TPK : SMASH ULTIMATE FAIT (RE)DÉCOUVRIR UN GENRE AUX FANS D’ESPORT

Le succès du jeu Smash Bros Ultimate a remis sur le devant de la scène esport la franchise de Nintendo. TPK, figure emblématique du jeu nous explique les raisons de ce succès et se penche sur l’avenir de la scène compétitive en France.
TPK Smash Bros

Antoine Billy “TPK” – Casteur

#Smash Bros #Pugilat des Étoiles

Crédit Photo Une : ZLAN

Smash, c’est tout simplement mon ancrage dans le monde de l’esport. Avant cette série mythique, je ne suivais que moyennement la scène compétitive, mais cet univers incroyable m’a fait plonger dans un nouveau monde.

 

J’ai d’abord joué de façon casual avec mon frère et ma sœur, sans avoir de notions très poussées concernant les mécaniques de jeu ou le système de combos. Mais un beau jour, j’ai découvert sur YouTube les vidéos d’un joueur expert dans l’art de ces fameux enchaînements. C’était il y a 12 ans, mais je me souviens parfaitement d’essayer de refaire ces mouvements et de ma prise de conscience du gigantisme de possibilités. Je suis devenu un curieux qui n’a eu de cesse de creuser pour mieux découvrir mon jeu préféré. D’une expérience presque personnelle, Smash est devenu une sorte d’ouverture aux autres joueurs pour mieux l’appréhender.

 

SMASH ULTIMATE RÉUNIT TOUTES LES CARACTÉRISTIQUES POUR ÊTRE UN SUCCÈS ESPORT

 

Aujourd’hui, Smash Ultimate apparait comme le plus gros succès de la franchise, une véritable entrée dans la modernité. Une réussite attendue après un Melee qui était excellent sur le plan compétitif, un Brawl rejeté par cette même communauté de joueurs de haut-niveau et un Smash 4 sur Wii U qui a souffert du manque de vente de la console.

 

Ultimate possède toutes les qualités pour être apprécié en 2019 : un jeu moderne, des caractéristiques techniques très bonnes, une console vendue par palettes et des technologies parfaitement adaptées à sa promotion comme Twitter, Twitch et YouTube. Une plateforme comme Twitch est d’ailleurs utile pour mettre en avant certains moments forts comme les plus grands tournois afin de montrer l’élite mondiale de Smash, mais la pratique casual n’a besoin d’aucune aide tellement le succès du jeu est énorme.

 

Mais pourquoi une telle percée aujourd’hui sur la scène esport ?

 

Smash Ultimate regroupe tous les points forts des jeux de combat. Il est tout d’abord immédiatement compréhensible par tout le monde : deux personnages qui se tapent avec leur % de vie qui monte et des éjections de plus en plus lointaines, c’est limpide. Le côté RNG est également moins présent sur la scène compétitive (avec l’absence d’objets et des stages sélectionnés par la communauté) que sur des titres comme Fortnite.

 

Je n’oublie pas non plus la force de cette licence qui met en avant un crossover immense des personnages les plus emblématiques du jeu-vidéo. Qui aurait pu croire il y a 15 ans que Bayonetta, Ryu, Sonic, Mario ou Link combattraient dans le même jeu ?

 

Enfin, c’est peut-être l’aspect spectaculaire et notamment du game design qui a définitivement convaincu les fans. On en prend plein les yeux en quelques secondes et chaque coup est immédiatement compris grâce à de parfaits « feedbacks », ces signaux visuels et sonores qui se déclenchent selon une action exécutée comme un coup infligé. C’est tellement facile à appréhender pour tout le monde. Il ne restait plus qu’à la communauté Smash de faire vivre ce jeu formidable.

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UN ÉCART DE NIVEAU ET DE STRUCTURATION À COMBLER ENTRE L’EUROPE ET LES USA

 

Désormais, la nouvelle barrière à franchir est de combler le fossé qui existe entre l’Europe et les USA sur l’esport du jeu. Sur le vieux continent, nous avons souvent peur de nous engager dans des disciplines qui n’ont pas une visibilité à 5 chiffres, tout est souvent fait pour les mastodontes du secteur.

 

Le genre du jeu de combat est une institution aux États-Unis. Le risque financier n’a donc jamais été un problème pour eux. Ils ont créé un ensemble de tournois de grande envergure qui a permis l’émergence des meilleurs joueurs.

 

Notre évolution devra passer par l’émergence de personnalités hors du commun. Avec des gens comme Luffy qui avait gagné l’EVO 2014 en venant d’un peu nulle part sur Street Fighter ou une Kayane qui a fait progresser le développement de l’esport féminin. Nous avons la chance d’avoir une tête d’affiche comme Glutonny en France qui montre le chemin. Mais un joueur tout seul ne peut et ne doit pas porter tout ce poids sur ses épaules, il va avoir besoin de renfort notamment au niveau de l’accompagnement.

 

C’est pour cela que l’arrivée de Solary sur Smash est une excellente nouvelle. C’est lourd de sens de voir une superstructure qui a des moyens et tant de personnes compétentes. Le concept qui veut que les jeux de combats n’aient pas d’argent, qu’il n’y ait pas de logique de retour sur investissement ou que ce soit tout simplement ennuyant, Solary n’en a rien à faire. D’autres acteurs français sont en train d’investir également, je pense à GamersOrigin qui vient de recruter Luffy et Keev.

 

À titre personnel, j’essaie aussi de faire progresser la scène française au travers du Pugilat des Étoiles qui est passé d’une simple chaîne YouTube où je me débrouillais tout seul à un groupe d’une vingtaine de personnes qui fait la promotion de Smash et des jeux de combats au travers de vidéos (guides, reportages, after movies, tour du monde des joueurs de Smash) ou tout simplement en activant nos communautés.

 

NINTENDO, CASHPRIZE, CONTENUS : LES DERNIERS OBSTACLES AVANT DE DEVENIR UN ESPORT DE RÉFÉRENCE

 

L’un des derniers freins à l’explosion de Smash est le fait que Nintendo n’a pas toujours été du côté de la scène compétitive de son propre jeu. Mais c’est en train de changer petit à petit et nous travaillons d’ailleurs avec eux sur certaines vidéos « Let’s Smash » ou lors des dernières finales nationales et européennes de leur tout nouveau circuit.

 

Il n’y a pas si longtemps (2013), ils avaient essayé d’enlever Melee de l’EVO avec tout une armée d’avocats, mais la communauté s’était soudée et Nintendo s’était alors couché sous la vindicte populaire. Aujourd’hui, ils vont dans le bon sens avec les European Smash Ball Team Cup ou en devenant partenaire d’événement comme le Stunfest.

 

Il y a aussi ce problème de cashprize qui est aujourd’hui trop peu conséquent et qui peut vraiment décourager certains joueurs de se consacrer à 100 % au jeu. Ce n’est pas une priorité immédiate, mais il y a forcément une fuite de certains talents.

 

Que faut-il donc faire pour encore faire progresser notre scène ?

 

Je pense que niveau format, rien n’est à changer avec ce 1 vs 1 qui reste le cœur de la compétition et des 3 vs 3 qui peuvent être ponctuels pour apporter une dose de fun. Par contre, même si des personnalités en France comme Sardoche, Étoiles ou Jiraya ont pu permettre un gain d’intérêt pour le jeu, je ne pense pas qu’aller vers de l’esportainment à la Fortnite soit une solution.

 

Pour que nous progressions encore sur l’échelle des jeux-vidéo compétitifs, il faut faire preuve de pragmatisme. Je pense donc que le plus important est tout simplement la création de contenus notamment en France. Nous ne sommes pas encore experts pour faire des vidéos, des articles, tenir un blog alors que si l’on n’invite pas les gens à jouer, ils iront évidemment autre part que sur Smash.

European Smash Ball Team Cup 2019

UN FUTUR QUI PASSERA PAR UN CIRCUIT COHÉRENT ET DES JOUEURS EMBLÉMATIQUES

 

Le futur de Smash c’est aussi la mise en place d’un circuit cohérent de compétitions à l’image de ce qui se passe dans d’autres jeux de combat. Dragon Ball Fighter Z a pu se casser la gueule cette année à cause du temps mis pour annoncer le circuit de la saison 2.

Chez nous, c’est la communauté qui s’en occupe au travers d’initiatives privées. On ne peut que prier pour que Nintendo mette un jour des moyens, car on sait qu’ils exploseraient la concurrence.

 

Le futur c’est aussi l’avènement de personnalités. Dans les titres qui proposent du 1 vs 1, il y a un processus de starification à très long terme, c’est le nom du joueur et non le tag d’une équipe qu’on retient. Il y a toute une mythologie sur des joueurs comme Daigo et sa rivalité avec Tokido par exemple. On ne doit bien évidemment pas quitter ce modèle, mais le chérir.

 

En France, nous avons Pew, Enki, VinS et tant d’autres. Tous ne sont pas encore de la trempe de Gluto en termes de visibilité ou de niveau, mais ils travaillent énormément dessus. Ils commencent à comprendre le monde de l’esport grâce aux structures et donc à se former ingame mais aussi en dehors du jeu pour entretenir leur image.

 

Mon souhait est donc de voir une stabilité de Smash pour ces prochaines années, car après cette belle explosion avec un nombre incalculable de gens qui découvrent, nous allons avoir le phénomène habituel des curieux qui se lasseront. Rester un jeu tiers 2 qui marque les esprits avec un gameplay compréhensible, des personnalités fortes et un niveau plus stable qu’avant est important. On progressera avec ce public touché actuellement pour devenir encore plus important lors de la sortie d’un nouveau Smash.

 

Dans tous les cas, j’espère de tout cœur que le succès de Smash Ultimate a permis de refaire découvrir l’un des porte-étendards des jeux de combats qui sont pour moi les pères fondateurs de l’esport. Une ouverture d’esprit globale sur ce genre, sa scène et son potentiel était nécessaire.

 

TPK




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