Shana Grebo est entrée dans la grande finale du 200 m aux championnats d’Europe. Où elle a pris la 6e place. Une belle performance. Au bout d’une belle saison ou la Bretonne a battu son record au 200 m (22”98) et 400 m (51”71). Une belle réussite pour celle qui fait le pari en 2021 d’aller vivre, étudier et s’entraîner aux Etats-Unis. Shana Grebo raconte cette aventure et elle revient sur sa saison et de la confiance accumulée avec les chronos et les performances réalisées. Mais aussi sur ses objectifs pour 2023.
Crédit : FFA
La page LinkedIn de Shana Grebo : ICI
SHANA GREBO – CASSER LA BARRIÈRE DES 23 SECONDES, LA MEILLEURE PERFORMANCE
Cette finale européenne était vraiment l’objectif ultime. Je n’arrivais pas dans les favorites et je savais que tout restait à faire en arrivant dans ce championnat. Je ne savais trop comment juger ma forme depuis mon retour de Eugene. Mais après quelques jours de repos, j’ai retrouvé de bonnes sensations. Mais c’était l’inconnu et j’avais du mal à savoir si j’étais dans le coup ou si le pic de forme était passé. Concrétiser et rentrer en finale est donc quand même une énorme surprise. Malgré tout, le fait d’avoir fait 22”98, c’est ce qui me rend la plus fière. C’était une énorme surprise. Même si à Munich, je n’en étais pas très loin, le fait de casser la barrière des 23 secondes, au bout du 3e 200 m de l’année, c’était extraordinaire. Cette performance surpasse tout ce que j’ai pu faire cette saison. Mieux que mon 51”71. Je trouve plus difficile de faire moins de 23 secondes.
Cela me donne de la motivation pour la saison prochaine. Avoir pu goûter à une finale, savoir comment se gère un grand championnat chez les séniors, cela m’a ouvert les yeux sur ce que je dois travailler. Mais il reste beaucoup à faire, mais j’étais là et je sais combien de “mètres” me sépare de la première. Cela paraît plus accessible, même si le pas à franchir reste énorme, ce dont je suis consciente. Toucher de près le très haut niveau, on peut se dire que cela peut le faire pour soi.
RETOURNER SUR LE TOUR DE PISTE EN 2023
L’an prochain, je veux retourner sur le tour de piste, que ce soit 400 ou 400 m haies. Je n’ai pas fait de 400 m haies en cette fin de saison, car je n’avais plus de tempo et de sensations sur la distance. Je voulais retrouver le rythme et le feeling. Cela aurait été aller au casse pipe, même aux France. Pourtant, j’ai hésité jusqu’à 2 h de la clôture des engagements. Finalement, j’ai eu une révélation et je me suis dit que les haies c’était fini pour moi en 2022. Faire le 200 m m’a permis de concrétiser le travail fait en vitesse cette année. Mais il y a une marge de progression plus importante sur le tour de piste, que ce soit sur 400 ou 400 m haies. Avec la base de vitesse je peux aller chercher mieux.
J’aurais aimé refaire un 400 m en fin de saison, mais celle-ci commence à être vraiment longue et je voulais éviter la course de trop, surtout avec la pression qui est redescendue. En voyant les chrono réguliers proche des 23 et je me dis que les filles qui valent moins de 51 secondes, font au moins ça sur le 200 m.
SHANA GREBO – ME LAISSER LE TEMPS DE RÉCUPÉRER APRÈS EUGENE
J’ai eu la chance de connaître les retours en France, en provenance des Etats-Unis, à Noël et en Mai. Je sais qu’il faut se laisser du temps et c’est ce que j’ai fait. Personnellement, à chaque fois que je suis rentrée, j’ai eu du temps pour me régler. Après Eugene, je me suis laissée 4-5 jours à souffler. Sans me mettre de pression même si j’étais fatigué au début. J’avais vécu ces moments-là. Et je me suis concentré à retrouver de l’énergie. Les premières séances, cela faisait un peu peur, car je me sentais fatiguée, surtout physiquement. J’ai pu m’entraîner dans de bonnes conditions dans le sud de la France, chez mon copain qui est aussi athlète. Qui m’a aidé aussi à relativiser, à prendre mon temps. J’ai pu revenir en forme pour Munich et être proche de mon record.
Au niveau du relais, on n’a pas encore défini les objectifs pour Paris 2024. Mais on a envie d’aller chercher un podium ensemble, mais il y a des étapes. La preuve, rien n’est acquis. On fait une 5e place hyper prometteuse aux championnats du monde et derrière on se fait éliminer en séries des Europe. On a encore du travail, souder encore plus le collectif, qui est déjà un collectif fort. Progresser chacune de notre côté, se retrouver davantage et peaufiner nos objectifs. Je connais certaines filles depuis les cadettes. On retrouve plus ou moins les mêmes filles en meeting et aux France. Ces deux championnats ont permis de créer quelque chose et cela fait du bien. Les filles tendent vers le même objectif et il y a une entraide. On sait qu’il reste du travail et on est déterminés et on ne lâchera pas Paris 2024.
AVOIR TOUT À PROXIMITÉ EST UN GRAND LUXE AUX USA
Aux USA, on a un préparateur physique et un coach qui travaillent en parfaite harmonie. Il y a deux regards différents et les entraînements sont bien construits et se coordonnent parfaitement. Le prépa gère la musculation, avec des séances totalement différentes de ce que je pouvais faire en France, tout comme la programmation des entraînements et des compétitions. Il y a beaucoup plus de séances de sprint et de spécifique, avec beaucoup plus de haies. Je pense avoir fait beaucoup de progrès sur les haies, ce qui me fait penser qu’il y a encore quelque chose à aller chercher sur la distance. J’ai beaucoup travaillé et j’ai progressé sur 60 m et 100 m haies et j’ai de bonnes bases pour une coureuse de 400 m haies.
L’aménagement est beaucoup plus simple à encaisser. Cela joue beaucoup. Quand on me demande ce qui a changé cette année, je réponds que c’est le fait d’avoir tout à 500 m. On ne se rend pas compte d’avoir le kiné, les cours, l’entrainement et l’appartement à 500 m à la ronde. C’est un luxe énorme. Qui joue beaucoup, avec l’entraînement de bonne qualité en plus. Tout est très pro. Mais le fait de ne pas passer 30 minutes dans les bouchons, aller quelque part, c’est du stress en moins. Tu sors de l’entraînement, tu as la salle de kiné à côté. Limite tu culpabilises si tu ne t’y arrêtes pas. Tout est plus facile dans le projet sportif.
SHANA GREBO – J’AI EU UN COUP DE MOU FIN AVRIL
On a beaucoup développé ma qualité de pied, grâce aux bondissements à la pliométrie. Mais aussi de l’endurance musculaire, avec des bondissements sur de la plus longue durée, pour se faire de la caisse sur de la plus longue durée. La récupération est importante, on a deux jours off. Ce que je pensais impossible en arrivant ici. J’ai été surprise. Le dimanche est off et le jeudi est réservé aux soins, avec 1h de yoga/stretching, avec une prof. Une heure obligatoire, que je ne considère pas comme de l’entraînement mais qui aide à se reposer. On peut aller voir les kinés aussi. Ce sont des choses qui ne sont possibles que si la semaine est bien organisée. Ce qui est plus difficile en France. Car on s’entraîne après une journée de travail ou de cours. Ce qui rend la journée off plus difficile.
J’avoue que j’avais une peur en allant aux Etats-Unis, c’est les retours en France et continuer les saisons à partir du mois de mai. La saison commence tôt, fin mars, mais on a très peu de pauses entre l’hiver et l’été. Du coup, quand j’ai commencé la saison estivale sur le 400 m haies, le 27 mars, j’étais encore sur le pic de la fin de saison en salle. C’est pour ça que les chronos étaient bons lors de ma rentrée. En revanche, fin avril, j’ai eu un gros coup de fatigue. Je rentre en France fin mai, en n’ayant pas fait de compétitions pendant un mois. Je me suis entraînée. Ce petit moment de battement au mois de mai a sauvé le reste de ma saison. Certains ont continué jusqu’à mi-juin. J’ai pu me régénérer et avoir un second souffle pour les meetings en France et avoir le pic aux Élites. On avait pointé les France, les mondiaux et les Europe cette saison.
J’AI ENVIE QUE CE SOIT MON TOUR L’ANNÉE PROCHAINE
Même en France, je suivais ses plans. Pour avoir un minimum de logique par rapport au projet entamé en septembre. Tout n’a pas été parfait cette saison, mais je ne retiens que les chronos bons. Mais j’ai failli courir un 400 m haies au-delà de la minute. Je venais de faire 51”71 sur 400 m et dans ma tête je me pensais capable de faire les minima sur 400 m haies et finalement j’ai été à la ramasse. Sans aucune sensation et aucun repère.
En 2023, j’ai envie d’aller aux mondiaux en individuel et avec le relais. Je veux vivre une finale mondiale, soit sur 400 m soit 400 m haies. Après Munich, j’étais fatiguée et contente d’être en pause. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser déjà à l’avenir et à Budapest. J’ai envoyé un message à mon coach en lui disant que j’avais hâte de repartir au travail. Car on a des choses de fous à faire. Mais il faudra passer des caps, faire 50 au 400 m et 54 au 400 m haies. Le niveau mondial est dingue, les minima seront à 54”90. Sur 400 m plat ça ne bouge pas. Mais le niveau déjà en Europe est incroyable et il est stratosphérique au niveau mondial. Mais j’ai envie de travailler, envie que ce soit mon tour.
SHANA GREBO – LE 400 M IL FAUT ÊTRE CAPABLE DE SWITCHER EN MODE “TARE”
Cela a été avec beaucoup de changements pour moi. J’ai eu plein de déclics cette année, sur le plan physique et mental. Mais c’est une année de transition, difficile sur pleins de plans. C’est la première année où j’étais loin de ma famille, dans un endroit où je ne connaissais personne. Là je vais repartir aux Etats-Unis, en connaissant l’endroit, en connaissant les coachs, leurs méthodes et le déroulé d’une saison à l’américaine. Je pars avec des avantages que je n’avais pas l’année dernière. L’an passé, j’avais forcément des doutes sur cette expérience. Là, je me dis qu’il y a mieux à faire et que la progression va continuer. J’ai hâte de me remettre au travail.
Le 400 m c’est une épreuve que j’adore regarder et faire. C’est un mélange de tellement de sensations, de vitesse, de relâchement. Il y a plein de suspense, pleins de manières de le courir. C’est quelque chose de presque infini en matière de conception. Cela m’avait manqué de ne pas en faire. Un bon coureur de 400 m doit savoir se faire mal, de ne pas avoir peur. Savoir se lancer mais savoir y aller pour débloquer et casser des barrières psychologiques. Le 400 m c’est une épreuve où tu finis en souffrance. C’est violent. Attention, je ne dis pas que c’est l’épreuve la plus dure. Mais il faut savoir se libérer et switcher mentalement en mode “tarée”. Et alors, on a tout gagné. Il faut du relâchement, de la qualité de pied.