Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Cheick Sidibé, Champion de kick-boxing et de boxe thaï, nous raconte sa double vie pour conjuguer sport pro avec vie professionnelle. Découvrez son récit, entre sa passion pour les sports de combats, ses études brillantes et sa reconversion sportive.
J’ai grandi dans le Val de Marne dans la commune de Joinville-le-Pont. Je suis le troisième enfant issu d’une famille nombreuse, nous sommes 3 sœurs et 2 frères. J’étais un jeune assez classique, j’aimais beaucoup le sport, jouer et rigoler aves mes amis. Comme tous les jeunes de mon âge, j’appréciais énormément le football.
J’ai donc commencé par ce sport en club. À l’âge de 13 ans, j’ai connu une blessure pendant un match de foot, une double fracture tibia péroné. J’ai donc eu peur des contacts dans le football par la suite et j’ai pris du recul sur la compétition. Un jour en allant voir un match près de chez moi, j’ai vu le père d’un adhérent du club se battre avec des jeunes venus voler dans le vestiaire. Le père leur a donné une belle correction et j’ai tout de suite été admiratif de sa technique. J’ai appris quelques minutes après que cet homme était professeur de kick-boxing dans la commune et que ses entraînements étaient excessifs et difficiles. Amoureux du défi avec un ami, on s’est dit qu’on irait faire un cours et qu’on comptait bien perdurer malgré la difficulté.
Lorsque j’ai débuté, la boxe pour moi était un défi, un jeu et pas spécialement une vocation. Je ne ressentais pas l’envie d’en faire carrière. J’aimais aller me défouler, prendre des coups et en mettre. Le plus amusant surtout à l’époque, c’était de voir mon pote prendre des coups et le voir pleurer, c’était marrant et inversement pour lui. On avait 14/15 ans on faisait les exercices en chahutant et on se faisait ramasser par le coach et les adultes ayant déjà un bon niveau. On était des gosses physiquement, mais c’était fun. On revenait à chaque fois plus motivés que la veille.
Lorsque j’ai commencé la compétition, j’y ai pris goût et les résultats positifs sont rapidement arrivés. Du coup j’aspirais à donner le meilleur de moi-même sans chercher à devenir un pro où un grand champion. J’ai beaucoup évolué par étape, en me disant de gagner combat après combat puis titre par titre. Je n’ai jamais calculé ou fixé un plan de carrière. C’est le travail et les efforts qui ont fait ce que je suis aujourd’hui.
LES ÉTUDES, MA PRIORITÉ
La boxe a cependant toujours été secondaire pour moi. La priorité était les études et ma carrière professionnelle. Je tentais bien entendu de jouir de mes résultats sportifs un peu. J’ai donc toujours poursuivi mes études bien que par moment je fixais en priorité mes compétitions sportives.
Je suis passé par le lycée puis la fac. Le rythme, assez cool, me permettait de pratiquer mon sport tous les jours après les cours. Des entraînements de deux heures avec un footing en plus un jour sur deux, le dimanche étant mon jour de récupération. La fac me permettait d’avoir pas mal de disponibilités mais lorsque les partiels arrivaient je devais redoubler d’effort. Je bossais donc à flux tendu pour pouvoir coupler le sport et les études.
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En 2006 je deviens champion de France élite et je fais les Championnats du Monde en Thaïlande ou je sors quart de finaliste. Je valide en parallèle mon master et rentre en 2007 dans la vie active. Il est alors difficile pour moi de conjuguer début de carrière professionnelle et sport de haut-niveau. J’avais un statut cadre avec des horaires à rallonge donc ce n’était vraiment pas évident de bien faire le tout, d’être frais et reposé et surtout de performer. En 2007 je dis stop, j’arrête la boxe ou plutôt je la mets de côté pour me focaliser sur mon emploi d’ingénieur commercial qui était la suite logique à mes études.
J’avais l’impression d’avoir donné le meilleur de moi-même dans le sport, j’avais donc à ce moment décidé de mettre un terme à ma carrière. Mais je continuais à prendre du plaisir à aller m’entraîner lorsque je trouvais le temps. Pour un compétiteur comme moi, la compétition me manquait, mais je restais focalisé tout de même sur ma carrière professionnelle.
UNE PLÉNITUDE SPORTIVE ET PROFESSIONNELLE
En 2010, après trois années d’expérience en tant qu’ingénieur commercial, je gérais mieux mon travail et arrivais à m’organiser pour m’entraîner un peu plus le soir. Suite à une opportunité proposée par un manager sportif, je me suis dit pourquoi pas repartir au charbon. J’ai décidé de reprendre et de m’inscrire aux Championnats de France élite de kick-boxing et de boxe thaï. Avec du travail et des acquis je perds en finale des Championnats de France de kick-boxing et gagne le titre de champion de France de boxe thaï.
Aujourd’hui j’ai plus autant de temps pour m’entraîner qu’avant, mais j’ai beaucoup d’expérience. J’ai un emploi qui me permet de m’organiser et j’aime le défi et les challenges. On me contacte uniquement pour des opportunités internationales, alors après études des propositions je fonce. J’ai 35 balais. Quand j’arrive à l’entraînement et que je vois les petits jeunes de 25 ans à fond dans leur pratique et que moi à côté j’ai encore un très gros niveau malgré le manque d’entraînement régulier, cela me conforte et me motive.
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Chaque année je me dis que c’est bientôt la fin, que je vais arrêter de boxer. En 2013, je deviens Champion du Monde de boxe thaï face au brésilien Marcelo Tenorio (d’autres titres ont suivi). J’avais atteint mon Graal sportif, j’ai vraiment pu mesurer tout le chemin parcouru. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé ma reconversion sportive.
À la base je suis titulaire d’un master « conduite du changement et gestion du potentiel humain spécialisé dans l’étude des sciences comportementales ». J’ai donc passé une formation de préparateur mental pour sportif de haut-niveau. L’idée est d’accompagner les équipes, les structures et les athlètes dans le but d’être plus performant. Je travaille avec mes clients vers la définition et l’atteinte d’objectif. Mon rôle est de leur donner les clés pour performer. Je vais travailler par exemple sur la gestion du stress, la cohésion d’équipe, la motivation ou remotivation, la concentration, etc. Dans le sport de haut niveau la chose qui fait la différence c’est le mental et tout le monde ne sait pas se servir de son mental à bon escient. Un préparateur mental n’est pas fondamentalement obligatoire pour un athlète, mais il peut toujours lui apporter un plus au cours de sa carrière. J’ai choisi ce métier de préparateur mental parce que je voulais garder un lien avec le monde du sport, mais moins avec la pratique sportive. Je voulais également pouvoir faire bénéficier et partager les expériences de mon parcours et de ma carrière sportive. Aujourd’hui je travaille avec une multitude de sportifs et dans tous les sports.
Je suis fier des résultats et des nombreux sacrifices que j’ai fait pour en arriver là. Mais à vrai dire c’est la vie qui est comme cela. Avec du recul jamais je n’aurais pensé arriver ici et en même temps jamais je n’aurai aspiré à en arriver là. Ce n’est que du plus pour moi.
Si je peux donner un conseil, ce serait : le travail, le travail, le travail paie toujours.