Tous les lundi, l’Humeur de Sans Filtre revient sur un ou plusieurs faits d’actualité. Aujourd’hui, le premier week-end frissonnant du Tour de France, et notamment le succès de Mathieu Van der Poel.
“Week-end de début de Tour, week-end rempli d’amour”. Voilà un dicton qui siérait à ravir aux deux premières étapes de ce 108e Tour de France, marquées par les brillants succès de Julian Alaphilippe et Mathieu Van der Poel. Avec pour les deux puncheurs, un carburateur aux racines communes, l’émotion née d’évènements familiaux marquants. Ainsi, le champion du monde français trouva les ressources au fond de lui pour résister dans les derniers hectomètres de la côte de la Fosse aux Loups en pensant à son jeune Nino, qui venait de naître quelques jours auparavant. Van der Poel dominait le mur de Mûr-de-Bretagne comme si son grand-père, Raymond Poulidor, l’attendait au sommet pour lui donner le maillot jaune.
Deux coureurs comme des passerelles vers les points cardinaux d’une existence : l’un songe à l’être aimé qui rejoint le monde, l’autre pleure celui parti trop tôt. L’émotion personnelle se révèle être une source de motivation supplémentaire dans le sport, c’est indéniable. La joie, bien sûr, mais aussi la colère, la rage, la frustration, la tristesse aussi, tout simplement. Les exemples sont nombreux, et le cyclisme à lui seul peut en témoigner. Fin août 2020, Julian Alaphilippe débloquait une saison jusqu’alors compliquée sur la Promenade des Anglais, en décrochant la 2e étape du Tour et le maillot jaune, deux mois après la disparition de son père. Les mêmes larmes coulèrent sur le podium d’Imola quelques semaines après, tombant sur son nouveau maillot arc-en-ciel, tunique qu’il lui avait promis de décrocher.
Mathieu Van der Poel pour Poupou
Hier, Mathieu Van der Poel semblait intenable. Lui seul pouvait expliquer pourquoi il était sorti en force du peloton dès la première ascension de Mûr de Bretagne, se payant un effort important avant le money-time. Il n’avait pas que la victoire d’étape en tête, il convoitait aussi le maillot jaune. Celui qu’il n’avait pu obtenir la veille, perturbé par la chute dans le final, et trop loin quand les choses s’accéléraient. Sans doute aussi un peu écrasé par le paletot que l’équipe Alpecin-Fenix avait eu l’autorisation de porter, tout droit inspiré de la tunique Mercier que portait Raymond Poulidor, son “opi”, pour utiliser un terme qui avait la pancarte ce week-end.
Déchaîné, Mathieu a donc fait d’une pierre deux coups. Profitant d’un Julian Alaphilippe dont les jambes tournaient moins bien, il domina largement la seconde montée (dernier kilomètre ICI), suffisant pour revêtir le maillot jaune, ce qui méritait bien un doigt pointé vers le ciel au moment de franchir la ligne. Il venait de conquérir en deux jours ce que Poupou n’avait jamais réussi. Poupou, pas seulement l’éternel second, aussi celui qui n’avait jamais porté la tunique dorée de leader du Tour, bien qu’on eut pu penser le contraire, lui qui à la retraite affichait si bien la chemise jaune de son sponsor.
Van der Poel mit du temps à réaliser, assis à même le sol, la tête dans les mains. Les larmes coulèrent pendant quelques minutes. La douleur d’avoir perdu celui dont il était si fier d’être le petit-fils, il a su la transformer en force. De tous les sentiments qui ont poussé les vainqueurs du week-end n’a débouché qu’une sensation : la fierté. Un week-end à donner la chair de Poel.
Mathéo RONDEAU
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