Lucas Chanavat – Décrocher une médaille olympique

Le fondeur Lucas Chanavat revient pour Sans Filtre sur sa saison, ses adversaires, ses futurs objectifs, mais aussi ce qui l’occupe pendant la trêve.
Lucas Chanavat a déjà le regard tourné vers les J.O.
Lucas Chanavat a déjà le regard tourné vers les J.O.

Drôle de période que le mois d’avril pour discuter avec un skieur. La saison de Coupe du monde, que ce soit en alpin, en biathlon ou en ski de fond, s’est conclue dans la courant mars, et on pourrait croire qu’on se charge surtout chez ces athlètes de débrancher. Pas vraiment pour Lucas Chanavat, qui continue en ce début de printemps de profiter du froid et surtout de la neige norvégienne, pour le plaisir. Le natif du Grand-Bornand avoue se trouver dans un entre-deux, à la fois déçu de n’avoir pu répondre à ses attentes lors de la saison 2020-21 dans la foulée d’un hiver 2019-20 prolifique (2 victoires) et d’ores et déjà tourné vers les prochains Jeux Olympiques, à Pékin, dans dix mois. Il vous confie ci-dessous son regard sur ses performances, ses adversaires, mais aussi cette longue période sans compétition entre avril et novembre.

Crédit : [Lucas Chanavat]

Lucas Chanavat : Notre seul vrai mois de coupure dans l’année

Avril est notre seul vrai mois de coupure dans l’année. Cette année, c’est seulement la deuxième fois que je ne me fais pas opérer en avril, l’an dernier il y avait le confinement, donc c’était un peu spécial. Je profite un peu, mais comme je suis monté en Norvège, je profite encore des bonnes conditions pour continuer à skier. Habituellement, avril est vraiment la période permettant de solutionner les soucis physiques, on profite du repos pour les opérations afin de pouvoir reprendre la préparation en mai. Au mois de juin, on reprend par un stage sur skis à Tignes qui sonne le début de la grosse reprise. Autant en mai, on peut pratiquer tout type de sport, autant en juin cela redevient plus spécifique au ski de fond : ski à roulettes, course à pied et musculation.

Faire le bilan, et ensuite bien décrocher

Donc de juin à octobre, on enchaine beaucoup d’heures, on n’arrête pas énormément, c’est la grosse partie de la préparation. Et quand vient l’automne, il s’agit plus d’affiner, récupérer le gros du travail et organiser des choses plus spécifiques qui font que l’on sera en forme sur l’hiver. Après, c’est lancé ! A la fin de la saison (fin mars, début avril), j’aime en général faire le bilan assez vite après la dernière course. Bon là c’était les championnats de France et j’ai chopé la gastro-entérite avant donc je n’ai pas pu les faire (rires). Faire le bilan, et ensuite bien décrocher, plus mentalement que physiquement, laisser retomber la pression de l’hiver. Mais c’est sûr qu’on a aussi toujours dans un coin de notre tête, surtout cette année avec les Jeux, l’objectif de l’hiver suivant.

J’aime bien beaucoup d’autres sports, mais je ne suis pas forcément un suiveur en dehors de l’hiver. J’adore faire des photos, de la vidéo, voyager. En général, c’est en plus la période durant laquelle on arrête le ski et où l’on peut voyager, partir en vacances, profiter des plages que l’on n’a pas forcément l’habitude de voir (rires).

Lucas Chanavat : L’absence des Norvégiens m’a un peu coûté

On savait que l’on allait avoir des changements de programme un peu au dernier moment, mais ça ce sont plus les coachs, le staff qui s’en est chargé. Moi en tout cas je leur laissais faire le boulot là dessus. Mais c’est vrai que là où ce fut le plus dur pour moi, c’est avec l’absence des Norvégiens. J’aime bien les courses où il y a tout le monde au départ et où c’est du haut niveau de ski. Et j’avoue que cela m’a un peu coûté de voir que les Norvégiens, ceux qui dominent la discipline, n’étaient pas au départ. J’ai eu du mal à gérer cela par moments, mais cela n’explique pas certains de mes moins bons résultats cette année.

Je n’ai pas effectué un mauvais hiver, mais c’était en deçà de mes espérances, après l’hiver passé qui avait été mon meilleur jusqu’ici. J’avais vraiment pour idée de continuer dans la même dynamique. J’ai eu du mal à concrétiser, sur plusieurs fois, autant par manque de réussite que par déficit physique. C’était un peu frustrant, mais il n’y a pas que du négatif puisque j’ai notamment pu faire ma première finale en classique (à Falun). C’était quelque chose que j’ai vraiment essayé de développer sur toute la prépa. Ca, c’est une satisfaction, puisque j’ai surtout réussi à le faire quand, pour le coup, il y avait tout le monde. Donc déçu, parce que j’avais de grosses ambitions, mais c’est toujours riche en expérience. Les erreurs faites, j’ai de quoi ne pas les reproduire à l’avenir.

A Davos, dans une des plus grosses formes de ma vie

En style libre, j’ai plus de repères, d’expérience, je suis régulièrement dans les finales. Cette année, il va peut-être falloir faire quelques réglages que j’avais bien réussi l’hiver passé et que j’ai peut-être loupé sur celui qui vient de se terminer. Retrouver la réussite aussi, puisqu’il y a pas mal de fois, je pense à Davos où j’étais je pense dans une des plus grosses formes de ma vie et où je tombe dans le premier virage (accroché par le suisse Cyril Faehndrich) alors que j’avais justement basculé devant pour éviter les accrochages. Mais c’est le sprint, il y a des choses qu’on ne contrôle pas.

Davos (chute en quarts) et Dresde (élimination en demie), je les ai vraiment perçus comme des échecs. Davos a été dur à encaisser, j’ai réussi à bien repartir pour Dresde (il gagne les qualifications). Et à Dresde, ça n’était pas un manque de réussite, en tout cas cela venait de ma part car j’ai été trop passif sur la demie. Je voulais tellement en garder pour la finale que je n’en ai pas mis assez et je me suis fait surprendre à ne pas passer en lucky. Ca a été dur de rebondir, surtout après Dresde. Il y a eu le Tour de Ski, qui était encore difficile car j’étais moins bien physiquement. Par contre, après, j’ai bien réussi à me re-préparer pour Falun, et là ça a vraiment bien été.

Lucas Chanavat : De belles ambitions pour l’hiver prochain

Le monde du sprint est assez ouvert, on se côtoie beaucoup. Par exemple, juste avant l’hiver, on a effectué notre dernier stage en Finlande et nous étions au même endroit que les Italiens (Pellegrino) et les Russes (Bolshunov, Retivykh). Je pense qu’il y a une bonne concurrence, on ne va pas se tirer dans les pattes. C’est assez sain et personnellement, cela me motive beaucoup d’avoir autant de densité avec toutes ces personnes qui ont un gros niveau (Klaebo, Valnes, Svensson, Jouve, …), je trouve ça très cool. C’est pour ça que je fais du ski.

L’hiver prochain, l’objectif sera clairement de décrocher une médaille olympique, surtout sur un sprint skate que j’attends depuis maintenant un bon moment sur un grand championnat. Ca n’était pas passé loin à Seefeld aux Mondiaux (2019, en skate), où je finis sixième après une erreur tactique en finale. Donc maintenant, j’attends de prendre ma revanche. J’ai de belles ambitions pour l’hiver prochain, que ce soit pour la Coupe du monde en renouant avec la gagne comme j’ai pu le faire l’an passé, ou les Jeux. Personne n’a pu voir la piste des Jeux, puisque je ne sais même pas si elle a été faite. Aucun athlète ou encadrement ne la connaît à l’heure actuelle. Je ne sais pas si on arrivera à la découvrir avant les Jeux, ça me parait compliqué. Mais ça ne sera pas forcément gênant, car on arrive assez tôt et on a de quoi repérer.

(En Norvège) : Tout est tourné autour du ski de fond

C’est vraiment cool. Je suis à côté de Lillehammer, un des coins de la Norvège où il y a le plus de kilomètres de piste et où c’est le mieux géré. C’est vraiment incroyable, assez dur à décrire. Il y a des conditions toujours vraiment bonnes en hiver. En plus, on peut suivre le matin où sont les dameuses sur une application, quand elles sont passées à tel endroit, ce que l’on doit farter pour tel endroit de la piste. En été aussi, il y a des pistes de ski-roues de partout ! Et puis, surtout, on voit ici que le ski est ancré dans la culture. En ce moment, au printemps, toutes les familles montent tous les week-ends dans leur cabin, leur petite maison secondaire, pour aller skier tous ensemble. Et on voit que c’est comme ça depuis des générations, tout est tourné autour du ski de fond.

Lucas Chanavat : Klaebo et Bolshunov font des choses de dingue

On est quasiment arrivés en même temps avec Johannes Klaebo. Comment le décrire, que ce soit lui ou Bolshunov d’ailleurs puisqu’ils ont vraiment des trajectoires similaires. Ils font des choses de dingue qui n’ont jamais été faites en ski de fond. Ils ont un niveau incroyable. C’est sur que Klaebo en sprint est vraiment fort, et presque imbattable parfois, en classique. C’est quelque chose qui me motive vraiment. On a une bonne relation, on est amis, il partage beaucoup ce qu’il fait, on échange beaucoup quand on se voit, donc c’est cool. On est vraiment dans le même délire de performer au mieux de nos capacités. C’est hyper motivant d’avoir des athlètes comme lui ou Bolshunov, parce que quand on les bat, on sait qu’on a fait quelque chose d’incroyable.

Johannes Hoesflot Klaebo et Lucas Chanavat. Crédit : [Lucas Chanavat]

Je pense que tout le monde se regarde un peu, d’ailleurs même Johannes me l’a confirmé puisque l’an passé, quand on skiait, il me disait que lui et les Norvégiens avaient regardé sur ma technique en un temps en skate pour travailler techniquement. Je regarde pas mal les autres skieurs, j’essaie de voir ce que je pourrai prendre des uns et des autres. En classique, c’est sur que Klaebo a apporté la technique de la course et on voit maintenant de plus en plus d’athlètes qui arrivent à courir super vite avec des skis de fond en bosse. Ce sont un peu des trucs nouveaux.

Maintenant, je me sens plus fort

(On lui demande s’il se sent plus fort aujourd’hui qu’à Davos fin 2019, où il avait terminé deuxième derrière Klaebo pour quelques centimètres). Si je compare aujourd’hui par rapport à Davos, non, vu tous les chocolats que j’ai mangé (rires). Je me sens d’abord avec plus d’expérience, que j’ai notamment acquise ce jour-là, qui a été un déclenchement avec les deux courses suivantes que j’ai remportées, à Planica et Dresde. Ca a vraiment été des déclics. Maintenant, je me sens plus fort, pas forcément physiquement, mais par l’expérience que j’au acquise grâce à cela. C’est vrai que ce jour-là à Davos, c’était incroyable et j’étais vraiment frustré d’avoir fini deuxième sur ce coup parce que ça n’était pas passé loin du tout. Comme quoi il faut vraiment faire la course parfaite pour pouvoir espérer l’emporter, et j’étais content d’avoir pu le faire dans la foulée.

LUCAS CHANAVAT

Avec Mathéo Rondeau

retrouvez le précédent portrait Sans Filtre de Lucas Chanavat (février 2018) ici

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