Bourg-de-Péage handball est pensionnaire de la LFH depuis la saison 2017-2018. Le club de handball drômois grimpe les échelons petit à petit et s’est invité pour la première fois aux play-offs, qui ont débuté ce week-end. Pour son premier match, elles se sont inclinées 25-20 sur le parquet de Paris 92. On vous plonge au coeur de ce club, qui grandit petit à petit et qui a réussi à développer bon nombres d’activités autour du handball.
Crédits : Bourg-de-Péage Handball
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ON A FAIT DES EXPLOITS, ON A PERDU QUELQUES MATCHS À NOTRE PORTÉE
Les Play-Offs ne sont pas une réelle surprise. L’objectif de Bourg-de-Péage Handball, en début de saison, était autour de la 8e et de la 9e place. La 8e est devenue qualificative contrairement à la 9e place. Si on était en play-down ce n’était pas un scandale, mais si on était en play-offs ce n’était pas un scandale non plus. On n’avait pas pour objectif les play-offs, mais plutôt de terminer à ces places. Mais quand on a vu qu’on pouvait les jouer, c’était tant mieux. Mais on reste dans nos objectifs : gagner un ou deux places chaque année.
On fait un très bon début de saison, avant d’être touché par le Covid. On a coup sur coup 7 joueuses, puis 6 joueuses qui ont contracté le virus. Pendant presque un mois, on n’a pas pu disputer de match. Ensuite, on joue trois matchs en une semaine (Dimanche , Mercredi, samedi) à notre portée pour Saint-Amand et Toulon et un peu moins à Besançon. On les perd et c’est vrai qu’on prend un petit coup sur la tête. Ce sont des rencontres où on doit faire mieux en termes de résultat. Cela nous amène dans le dur au moment de la reprise en janvier. De plus ; nous avons eu 3 grosses blessures (avec opérations en Novembre/décembre).
Mais on va créer l’exploit en gagnant à Nantes et contre Paris, même si on avait déjà battu les Parisiennes en début de saison (match a rejoué pour réclamation des Parisiennes contre la Fédé). C’est une équipe qui nous réussit bien. On avait coché ce match. On a fait des exploits, mais on a perdu quelques matchs donc finalement c’est un retour des choses cette 8ème place.
ETRE DAVANTAGE PRÉPARE POUR DISPUTER UNE COUPE D’EUROPE
Avec les Play-Offs, c’est le poids du maintien qui s’envole. C’est la première année que l’on vit ça et cela va faciliter la préparation de la saison prochaine, notamment au niveau du recrutement. On peut finir une saison en jouant libéré et profiter des choses, sans les subir. Mine de rien, il n’y avait pas de gros écarts entre les équipes et jouer un Play-Down comporte toujours un risque. Aujourd’hui (NDLR : vendredi dernier) , j’ai vu la première journée de cette phase. Et je suis bien content qu’on n’y soit pas.
Jouer l’Europe ? Franchement, on n’y pense pas et ce serait une anomalie pour Bourg-de-Péage Drôme Handball d’y être cette année. On n’a pas à être là-dedans. Une coupe d’Europe c’est une bonne surprise sportivement, mais cela peut être une moins bonne financièrement. Pour y aller, il faudra être davantage préparé. Notre objectif est de remporter un maximum de points, tout en engrangeant de l’expérience dans ce championnat-là ! On sait qu’on fait partie des équipes qui comptent et on a de l’avance sur notre feuille de route. Surtout, cette coupe d’Europe, on aimerait pouvoir la jouer d’ici deux où trois ans. Là, c’est beaucoup trop tôt et il y a beaucoup d’équipes plus compétitives que nous.
BOURG-DE-PÉAGE HANDBALL VEUT UNE PROGRESSION LENTE MAIS LINÉAIRE
Ce projet s’est construit de deux manières. Nous avons été très pertinents sur le volet sportif, avec le recrutement de notre entraîneur Camille Comte, il y a sept ans. Mais aussi le directeur du centre de formation. Nous comparons souvent le projet à celui d’un jardinier, qui sème, cultive avant de récolter. Il faut construire sans que ce soit n’importe quoi. On veut une progression lente mais qui soit linéaire. Bourg-de-Péage se veut comme un club de handball innovant. Nous avons au total 34 salariés au club (je pense le plus grand nombre dans ce championnat). Il y a beaucoup de projets innovants également, avec beaucoup de salariés, sur l’événementiel, la communication et le partenariat. Mais aussi beaucoup de salariés qui s’occupent de l’insertion professionnelle et du socio-éducatif. On a développé tout un tas d’activités. Et nous sommes très impliqués localement.
Brigitte Klinkert, la ministre délégué à l’insertion est venue voir notre projet il y a quelques mois. Beaucoup de personnes viennent voir notre projet (des maires, des clubs, des députés, des autres pays,…) Ce programme d’insertion est parti d’un diagnostic. Plein de personnes nous ont dit qu’on avait un gros réseau d’entreprises et nous savons que nous avons le sport un réel outil générateur de lien sur le territoire.
Elles nous ont demandé ce qu’on pouvait faire pour participer à l’effort collective pour répondre à l’enjeux du chômage sur le territoire. On a commencé à réfléchir et faire de petites initiatives autour de l’insertion professionnelle. On a commencé par des actions ponctuelles, en mettant sur un même terrain de hand et en short des chefs d’entreprises et des demandeurs d’emploi, pour voir ce que cela pouvait donner. Ensuite, on a commencé à aller beaucoup plus loin, avec un premier programme qui s’appelle Hand’Ploi (initié grâce à notamment l’aide de la Fondation Eiffage). On a condensé des initiatives sur une semaine, sous forme de SAS/Stage.
HAND’PLOI A REMIS SUR LE CIRCUIT UNE CENTAINE DE PERSONNES
Le réseau mais aussi la pratique sportive étaient à la base de tout ça. On a travaillé sur le savoir-être, l’état d’esprit et la motivation. De fil en aiguille, cela a beaucoup marché et on a réussi à réinsérer beaucoup de personnes. On a été sollicités et on a répondu à un appel à projet national (avec le Groupe Archer et la plateforme de l’emploi) avec un programme « Starting Blocks » de 3,5 millions d’euros sur trois ans. Mobiliser et remobiliser autour de 500 personnes, jeunes et moins jeunes grâce au sport, en lien avec la mobilisation d’entreprises en recherche de recrutement. Des SAS, de la formation. On a investi sur cette thématique et on a plusieurs personnes à temps plein maintenant qui ne s’occupent que de cela.
On mutualise tout ! Quand Bourg-de-Péage Handball va chercher un partenaire, on veut autant pour qu’il mette de l’argent sous forme de partenariat au club, que pour répondre à leur besoin de recrutement, car c’est ce qu’on sait faire. Le panel est plus grand et on a aussi créé un organisme de formation, qui intervient dans les entreprises, sur de la formation professionnelle. C’est finançable par les OPCO (opérateur des compétences), pour les partenaires. C’est un volet vertueux entre la partie insertion, formation, entreprise et club. Les postes peuvent se mutualiser. C’est vraiment un modèle atypique. Hand’Ploi a permis de remettre sur le circuit, une bonne centaine de personnes.
VOUS DEMANDEZ À N’IMPORTE QUEL CHEF D’ENTREPRISE S’IL ARRIVE À RECRUTER, IL VOUS DIRA QUE NON
On a été lauréat en mars dernier pour le projet Starting-Blocks, qui a finalement commencé qu’en septembre à cause du Covid. On a réussi à toucher 80 personnes déjà. D’ici un an ou deux, on devrait toucher plus de 200 personnes, en plus du premier programme déjà réalisé. L’idée serait de monter à 500 personnes insérés durablement. D’autant qu’on est sur des publics souvent sans emploi depuis assez longtemps.
Ce volet attire les partenaires publics, car on travaille avec les collectivités. Mais aussi les privés. Aujourd’hui, vous allez dans la rue, vous demandez à n’importe quel chef d’entreprise s’il arrive à recruter. Ils vont souvent vous dire que non. Je pense aux restaurateurs, qui actuellement ne trouvent personne. Il faut savoir que les restaurants sont très demandeurs, malgré le fait qu’ils sont fermés.
Tout ceux qui étaient en CDD, ou qui commençaient juste leur métier (dans les restaurants, les bars,…) ont changé de filière (forcement) à cause de la crise. Il y a plein de restaurants qui vont avoir personne quand ils vont rouvrir. Bourg-de-Péage a fait un starting-blocks sur les métiers de bouche par exemple. On mobilise sur le savoir-être, tout en ayant une formation avec des partenaires locaux (Opus Formation), sur ces métiers.
Nous avons également créé une formation de responsable de petites et moyennes entreprises (RPMS). C’est un titre bac +2. On a 18 stagiaires de 12 clubs qu’on accompagne dans ce projet pendant un an. Aujourd’hui, je pense qu’on est un vrai pôle de formation et d’innovation.
BOURG-DE-PÉAGE HANDBALL EST UNE STRUCTURE QUI PEUT AIDER UNE AUTRE STRUCTURE
On a par exemple Constant, un salarié du Massy Handball (club exemplaire qui est très actif), qui est en train de se former chez nous. Des acteurs de Proligue, de National en foot viennent à Bourg-de-Péage Handball pour développer leurs compétences. Ca nous aide également grandement, grâce à un partage. On commence à avoir une vraie ingénierie et expertise. Hier (NDLR : jeudi dernier), nous étions dans un club de Lidl Starligue pour travailler sur un échange de pratique afin d’accompagner à structurer leur politique RSE.
Il faut savoir que, quand nous étions encore en D2, nous avions entre 1000 et 1300 personnes qui regardaient nos matchs. Aujourd’hui, on est pleins à chaque match, sauf en cette période de Covid. On était obligé de refuser du monde. Les joueuses qui viennent chez nous, nous disent qu’elles sont ravies d’être là. Il y a un KOP qui accueillent les joueuses, y compris durant le covid, à l’extérieur de la salle et même sans pouvoir entrer dans la salle.
C’est un de nos arguments pour le recrutement, ce public. (Avec un rire) Avec des fumigènes parfois devant le gymnase. Ils sont au taquet ! La ferveur a toujours été là, ce qui fait qu’on est un club qui a toujours fonctionné. On a 200 partenaires privés et pendant les matchs, on a 400 personnes dans l’espace VIP. C’est l’endroit où les gens se réunissent. On veut continuer à développer cet espace. Après, on reste humbles et on sait qu’on est un petit club, dans un petit territoire. Et on adore ça.
LA MÉDIATISATION NATIONALE EST TOUJOURS PLUS DIFFICILE
Localement, la presse nous suit énormément. Mais la médiatisation nationale est toujours plus difficile. C’est lié au manque de valorisation du sport féminin. On signe dans une semaine les accords sectoriels du handball féminin. L’ensemble des syndicats ont validé cet accord autour des joueuses de handball. Et c’est quelque chose qui n’a pas fait de bruit (pour l’instant). Demain, il y aurait eu la même chose sur le sport masculin, cela aurait été en page 3 de l’Equipe. On est dans un territoire avec un club de rugby en Pro D2 et nous. Nous sommes bien relayés localement, mais ce qui impacte et donne de la visibilité, c’est ce sont les gros médias qui vont retransmettre les matchs, les finales de coupe d’Europe et ceux de l’Equipe de France (à noter que TF1 a retransmis les dernières finales).
BeIN Sport était avec nous, maintenant c’est Sport en France. Mais que ce soit l’un où l’autre, il n’y a aucune redevance télé. Cela nous coûte de l’argent de retransmettre les matchs. Mais c’est indispensable. Je vais faire une remarque bête, mais plus on sera présent et plus on occupera l’espace médiatique, plus notre notoriété à de chances d’augmenter. Il ne faut pas se prendre la tête. Tous les clubs jouent le jeu de la retransmission et on impacte de plus en plus les différentes communautés. Mais, même si ce n’est qu’un avis personnel, on sent qu’on atteint certaines limites. La non reconduction du partenariat avec BeIN a été une mauvaise surprise, même si on est très content de Sport en France. On sent que chaque année, la médiatisation n’est pas actée et c’est un combat de chaque jour.
ON DOIT AVOIR LA PLACE QUI EST LA NÔTRE ET QU’IL Y AIT UNE ÉQUITÉ
Un truc tout bête, on s’est rendu compte que dans le Dauphiné, qui est notre partenaire Presse avec qui on fonctionne très bien, qui nous consacre pourtant des pages à Bourg-de-Péage Handball, on n’apparaissait pas dans les pages dédiées aux classements. On se rend compte que c’est tout le sport féminin qui n’y est pas. C’est quelque chose de futile, mais qui donne de l’information. Et on n’y est pas. Celui qui regarde un classement de foot et de rugby, s’il voit un classement de handball féminin, il peut se rendre compte que sa ville n’est pas si loin d’un club qui est présent. Ils nous l’avaient expliqué, en disant qu’en termes de nombre de pages ils sont limités et que si on mettait le hand féminin, il fallait mettre tout le sport féminin et qu’ils n’avaient pas la place nécessaire.
Par contre, je ne crois pas que cette présence doit se faire au détriment d’autres. Je suis assez pragmatique et je sais que l’économie générée par un club de N2 de football est bien plus importante que mon club de LBE. Ce qui fait la place médiatique, c’est aussi le développement économique. Qui on est pour dire à d’autres structures : “Vous générez 3-4 millions en termes d’économie mais, parce qu’on est le club de D1 d’un sport féminin, on doit être au-dessus de vous ?”. Je pense qu’on doit avoir la place qui est la nôtre et que le combat c’est de faire, s’il n’y a pas d’égalité, qu’il y ait au moins une équité. Pour qu’il y ait plus d’espace pour le sport féminin. Si on donne de l’espace, il va être pris et il va générer du trafic.
BOURG-DE-PÉAGE HANDBALL A RECONSIDÉRÉ SA RELATION AVEC SES PARTENAIRES
J’aime bien cette phrase qui dit : “Tout ce qui est matériel, on ne peut pas le donner et le dupliquer. En revanche, si je te donne une connaissance, je ne la perds pas de mon côté”. Il y a d’autres manières qu’un papier dans un journal, pour organiser les choses. Ce n’est pas que quelque chose de physique, mais plutôt une philosophie. Mais ce n’est que mon point de vue. Il y a plein de petites choses qui vont se matérialiser par une présence concrète.
Quand on a commencé à dire dans les entreprises : “Dans vos conseils d’administrations, il faut plus de parité”, il y a celles qui n’ont pas compris du tout, d’autres qui se sont plié sans comprendre et d’autres qui ont compris la philosophie et qui ont saisi l’opportunité de changer les choses et grandir. Et de donner la direction à des femmes. On est sur le volet de la compréhension de l’humain qui peut apporter, qu’il soit homme ou femme.
La crise du Covid a reconsidéré la relation de Bourg-de-Péage Handball avec ses partenaires. C’est une période difficile pour les clubs et pour tout le monde. Le lien social y est mis à rude épreuve. On dit souvent que les clubs de sports sont un vecteur de lien social. On se gargarise de ça, mais c’est une réalité. Ce sont des moments qui se créent et c’est pareil avec les partenaires. Ce sont des moments conviviaux qui ont permis de créer du lien. On a réussi à le réorganiser différemment. En faisant des actions, pour reconsidérer notre relation. Nous avons mis en place des actions compensatoires, pour construire et développer ce lien avec d’autres prestations. Voire en recréer. On s’est aperçu que, parfois, cela était devenu plus généraliste et/ou collectif.
ON A RECRÉÉ DU LIEN INDIVIDUEL
Bourg-de-Péage Handball a recréé du lien individuel et a su se requestionner sur la place qu’a un partenaire et comment on peut l’accompagner. On a réussi à générer des choses positives malgré la période. Dans ces relations/communication avec eux, il y avait de plus en plus de notion collective. C’était des mails à plusieurs personnes où des informations sur le réseau interne au partenaires. On s’est dit : “La relation un-un doit exister en individuel”. On a pris le temps de les appeler. Il y a des visites qui sont plus régulières. On a réussi à retrouver ce lien.
On a longtemps cru, car on avait 200 partenaires, qu’on devait avoir une gestion globaliste. C’est quelque chose qu’on a remis en cause car on préfère un lien beaucoup plus fort ! On est 8 salariés sur notre pôle et chacun s’est accaparé une quinzaine de partenaires sous forme de lien direct voir affectif. En créant de la proximité, en allant consommer chez eux. Et en le faisant en allant parler au patron, au directeur, pour créer cette synergie. Notre structure atypique et notre nombre important de salariés, nous a permis cela. Cela génère encore plus de business malgré la période du Covid. On a retrouvé ce côté familial et convivial qui nous va très bien.
ON AIMERAIT AVOIR UNE UTILITÉ LOCALE ET ÊTRE INCONTOURNABLE SUR LE TERRITOIRE
Nous sommes un cluster de partenaires, mais un cluster familial. Qu’est ce qu’il se passe dans une famille ? Une relation frère-sœur, fils-mère, fils-père. Toutes ces relations existent et l’ensemble crée la famille et le lien collectif. On était parti comme cela, pour créer la relation partenaires. Plus on avance dans le temps, plus on développe le réseau et on avait moins ce lien et on a réussi à recréer cela. Il faut que les gens se connaissent. Le “ça va” collectif a beaucoup moins de sens que le “ça va” individuel ! On peut aller au cœur des questions et leur demander de quoi ils ont besoin.
Sportivement, on aspire à disputer une coupe d’Europe. On veut devenir un des centres de formation les plus performants et innovants, ce qui commence à être le cas. On voudrait avoir un modèle très carré autour de cette société qui s’est créée depuis un an et demi. Être très bon en termes de gouvernance. J’ai aussi deux perspectives personnelles, que je cherche à promouvoir. On veut répondre à des maux de société et avoir une utilité sociale. On travaille sur plein de thématiques pour renforcer cela. Mais on aimerait aussi avoir une utilité locale.
Il y a plein d’actions qu’on mène, comme notre présence au comité de pilotage, de Start Up de territoire » avec le Groupe Archer et l’Agglo de Valence Romans (et d’autres acteurs). Objectifs : créer 100 start up non délocalisable et 1500 emplois. On veut être très impliqué, car on est persuadés que si on réponds à des besoins locaux, Bourg-de-Péage deviendra de plus en plus incontournable. Ce qui nous situera dans le vrai, en termes de développement. On veut apporter notre part.
BOURG-DE-PÉAGE HANDBALL
Avec Etienne GOURSAUD
Retrouvez la plongée au cœur du club de Besançon.