BENJAMIN AUFFRET : JE VEUX DYNAMISER LE PLONGEON FRANÇAIS

Benjamin Auffret est le fer de lance français d’un sport qui mérite plus de lumière, le plongeon. Il vous fait entrer dans son univers et se questionne sur l’avenir de sa discipline en France.
Benjamin Auffret
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Benjamin Auffret est le fer de lance français d’un sport qui mérite plus de lumière, le plongeon. Il vous fait entrer dans son univers et se questionne sur l’avenir de sa discipline en France.

J’ai commencé le plongeon il y a maintenant un peu plus de 7 ans, un peu par chance et un peu par hasard. J’étais jusqu’en juillet 2010 au Pôle Espoir de gymnastique artistique de Vélizy près de Versailles. Malheureusement, j’ai dû faire face à des blessures dues à une belle poussée de croissance. Les traumatismes de la gymnastique ne sont pas trop compatibles avec l’état des cartilages lorsque l’on prend 18cm en un an… Il m’aurait fallu du temps pour reprendre à 100%, attendre que ma croissance ralentisse, mais l’encadrement en a décidé autrement.

J’ai malgré tout eu la chance qu’un de mes entraîneurs connaisse l’entraîneur de plongeon de l’INSEP, lui parle de moi, de mes qualités acrobatiques et nous présente. Après quelques séances à la piscine, cet entraîneur, Alexandre Rochas, à décider de croire en moi et de présenter mon dossier d’inscription à l’INSEP. J’avais donc le choix entre arrêter le sport de haut-niveau et rentrer chez mes parents, ou bien tenter une nouvelle aventure : le choix fut vite fait, et je ne l’ai jamais regretté tellement j’ai rapidement pris plaisir à pratiquer ce sport. Je suis donc entré à l’INSEP en septembre 2010, après seulement quelques séances de découverte. Quelle chance !

LE PLONGEON, UN MIX ENTRE ACROBATIE, ADRÉNALINE ET PRÉCISION

Les raisons pour lesquelles j’ai tout de suite accroché avec ce sport sont simples.

Premièrement, c’est un sport acrobatique et j’avais passé ma vie à faire des saltos ! C’est également une discipline d’adrénaline, on se bat contre sa peur chaque jour. Je ne pourrais pas décrire la satisfaction que l’on ressent quand on réussit à passer au-dessus de cette peur et se lancer. Pour finir, c’est un sport de précision, imaginez le nombre de choses qu’il se passe en 1,5 secondes ! Comme je suis d’un naturel (un peu trop) perfectionniste, on ne pouvait que s’entendre le plongeon et moi.

En étant intégré directement à l’INSEP, j’avais seulement un an pour arriver en équipe de France junior. Forcément, venant de la gymnastique de compétition et avec un tel défi, il n’a jamais été question de faire autre chose que du haut niveau !

L’un des principaux freins dans la pratique du plongeon est le soutien financier, jusqu’en 2015 je n’en avais pas beaucoup. Enfin si de la part de mon club et de mes parents que je remercie. Mais depuis ma participation aux Jeux Olympiques en 2016 et la création du Pacte de performance*, j’ai maintenant du soutien de la part de l’entreprise FORCO, du conseil général du Val de Marne, de la Ville de Saint-Maur ainsi que de la FDJ depuis peu. J’ai de la chance d’avoir ces soutiens derrière moi, je peux donc m’entraîner et continuer mes études d’informatiques sereinement. Malheureusement c’est le cas de trop peu de sportifs performants ou prometteurs…

*dispositif mis en place par le Ministère des Sports et des entreprises partenaires pour soutenir les sportifs français.

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Pour vous donner une idée d’une semaine type, je m’entraîne tous les matins de 9h30 à 12h30 du lundi au samedi, puis soit j’ai entraînement l’après-midi de 15h à 18h30 soit je vais à la fac le plus souvent je pars à 15h et je rentre chez moi vers 20h30/45. Autour de cela, il faut placer les soins avec les kinés, la récupération, les aller-retour et les différents rendez-vous.

Les conditions d’entraînement n’ont pas toujours été optimales, mais c’est en train de changer. Et a priori dans le bon sens, c’est bien de se dire que dans le futur, nous aurons de nouveaux outils pour mieux nous préparer.

UN SPORT ET DES INFRASTRUCTURES QUI DOIVENT SE MÉTAMORPHOSER

Actuellement, je m’entraîne le matin dans la piscine publique de Montreuil en même temps que les enfants des écoles qui viennent apprendre à nager. Nous nous échauffons dans les gradins puis nous plongeons, le problème c’est le bruit des enfants, les revêtements des plateformes qui sont vieillissantes, donc abimées et glissantes… De plus, les plateformes ne permettent pas la pratique du plongeon synchronisé. Ajoutez le fait que nous n’y avons pas accès l’après-midi, nous contraignant à faire nos gros plongeons à 10m le matin et le mélange n’est pas optimal.

Mais d’ici peu, la piscine sera rénovée, nous aurons normalement de quoi nous échauffer correctement avec de nouveaux revêtements, et nous testons même des créneaux l’après-midi, pour pourquoi pas pouvoir monter à 10m l’après-midi ! J’espère voir une plateforme élargie pour pouvoir faire du synchro, mais je n’y crois pas trop…

Nous avons également un nouvel entraîneur qui devrait arriver très prochainement. Il est très expérimenté et nous aurons beaucoup à apprendre de lui.

L’après-midi nous sommes sur l’INSEP, la piscine est jolie et plutôt bien équipée, mais il n’y a pas de plateforme de plus de 5m, le système vidéo ne fonctionne pas encore, mais c’est pour bientôt grâce à notre nouveau Directeur Général, Ghani Yalouz.

En France, nous ne sommes pas aussi développés sur ce sport que dans d’autres pays. C’est un peu le serpent qui se mord la queue… Sans résultats pas d’investissements dans des infrastructures, et si on arrive à faire des médailles pourquoi créer des piscines nouvelles générations, car on y arrive sans et que le coût des travaux sera disproportionné par rapport aux nombres de pratiquants.

Il faut changer les mentalités et mettre un investissement initial pour redonner du souffle à ce sport pour que les plus jeunes puissent s’inscrire dans des clubs et inverser ce cercle vicieux.

Pour vous donner exemple, il n’y a AUCUNE piscine en France équipée d’une plateforme de 10m suffisamment larges pour pouvoir faire du plongeon synchronisé, il y a donc 2 des 8 disciplines olympiques que l’on ne peut pas travailler (Synchro Dames + Synchro Messieurs). Nous n’avons pas non plus de système vidéo, tout le monde l’utilise, car c’est un outil extra pour un sport si rapide, surtout vu les petits détails qui feront la différence ! Avoir accès au 10m quand on veut et non quand on peut serait évidemment un plus. Nous avons réussi de bons résultats sans ça, forcément de meilleures conditions ne nous pénaliseraient pas…

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Une des options est d’aller s’entraîner à l’étranger comme cela se fait dans beaucoup de disciplines maintenant, mais personnellement j’ai ma vie en France. J’aime vivre dans ce pays, j’ai ma famille, mes amis, mes repères ici, la performance est un but, mais pour moi il faut qu’on réussisse à tirer ce sport vers le haut en France. Partir serait une semi-solution avec beaucoup trop de sacrifices. Pour être performant, il faut un équilibre, je ne suis pas certain que j’y gagnerais beaucoup.

Malheureusement, je ne suis pas certain que même une médaille olympique ferait bouger les choses, je pense qu’il en faudrait plusieurs et « récidiver » pendant plusieurs olympiades…

C’est maintenant que nous devons faire un investissement en construisant des piscines équipées et fonctionnelles, en formant des entraîneurs, en commençant déjà la formation de la nouvelle génération de plongeurs. Le problème c’est qu’on ne verrait les résultats que plus tard et les gens qui décident où investir l’argent en France ont une contrainte de résultats rapides… J’espère et je pense que les récents changements à la Fédération et l’obtention des Jeux Olympiques de 2024 sont un très bon point de départ et une chance pour nous.

Nous allons pouvoir nous monter plus à la télévision et donc au public français, ce qui pourrait créer des vocations. Aujourd’hui, les médias français ne diffusent pas vraiment les Championnats du Monde ou d’Europe et encore moins les World Series* auxquels je prends part depuis 3 ans maintenant…

*4 compétitions réservées au top 8 mondial, donc une compétition impressionnante à regarder.

VISER LA MÉDAILLE A TOKYO

Je vise une médaille aux prochains JO, et pas celle en chocolat, son goût est bien trop amer. Pour cela il faudra d’abord aller en finale, car en finale tout peut se passer. Je vais tout faire pour être un des prétendants à la médaille, car c’est la raison principale de mes entraînements chaque jour, et il faudra être présent le jour J.

En 2016, il m’a manqué du temps et un de mes 6 plongeons se devait d’être plus difficile pour rapporter plus de points. Je me suis fracturé le sacrum 4 mois avant les Jeux, j’ai repris l’entraînement 1 mois et demi avant…. C’était vraiment peu pour une médaille olympique, surtout après seulement 3 ans de pratique à 10m.

Avoir obtenu le titre de Champion d’Europe en 2017 me conforte dans cet objectif. Ce sacre européen fut une surprise totale. Je n’étais pas bien préparée et j’avais encore dû faire face à une blessure les semaines qui ont précédé la compétition. Ce fut donc difficile à digérer et clairement aux championnats du Monde 1 mois plus tard je n’avais pas encore réalisé, ni  profité de ce titre.

Tout ce qu’on attendait de moi c’était une médaille mondiale, alors que moi j’avais envie de fêter mon titre, le savourer et pas de me mettre une pression supplémentaire. Pour moi ce titre n’a pas changé grand-chose dans ma confiance en moi, c’est plutôt une pression supplémentaire, comme si on allait remettre en cause mon titre en 2017 si jamais je loupe une compétition… je ne suis plus outsider avec tout à gagner, mais on m’attend au tournant maintenant.

Paris 2024 est bien sûr dans un coin de ma tête, mais je pense que je serais suffisamment « vieux » pour ne plus être au maximum de mon dynamisme et de mon niveau … on verra bien ! D’ici là, cap sur Tokyo et sur mes autres projets.

BENJAMIN

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