence. Depuis que je suis journaliste, je vis le sport différemment. Cela ne veut pas dire que je ne prends pas de plaisir. Mais on a un regard plus extérieur et on a un peu plus de recul. Je dirais que mon plus grand souvenir et cela ne changera jamais, c’est Séville 1982. France-Allemagne ! J’avais 7 ans, c’est un de mes premiers souvenirs de sport et je me souviens de façon marquée des éléments de cette soirée. J’ai ressenti ce soir-là des choses que je n’ai jamais ressenties par la suite. Du haut de mes 7 ans, je percevais qu’il y avait quelque chose qui dépassait le simple match de football.
C’était une demi-finale de coupe du monde. À l’époque, imaginer la France en finale de la coupe du monde était quelque chose d’invraisemblable. Le football français n’avait rien fait depuis 24 ans. Il y avait un côté inaccessible et cela n’est plus pareil aujourd’hui. Après, il y a aussi eu ces soirées vécues à Beaublanc avec Limoges en basket, plein de matchs à Roland ou Bercy. Mais difficile d’en sortir un du lot.
NADAL DJOKOVIC À ROLAND – LE CONTEXTE, LE MATCH, TOUT A FAIT QUE CELA EST RESTÉ GRAVÉ DANS LES MÉMOIRES
Ce sont les très fortes émotions qui marquent, positives ou négatives. C’est le fait de vivre et d’avoir conscience de vivre des choses, qu’on n’a jamais vécues avant et pas seulement pour des raisons sportives. Je donne un exemple récent, c’est la demie de Roland entre Djokovic et Nadal en 2021. Peut-être que, tennistiquement parlant, ils ont joué des plus grands matchs. Mais la plupart des gens présents dans le stade le diraient, le contexte ne peut pas être dissocié du match. C’est ce qui fait que les gens ressentent ce côté particulier.
Parce que c’était en soirée, qu’il y avait la menace du couvre-feu et que les gens ont cru qu’on allait les mettre dehors à 23 heures. L’atmosphère du 3e set, en se rapprochant de la deadline des 23 heures, était particulière. On vivait un très grand 3e set. J’ai vécu quelque chose d’unique et pourtant, j’en ai vu des matchs de tennis. Je m’en souviendrai dans 20-30 ans. Quand on est un supporter, les grandes victoires génèrent des choses particulières. Je détermine plus l’événement en fonction des émotions ressenties. Cela peut être une joie ou une peine très forte. Si on ne vivait que des victoires, on n’apprécierait pas cela de la même manière !
LAURENT VERGNE – ON NE PEUT PAS ÊTRE JOURNALISTE SPORTIF SI ON N’AIME PAS LE SPORT
On ne coupe jamais totalement du sport, même si cela dépend où je suis et avec qui je suis. Quand on aime le sport, on l’aime où qu’on soit. Je regarde du sport à la télé quand je suis chez moi, comme n’importe qui qui n’est pas journaliste. Mais, après une énorme journée de boulot, je n’ai pas forcément envie de me poser devant du sport. C’est comme quelqu’un qui rentre du boulot et qui a envie de faire autre chose que d’être dans son boulot. Mais globalement, je regarde beaucoup de sport. On ne peut pas bosser dans le sport si on n’aime pas le sport. Ou alors on va souffrir (rires). C’est un plaisir de parler sport avec mes amis, comme cela l’était avant que je sois journaliste. Cela ne me dérange pas.
S’IL PEUT DISPUTER LE TOURNOI, NOVAK DJOKOVIC NE SERA PAS DANS DES CONDITIONS IDÉALES
(NDLR : Interview réalisée avant l’exclusion de Novak Djokovic)
La situation sanitaire n’est pas plus compliquée qu’il y a un an, pour l’Open d’Australie. Il y aura la menace, mais qui existe depuis que le tennis a repris à l’été 2020, d’un joueur ou une joueuse testé positif durant la quinzaine où juste avant. On n’a pas eu de Grand Chelem gâché parce qu’un joueur en 8e ou quart aurait été testé positif. La grande interrogation concerne Djokovic et son absence, indépendamment de ce qu’on pense de toute cette histoire, ferait un manque sportivement. On parle du numéro 1 mondial et pas n’importe lequel. C’est le triple tenant du titre, neuf fois vainqueur ici et qui va jouer pour le 21e titre en Grand Chelem. Pour moi, ce serait regrettable qu’il ne soit pas là. Mais les tenants et aboutissants de son absence, c’est une autre histoire.
Je sais que Novak Djokovic a un côté seul contre tous et qu’il n’est jamais aussi fort que dans ce cas-là. Psychologiquement, peut-être qu’il peut en tirer une force, car ce gars-là a tellement de ressources. Mais attention, ce qu’il est en train de vivre est unique. Il y a la dimension physique à prendre en compte. Et il est parti tard en Australie, avec un voyage long et fatiguant. Il arrive, il passe une nuit à l’isolement.
C’est devenu une affaire politique
Et il en est à 4 jours dans son hôtel (NDLR : interview réalisée vendredi 7 janvier). Même en admettant que cela se termine bien et que lundi, il soit “libéré”, il aura passé 6 jours sans s’entraîner ni toucher une raquette. Physiquement et psychologiquement, cela va le marquer un petit peu. Comment il va réagir ? Quoi qu’il arrive, cela ne sera pas idéal pour lui. Même s’il a la motivation supplémentaire. Ce sera un gros handicap pour lui. On fait un peu de science-fiction là. Et on est dans la théorie. Je n’ai vraiment jamais vu cela. C’est devenu une affaire politique, avec le 1er ministre Australien et président Australien qui se sont exprimés publiquement et avec des mots forts.
LAURENT VERGNE – JE CONTINUE DE CROIRE EN UGO HUMBERT
Concernant le tennis français, on sort d’une année qui est peut-être la pire en matière de résultats en Grand Chelem. Le problème c’est qu’aujourd’hui, ils ne sont plus très bien classés. Gaël Monfils est 20e, car partiellement protégé par le ranking, ce qui va bientôt disparaître. Mais même en étant 20e mondial, tu t’exposes, même en ne jouant pas mal comme à l’US Open, à prendre un gros au 3e tour. À Flushing il prend Sinner au 3e tour. Il perd en 5 sets, en ne faisant pas un mauvais match. Par rapport à leur classement, le meilleur résultat théorique des Français c’est 16e de finale. Après, il faut soit avoir un coup de pouce, avec une tête de série qui tombe, soit faire une performance. C’est compliqué.
Dans des ATP 500 et dans des Masters 1000, la donne est différente. On l’a vu avec Hugo Gaston à Bercy et Ugo Humbert à Halle, qui a obtenu une belle victoire en battant Rublev ou Auger-Aliassime. C’est un gros 500. Ce sont des possibilités qui restent importantes, mais en Grand Chelem, c’est autre chose. Et c’est vrai pour les filles aussi. Je continue de beaucoup croire en Ugo Humbert, qui a vraiment beaucoup de qualités, qui travaille bien. Beaucoup de joueurs sur le circuit pensent qu’il a tout pour réussir. Après, cela veut tout dire et rien dire réussir. Mais il peut faire une carrière solide.
IL Y A UNE JEUNE GÉNÉRATION QUI ARRIVE ET QUI SERA SYMPA A VOIR EVOLUER
Il sort de mois compliqués physiquement, mais c’est quelqu’un qui doit s’installer dans le Top 20. Après, le Top 10, c’est autre chose. J’espère qu’il arrivera à faire quelque de chose de bien, dont durer. Et cela implique d’être rigoureux dans le travail, que le corps tienne aussi. N’oublions pas qu’à 25 ans, Lucas Pouille avait fait 2 quarts et une demie en Grand Chelem. C’est difficile de se projeter vers l’avenir, car cela dépend de tellement de choses. Mais Ugo Humbert a des armes pour avoir des ambitions à l’avenir. Cela ne veut pas dire qu’il sera Top 10 et encore moins vainqueur en Grand Chelem ou Master 1000.
Il y a une jeune génération qui arrive également et qui sera sympa à voir évoluer. Je pense à Ugo Gaston mais aussi aux jeunes qui brillent en juniors et qui commencent à briller en challenger. Comme Luca Van Assche (NDLR : Vainqueur de Roland Garros juniors en 2021). Il faut les laisser tranquilles et c’est impossible pour eux de prédire qu’elle sera la suite de leur carrière, s’ils seront Top 100, 50 etc. La force du tennis français c’est de produire des joueurs qui ont des qualités, du talent, un vivier que n’ont pas tous les pays. Mais une carrière dépend de tellement de choses.
LAURENT VERGNE – CE QU’ACCOMPLIT LE BIG 3 FAUSSE LA PERCEPTION DE LA CARRIÈRE DES FRANCAIS
On ne doit pas faire l’erreur de penser qu’on aura forcément la même génération que celle qu’on a eue et dont on n’a pas assez profité. Il y a eu 4 joueurs entre la 5e et la 10e place mondiale. Régulièrement en quart ou demi de Grand Chelem. Même une finale pour Tsonga. Oui, ils n’ont pas gagné de tournoi du Grand Chelem, mais ils ont maintenu le tennis français à un très haut niveau pendant 15 ans. Il est possible que les 10-15 prochaines années soient beaucoup plus compliquées et ressemblent au tennis français des années 70, dans le creux de la vague avant la génération Noah-Lecomte. Où, dans un degré moindre, des années 90, où heureusement qu’il y avait un garçon comme Cédric Pioline pour faire de grosses performances. Sur ces quinze dernières années, nous avons mangé du pain blanc.
Ce qui fausse le jugement sur la carrière des Tsonga, Gasquet, Monfils, Simon, c’est ce qu’ont accompli Djokovic, Nadal et Federer. Ils ont banalisé des choses qui sont anormales. Il est anormal de jouer 30-40-50 demi-finales en Grand Chelem dans une carrière et il est encore plus anormal de gagner 20 Grand Chelem. Ces gars-là n’ont laissé que très peu de place et cela fait que, derrière, ton plus gros résultat, qui est une finale en 15 ans, si on le compare au Big 3, tu es “ridicule”. Mais c’est une erreur de comparer les Français au Big 3.
IL FAUT COMPARER LES FRANCAIS A DES MARIN CILIC OU STAN WAWRINKA
En revanche, il faut les comparer à des garçons comme Marin Cilic ou Stan Wawrinka. Un garçon comme Stan Wawrinka leur a fait beaucoup de tort dans la façon dont ils ont été perçus. Attention ce n’est pas la faute de Stan (rires). Stan, à 27 ans, était derrière un Tsonga ou un Gasquet. Puis il s’est mis à gagner des Grands Chelems. Je pense que Stan avait tout depuis le début pour gagner, mais c’est lui qui a mis du temps.
Si on prend les 4 joueurs français, est-ce qu’ils ont vraiment raté quelque chose et est-ce qu’ils auraient pu ou dû faire mieux ? Difficile à dire. Je trouve qu’ils avaient tous certaines lacunes qui leur manquaient pour battre ces joueurs-là. Richard Gasquet manquait de puissance, d’une très grosse première balle. Il a quand même fait une carrière assez formidable. Il perd 3 fois en demie de Grand Chelem, à chaque fois contre Djokovic, Nadal ou Federer. Des joueurs beaucoup trop forts pour lui. Jo-Wilfried Tsonga les a tous battus en Grand Chelem. Mais il ne fallait pas en battre qu’un pour gagner. Un garçon comme Marin Cilic, à mon avis, a eu une part de réussite quand il gagne l’US Open. Il sort Federer en demi, mais Nishikori fait une partie du travail en sortant Djokovic. Est-ce qu’il aurait gagné l’US face à Djoko ? Peut-être, peut-être pas.
LAURENT VERGNE – LE TENNIS CE N’EST PAS DES GRANDS CHAMPIONS ET DES TOCARDS, IL Y A UN JUSTE MILIEU
Après, rien n’arrive par hasard, car derrière Cilic refait deux finales de Grand Chelem. Cela le place très largement au-dessus de Tsonga, Gasquet et encore plus de Monfils ou Simon. La vie ce n’est pas tout noir ou tout blanc. On n’est pas soit un grand champion soit un tocard. Je pense que les Français étaient de grands joueurs. Peut-être que Tsonga a été un très grand joueur, mais il aura manqué quelque chose pour être un grand champion. Et c’était d’abord nos Français qui avaient des manques. Et ont eu la malchance de tomber sur cette génération-là. Cela explique une partie du fait qu’ils ne sont pas allés au bout en Grand Chelem.
LAURENT VERGNE
Avec Etienne GOURSAUD