Alexandre Camarasa – Water-Polo #Cercle des nageurs de Marseille #Équipe de France #Champion de France 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2015, 2016 Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets. Le water-polo est l’un des sports les plus exigeant pour ses pratiquants. Rencontre avec l’un des joueurs phares de la discipline en France, Alexandre Camarasa. (Crédit photo une : Michel Grandi )
Depuis tout petit j’adorais l’eau, tous les étés je passais mon temps à la mer, c’est donc naturellement que mes parents m’ont inscrit vers 6 ans au Cercle des Nageurs de Marseille. Et ça fait maintenant 25 ans que j’y suis. Le club proposait aussi du waterpolo et voyant les poloïstes s’entraîner à côté de nous, jouer au ballon, rigoler j’ai décidé de sauter le pas et de commencer cette aventure poloïstique qui changera plus tard ma vie. J’ai essayé d’autres sports bien sûr, comme le taekwondo, le rugby ou le handball, mais comme je vous le disais, ce rapport à l’eau est très important pour moi. Je me sens libre une fois dedans, apaisé… Je me sens dans mon élément, tout simplement. Quand j’ai commencé, j’avais, comme tous les jeunes, un joueur préféré qui était Olivier Chandieu, le capitaine de l’Équipe de France de l’époque et qui est devenu mon entraîneur par la suite. J’ai d’ailleurs pris son numéro, le 12. J’adorais sa grinta, ce n’était pas le plus grand, pas le plus fort, mais dans l’eau il ne lâchait rien et c’était un vrai exemple. Pour vous expliquer la compo d’une équipe, il y a deux ailiers, deux milieux, un défenseur pointe, une pointe, un gardien et 6 remplaçants. On tourne vraiment beaucoup, car c’est très dur physiquement de faire un match complet dans des rencontres de haut niveau. Me concernant, je joue en pointe. C’est clairement un poste physique, essentiel pour l’attaque de l’équipe. Je me démène pour créer des espaces pour que mes coéquipiers puissent s’exprimer au mieux et s’il m’est donné l’occasion d’avoir la balle, j’essaie de marquer ou d’obtenir l’exclusion de mon défenseur.
LA DÉCOUVERTE DU TRÈS HAUT NIVEAU A 15 ANS
Les premières sélections en Équipe de France jeunes sont venues vers l’âge de 15 ans. Par la suite, entre 18 et 20 ans j’ai fait quelques stages avec les A, car il faut savoir qu’une équipe de waterpolo est composée de 13 joueurs, mais il y a souvent quelques jeunes qui partent avec le groupe pour porter les ballons et jouer le rôle de sparring ! Lors de ces stages, je faisais donc partie des 6 ou 7 joueurs qui accompagnaient le groupe A pour s’entraîner, mais qui ne prenaient pas part aux matchs. J’en profitais pour échanger et observer mes ainés. Plus tard, à 21 ans, j’ai intégré l’Équipe de France en tant que joueur à part entière et non plus comme jeune sparring, et j’ai commencé à représenter mon pays dans tous les bassins du monde.
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Je ne m’imaginais pas forcément faire carrière et atteindre l’Équipe de France, j’avais juste pour objectif personnel de surpasser mes propres limites. Puis l’appétit vint en mangeant et au fil des années j’ai franchi des paliers qui m’ont amené jusqu’au plus haut niveau. J’ai de la chance d’être au Cercle des Nageurs de Marseille et de pouvoir vivre de mon sport. Cela me permet de suivre des études à côté, j’ai obtenu un Master 2 en Droit des Affaires, spécialisé en Droit du sport, et en ce moment je suis le parcours Grande École à la Grenoble École de Management. J’en profite pour remercier cette école qui me donne la chance de préparer au mieux ma reconversion en me proposant un programme complet en e-learning, me permettant de continuer normalement mes entraînements. Avec cette formation, j’envisage plus sereinement ma reconversion. Au Cercle des Nageurs de Marseille je travaille beaucoup avec Thomas Sammut, qui est un préparateur mental en or ! Il a fait un gros travail avec moi il y a quelques années pour enlever toutes les barrières qui m’empêchaient inconsciemment d’avancer sereinement et d’atteindre mes objectifs. Concernant la préparation physique, un gros travail hors du bassin est nécessaire pour être performant et le travail à la salle est donc primordial ! Pour mon futur, les choses sont claires. En étant au Cercle des Nageurs de Marseille on se doit de remporter toutes les compétitions nationales, mais comme nous l’avons vu cette année, la tâche n’est pas si facile. À nous de regagner notre titre l’année prochaine. Pour l’Équipe de France j’ai fait le choix cet été de faire une pause pour pouvoir récupérer des nombreuses blessures que j’ai subies au cours des dernières années. Je me fais vieux ! Il me reste deux saisons encore donc j’espère les finir de la plus belle des manières avec un beau parcours en coupe européenne et des titres nationaux.
LE RYTHME INTENSIF D’UN JOUEUR DE WATER-POLO
L’entraînement biquotidien d’un joueur de water-polo n’est pas connu du grand public, il est donc intéressant de mettre en lumière une journée type. Elle se compose ainsi. Matin : 9 h-10 h30 : Musculation 10 h 30-12 h : Entraînement dans le bassin où généralement nous nageons ! Les poloïstes n’aiment pas nager, mais pour être performant il faut savoir se déplacer rapidement. Nous faisons également des exercices de jambes. Soir : Entraînement avec ballon ; mise en place ; exercices techniques & tactiques, avec par exemple répétition des zones plus & zones moins (c’est le moment où un joueur est exclu temporairement, en notre faveur ou en notre défaveur) ; des phases d’attaques ; des phases défensives. En clair, beaucoup de mise en situation pour préparer les matchs.
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Notre sport est très exigeant dans le sens où il faut travailler énormément d’aspects pour être performant. Nous avons bien sur la technique avec le maniement du ballon, la tactique avec les déplacements, les phases de jeu, la partie physique avec de la musculation, du cardio ainsi que la partie natation qui demande énormément d’efforts. Le joueur de water-polo est un sportif complet qui se doit d’être rapide, explosif et endurant. Être performant dans ce sport requiert des aptitudes différentes, cela regroupe finalement des spécificités de plusieurs sports. Il faut être prêt au contact comme un rugbyman, tirer aussi fort qu’un handballeur, avoir des impulsions aussi hautes qu’un volleyeur, être prêt à lutter comme un judoka ou un lutteur, être rapide dans l’eau comme un nageur sprinteur ou endurant comme un nageur d’eau libre. Cela fait maintenant 15 ans que je fais ça et mon corps s’est donc habitué. Bien sûr au début c’était difficile, dans la tête tu te dis que ça va être compliqué de tenir, mais on prend l’habitude, aussi bien mentalement que physiquement. Au bout de quelque temps, on est rodé, mais parfois je rentre à la maison après un gros entraînement et je n’ai plus de force.
LE MONDE DU WATER POLO FRANÇAIS DOIT GRANDIR
Concernant le championnat français, cela a évolué dans le bon sens. Il y a 10 ans, c’était souvent Montpellier, Marseille ou Nice qui gagnaient tout. Maintenant il y a un bloc de 5 grosses équipes, Strasbourg et Aix s’étant rajoutés aux trois premières cités. La plupart des joueurs de ces clubs sont professionnels. Dans le reste des équipes les joueurs travaillent à côté et là c’est moins évident, enchaîner des entraînements aussi physiques avec un travail au quotidien fatigue énormément et on ne peut pas avoir les mêmes performances. Si on compare à d’autres pays, le waterpolo français a encore beaucoup de chemin à parcourir pour rivaliser avec les meilleures nations, mais je suis certain que nous allons y arriver. Pour améliorer cela, il faut une entente de l’ensemble des protagonistes, mais aussi plus de moyens. Le fait d’accroître notre visibilité ramènera plus de sponsors et il est certain que l’Équipe de France peut et doit être le moteur du waterpolo comme cela s’était passé avec le hand et l’équipe des Barjots. Il faut regarder ce qu’il se passe ailleurs, dans les autres sports et à l’étranger. En travaillant tous dans la même direction, je pense qu’on peut évoluer positivement dans les années à venir.