Juliette Labous a remporté le Tour de Burgos au mois de mai dernier. La Française de 23 ans a franchi un cap en battant à la pédale de très solides concurrentes. De quoi lui donner de la confiance au moment d’aborder le Giro Rosa qui débutera le 30 juin. Une des plus grandes courses à étapes de la saison, dont la Française a déjà terminé meilleure jeune en 2019 (11e) et 7e l’an passé. Elle aborde la course avec ambition. Juliette Labous nous parle également de sa vie au sein d’une équipe étrangère, la Team DSM. Mais aussi l’explosion médiatique du cyclisme féminin ces dernières années.
Crédit : TEAM DSM / COR VOS
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JULIETTE LABOUS – LA PLUS GRANDE VICTOIRE DE MA CARRIÈRE
Cette victoire au Tour de Burgos reste une petite surprise, même si je savais que j’étais en forme. J’allais là-bas avec l’ambition de jouer le général, mais je ne savais pas si c’était vraiment possible de jouer la gagne. On peut parler de petite surprise. C’est une victoire qui va me donner de la confiance. Je ne suis jamais vraiment confiante avant d’arriver à réaliser un objectif et de faire une performance. Mais une fois que c’est fait, je sais que je peux le refaire pour la suite.
C’est la plus grande victoire de ma carrière clairement, celle que je cherchais pour franchir un cap et j’espère que cette victoire va en débloquer d’autres. Et m’amener d’autres succès. Je pense avoir franchi un cap autant physique que mental. Sur le Tour de Burgos, je n’avais pas des chiffres de puissance si exceptionnels. Mais mentalement, lors de l’avant-dernière étape, je me suis dit que je me sentais aussi bien que les autres, qu’il n’y en avait pas une qui paraissait plus forte que moi. Je savais qu’on était à peut près au même niveau. Je me suis dit que c’était possible de jouer la gagne. Et c’est la première fois depuis que je suis pro que j’ai eu ce sentiment en course. J’ai connu ça quand j’étais en juniors.
Cela fait du bien de se sentir au même niveau que les autres. C’est assez sympa et on a moins d’appréhension. Juste l’envie de gagner. Et c’est un peu ce que je recherchais ces dernières années. Mais je n’étais pas prête physiquement à cela. Il fallait que je progresse. Je ne pense pas que quelque chose ait vraiment changé. Mais je continue à travailler et à progresser de façon constante depuis mon passage chez les pros. Et au bout d’un moment, ça allait forcément payer.
POURQUOI PAS LE PODIUM SUR LE GIRO
Forcément, cela réhausse les ambitions pour le Giro (NDLR : Le Giro Rosa se déroule du 30 juin au 10 juillet). Je visais le Top 5, mais je me dis : “Pourquoi pas rêver du podium”. Il ne faut pas non plus s’enflammer. Sur le Tour de Burgos, il n’y avait pas Annemiek Van Vleuten et Ashleigh Moolman. Ce sont deux filles à ne pas oublier. Mais c’est sûr que mon succès donne envie mais aussi un peu de pression. Mais de la bonne pression. Je ne pense pas que mon statut ait changé. Je serais sans doute plus attendue oui, mais au sein de mon équipe, l’objectif était déjà le classement général. Mais peut-être que les autres vont me considérer davantage comme une favorite.
Le podium reste dans un coin de ma tête, mais c’est une course de 10 jours, jamais évidente à gérer. Il peut se passer beaucoup de choses. Que ce soit positif ou négatif. Je ne veux pas me mettre trop de pression.
JULIETTE LABOUS – L’ÉQUIPE DSM A SU ME FAIRE GRANDIR SANS BRULER LES ETAPES
Est-ce que je suis une pionnière pour être partie directement à l’étranger dès le début de ma carrière ? Je ne me suis pas posé la question. Mais cela s’est fait naturellement. J’avais été contacté et j’avais fait des stages en Junior 2. J’étais déjà dans le bain et cela s’est vraiment fait de façon naturelle. Mais c’est sûr que ce n’est pas très courant. Le fait de passer pro très jeune, m’a sans doute aidé à grandir plus rapidement. On a pu penser que c’était trop tôt pour passer directement pro. Mais je n’ai jamais voulu me faire de freins. Finalement c’est la même chose que quand j’étais au collège et que j’ai voulu intégrer le Pôle espoirs. Cela ne me faisait pas vraiment peur. Il n’y a pas forcément de règles.
C’est difficile pour moi de comparer les méthodes de travail en France et à l’étranger car j’ai toujours couru à l’étranger. Mais je suis dans une équipe néerlandaise de la DSM où la culture du cyclisme est très importante. Leur discipline et leur rigueur est assez particulière. Mon équipe m’a laissé tranquillement grandir, sans brûler les étapes. C’est sans doute la clé des premières années, de ne pas vouloir m’en faire faire trop. Même si j’étais très motivée et que j’aurais tendance à faire pas mal de trucs. Ils ont voulu me préserver et c’est important.
ON SE CÔTOIE AVEC L’EQUIPE MASCULINE
On se côtoie avec les garçons. Il y a toujours un rassemblement en fin d’année. C’est vraiment sympa, car il y a une bonne ambiance, on peut échanger le soir. On a quelques stages en commun dans l’année. Même si on ne roule pas ensemble, on partage le même hôtel. On se croise pas mal, même si, avec le Covid, c’était plus particulier. On discute parfois avec les deux Romain (Romain Bardet et Romain Combaud). L’an passé plutôt par visio car on n’avait pas le droit de se croiser. Mais là, on a pu davantage échanger avec Léa Curinier. On est les 4 Français de l’équipe (rires) et on s’entend bien.
Ils ne sont pas forcément venu me demander des conseils suite à leur arrivée. On a le même agent sportif qui sait un peu comment cela se passe. On échange pas mal là-dessus ceci dit.
JULIETTE LABOUS – JE SUIS ALLÉE ROULER PRÈS DE CHEZ MOI, DES GENS ME SALUAIENT
On se rend compte du changement de médiatisation du cyclisme féminin. Sur mes deux premières années pro, c’était dur de pouvoir suivre une course. Maintenant, c’est quand il y en a une qui ne passe pas à la télé que c’est le scandale sur les réseaux. Malheureusement je n’ai pas eu de chance sur le Tour de Burgos. Il fallait qu’il y ait un souci de retransmission pour ma première grande victoire (rires). Récemment il y avait le RideLondon-Classique qui a eu lieu. Ils n’ont pas diffusé les deux premières étapes (NDLR : Autrefois une classique, la course est devenue une course à étapes sur 3 jours cette année). Cela a fait parler sur les réseaux et ils ont perdu leur statut de World Tour pour la saison prochaine.
Je sens que le public suit également. Il y a quelques jours, j’ai été rouler chez moi vers Besançon. J’ai croisé plein de gens qui m’encourageaient et qui me saluaient. Avant, ce n’était pas comme cela. Cela a changé, les gens s’y intéressent car on parle davantage.
LE TOUR DE FRANCE EST DANS UN COIN DE MA TÊTE
J’aimerais bien remporter le maillot tricolore sur le chrono. Sur la course en ligne, ce sera dur de jouer car nous ne sommes que deux et le parcours n’est pas très dur. L’ambition sera de ramener le maillot après le chrono. Mais il faut aussi se rendre compte que nous ne sommes plus deux ou trois à y prétendre. Il y a beaucoup de filles qui sont capables de gagner en France. Cela va être très intéressant.
Il fallait attendre que notre génération pousse. Car entre la génération de Pauline Ferrand-Prévôt, Audrey Cordon-Ragot et la nôtre, il y a eu un petit trou. Il fallait attendre que des filles comme Evita, Clara et d’autres progressent et jouent au niveau international. Et ça y est. On n’avait pas de complexes chez les jeunes, y compris face aux étrangères. Et cela va être pareil chez les pros désormais.
Le Tour de France est dans un coin de ma tête. Il y a pas mal d’attentions au niveau des médias. J’y pense et j’espère vraiment y participer. J’ai reconnu certaines étapes. Cela va permettre de passer un nouveau palier pour le cyclisme féminin. C’est vraiment bien et j’ai hâte d’y être. On en parle beaucoup et je pense que le prochain mois va passer très vite.
JULIETTE LABOUS
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