Laurent Lemaire, moniteur de ski et alpiniste émérite, est au coeur du projet XCSS Climate Can’t Wait. Il a testé le ski sur sable avec succès ! Un acte fondateur pour le projet d’Estelle Peyen dans le désert du Sahara, à l’horizon 2022. Il nous présente cette nouvelle discipline, son implication dans ce projet.
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LAURENT LEMAIRE : LE SKI SUR SABLE M’A TOUJOURS INTERESSE
J’ai rencontré Estelle Peyen lors d’une projection qui évoquait les expéditions polaires. Elle était diététicienne d’une personne qui envisageait de faire la traversée de l’antarctique. On a échangé après la projection. Je suis skieur, avec une pratique assez complète sur le ski. Il se trouve que j’ai accompagné des groupes et que j’ai fait quelques traversées de régions arctiques. Estelle a commencé à me parler de son projet, dans lequel il y a du ski su sable. Le ski sur sable m’a toujours intéressé, moi le montagnard alpiniste. J’ai pensé à Roger Frison-Roche*. Il a fait des expérimentations de ski sur sable, dans le désert en Algérie.
Je n’avais jamais essayé et c’était une bonne occasion de tester et de voir comment le ski se comporte sur le sable. J’ai fait un essai et j’en ai reparlé à Estelle. De fil en aiguille, j’ai trouvé son projet assez intéressant. Il évoque les aspects du changement climatique. Je suis sensibilisé à ce qu’il se passe, car je pratique le ski en région froide. Et je vois la transformation qui s’opère à travers le réchauffement. Je lui ai proposé mes servies en tant que conseiller technique, ce qui est déjà mon rôle dans d’autres associations reliées au thème du changement climatique.
LE SKI SUR SABLE GENERE UN EFFORT PHYSIQUE PLUS IMPORTANT QUE SUR LA NEIGE
Il y a deux styles en ski de fond. Le style classique, avec les skis parallèles et le skating, avec les skis légèrement de biais et sur lesquels on prend des appuis de quart, avec des phases de glisse importantes. Le ski, par définition, est un sport de glisse, que ce soit du ski de fond, de montagne, de descente… En testant sur sable, je savais que le skating n’était pas envisageable, dans la mesure où les appuis ne peuvent se faire et où la glisse est limitée voire réduite à néant. Mais, à ma grande surprise, en classique, je n’ai rien mis sous mes semelles. Sur de la neige, on va mettre du fart qui permet de prendre appui sur le ski. Il peut servir d’anti-recul et de glisse. En classique, il faut mettre de l’anti-recul, pour prendre appui sur la jambe au sol tout en ayant le ski bien ancré sur la neige. Pour bien propulser le corps vers l’avant.
Il n’était pas question de mettre du fart sous mes skis, sinon cela va coller et on ne pourra pas plus avancer. Et sans fart, on réussi à ancrer légèrement le ski dans le sable. En revanche, la phase de glisse est très courte. J’ai testé le ski sur deux plages. Une avec du sable très fin et une autre avec du sable plus granuleux. Quand le sable est fin, on réussit à avoir une petite phase de glisse. Mais le ski sur sable génère un effort physique bien plus important que sur de la neige. On a imaginé un parcours beaucoup plus court. Car on ne peut pas s’engager sur un 42 km, ce n’est pas possible. Mais sur 10 km maximum, c’est faisable, même si ce sera dur physiquement.
LAURENT LEMAIRE : DES STATIONS DE SKI SONT EN TRAIN DE REVOIR TOTALEMENT LEURS ACTIVITES
Si le test n’avait pas été concluant, il n’y aurait pas eu de remise en cause du projet. Le ski évoque plein de choses. Le ski sur sable implique un futur sans neige, mais avec la possibilité de maintenir cette activité-là. On veut montrer qu’une pratique comme le ski, peut être envisagés dans des conditions totalement différentes, liées à la disparition de la neige. De façon un peu ironique, regardez le coup de Sirocco en Février dernier. Avec le sable qui est venu recouvrir les montagnes. La neige était devenue orange.
Certaines stations sont en train de revoir totalement leurs activités. Je prends l’exemple d’une, dans le Doubs, qui revoit complètement la façon de gérer son tourisme, en inhibant la pratique du ski. Elle est en train d’imaginer des activités, développer le cyclisme, la randonnée voire la découverte géographique. Il se passe des choses. Il y a des vraies réflexions autour de la pratique du ski.
UN HIVER COMME ON L’A VECU, NE DOIT PAS TRADUIRE AUPRES DES CITOYENS QUE LE RECHAUFFEMENT EST UNE BETISE
Les scientifiques nous disent que ce n’est pas parce qu’il y a réchauffement qu’il n’y aura plus de précipitations. Au contraire, les courants marins jouent énormément. Le réchauffement entraîne une hausse du dégagement d’humidité. Plus on chauffe les océans, plus l’humidité se dégage. Quand elle monte, elle se refroidit et se transforme en neige. Cette année, il y a eu énormément de précipitations. Un hiver comme on l’a vécu, ne dois pas traduire auprès des citoyens, que le réchauffement est une bêtise. Ce n’est pas parce qu’il a neigé, comme c’est le cas fin mars. On se retrouve dans des situations contradictoires. Mais tout le monde semble se rendre compte qu’il y a un dérèglement climatique.
Mais il y a des épiphénomènes. Avec la crise sanitaire, les stations alpines n’ont pas été ouvertes. Pas de remontées mécaniques, alors que tous les massifs étaient parfaitement enneigés. C’est un peu ironique ! Tout comme la météo exceptionnelle, il y a un an, au moment du premier confinement.
LAURENT LEMAIRE : LE VOLET DE L’IMPACT DE L’EFFORT PHYSIQUE DANS LA CHALEUR VA ETRE INTERESSANT
Comment le corps va réagir à l’effort physique en pleine chaleur ? À vrai dire, je n’en sais rien (rires). Dans l’équipe, on aura des spécialistes en physiologie et adaptation en situation extrême et des préparateurs physiques. Après, on parle de chaleur, mais vous savez, quand on part dans le grand froid, on doit le considérer aussi et ce n’est pas quelque chose que l’on connaît tous les matins, surtout en ce moment. J’ai envie de dire, on connaît mieux les moyens qu’il y a, pour s’adapter (en effort) au grand froid.
En revanche dans le désert, à part les Touaregs qui maîtrisent absolument bien leur pratique. Et encore, les Touaregs ne font pas de ski non plus. Ce volet-là va être très intéressant. Comment se préparer, quelles sont les impacts physiologiques chez l’être humain. Le marathon des sables demande un suivi médical et une adaptation particulière. Mais aussi une longue préparation pour se confronter aux grandes chaleurs. Il est plus facile de se protéger du froid que du chaud. En terme de sudation, en terme de résistance.
LAURENT LEMAIRE : UTILISER MES COMPETENCES POUR AIDER LE PROJET
Je suis là également pour apporter certaines compétences, comme la réalisation et la construction de reportages. Ce qu’attend un téléspectateur, mais aussi ceux qui regardent uniquement sur numérique. J’ai de l’expérience en sémiologie d’image. Ce serait idiot de ne pas utiliser ses compétences. C’est comme quand j’emmenais des groupes en expédition. On prépare, on organise, on planifie, on vérifie que tout est en place, on trace le chemin ensemble, les objectifs. C’est un travail collaboratif.
Estelle fait un boulot formidable, à travers les réseaux sociaux pour promouvoir le projet. La situation est particulière avec le contexte sanitaire. Tout passe par réseaux sociaux et les Visio conférence. J’apporte ce que je peux apporte au projet, par mes différentes expériences. Le fait qu’on a rejoint 1% pour la planète va nous aider énormément.
Aujourd’hui, je ne pense pas que le réchauffement climatique puisse être renversé. L’objectif est de limiter la casse. J’ai envie de croire qu’on est dans un cycle auquel on peut mettre fin. C’est une affaire collective et citoyenne. Il y a une chose qui me fait peur. Je ne voudrais pas qu’on sature les gens d’informations anxiogènes. Il ne faut pas se laisser embarquer là-dedans. Il ne faut pas rabâcher, car les gens vont en avoir marre, comme ils en ont marre du Covid. On est dans une société individualiste. L’aspect collectif est une option que tout le monde ne prend pas. Pour limiter la casse, il faut unir les forces et tout le monde doit se mettre en marche.
LAURENT LEMAIRE : JE VOIS DES CHOSES QUI ME HERISSENT LE POIL
Quand j’entends à la radio, à la télé, les publicités pour les SUV, qui représentent 50% des écrans, alors qu’on sait pertinemment qu’ils polluent 15% d’un véhicule de type berline. Qu’est-ce qu’on se raconte par rapport à cela ? Il y a les politiques, les industriels. On est dans une transition écologique, qui ne se fera pas du jour au lendemain. Je vois des choses qui me hérissent le poil. On peut avoir une prime sur un achat d’un vélo électrique, alors qu’il n’y en a pas pour celui qui veut acheter un vélo classique.
On sait que le vélo électrique est pollueur. Que fait-on des batteries ? Du cuivre qui achemine le courant dans les bornes de recharge ? L’électricité n’est pas verte. Le vélo n’a pas de pot d’échappement, mais il pollue quand même. Les mines de cuivre en Amérique du Sud provoquent des dégâts écologiques et humains. C’est bien que les gens fassent du vélo. Dès que je peux, j’essaie de ne pas utiliser la voiture. Tout ce que je peux réduire, je le réduis.
Le projet a une originalité, c’est que ce n’est pas une compétition sportive. Il y a autre chose derrière tout cela.
LAURENT LEMAIRE XCSS CLIMATE CAN’T WAIT
Avec Etienne GOURSAUD
*Roger Frison-Roche est un ancien guide de haute-montagne, mais aussi journaliste conférencier et grand explorateur.