Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Eugénie Le Sommer porte depuis une dizaine d’années le football féminin au plus haut-niveau. Alors qu’elle s’apprête à vivre sa cinquième finale en Ligue des Champions avec l’Olympique Lyonnais, il ne manque plus qu’une Coupe du Monde à son palmarès. Malgré des débuts difficiles dans le football, sport longtemps considéré pour les garçons, l’attaquante de 29 ans souhaite faire évoluer les mentalités. Pour cela, elle organise depuis cette année des rencontres avec les plus jeunes. Sans Filtre, la jeune Bretonne se confie. (Crédit Une : DREGER R. Stage Eugénie Le Sommer)
REMPORTER UNE COUPE DU MONDE AVEC L’ÉQUIPE DE FRANCE
Mon parcours est à la fois simple et composé de beaucoup de choses. Mais il y a constamment eu une ligne directrice, le football.
Depuis toute petite, j’avais ça en moi et j’ai toujours eu cette envie de jouer.
J’ai alors demandé à ma mère de m’inscrire en club, ce qu’elle a d’abord refusé. Mais à force de persévérance, j’ai obtenu à l’âge de 4 ans et demi ma première licence en club. J’ai ensuite fait toutes les catégories et joué avec les garçons jusqu’à l’âge de 14 ans.
Parallèlement, j’étais en sport-étude donc je faisais du football et j’allais à l’école. Dans chaque établissement à partir de la sixième, j’ai suivi un cursus sport de haut-niveau. Après avoir commencé en D1 à Saint-Brieuc en 2007 où j’ai fait trois saisons, l’Olympique Lyonnais est venu me recruter.
J’ai prolongé avec l’OL jusqu’en 2021, mais c’est vrai qu’il manque une Coupe du Monde à mon palmarès. L’objectif sera d’aller le plus loin possible avec l’équipe de France dans cette compétition en 2019 chez nous, en France.
Il faut être consciente que c’est une chance pour nous de montrer une bonne image de football féminin. Les caméras seront braquées sur nous, car cela se passera en France et le but sera de faire le meilleur résultat possible. Mais également de faire bonne figure hors des terrains.
On a de la qualité, seulement, une Coupe du Monde est très difficile à gagner. Il faudra y aller avec de l’ambition et donner le maximum ! Mais surtout avoir cette petite chose en plus qu’on peut appeler de la chance !
Mon contrat avec l’Olympique Lyonnais se terminera deux ans après la Coupe du Monde, en 2021, j’ai toujours dit que j’aimerais vivre une expérience à l’étranger. Pourquoi pas durant cette période, mais c’est encore loin.
Pour l’instant, je suis 100% à Lyon avec de grosses échéances, et je n’ai pas le temps de penser à plus tard. Je suis une joueuse qui a de l’ambition et je suis satisfaite. Je me sens bien au club, on a vraiment des conditions optimales pour travailler et être performante. Ce n’est pas pour rien que nous gagnions tous ces titres.
Si je devais arrêter ma carrière, ce serait sûrement à cause de ma vie familiale, car c’est la plus grosse problématique pour nous les femmes. Les hommes ne portent pas d’enfant donc c’est plus simple pour eux de jouer plus longtemps. Mais ce sera mon corps et ma tête qui me le diront.
Il est vrai que quand on a connu beaucoup de saisons au niveau professionnel, à un moment donné la tête n’a plus envie de suivre. Je le vois aussi par les personnes que je côtoie et il arrive à certaines joueuses de dire : « Je n’ai plus envie ».
Donc c’est ce qui me fera arrêter. Ce sera soit la tête, soit le corps, mais je ne continuerais pas pour continuer ou battre des records.
FAIRE ÉVOLUER LE FOOTBALL FÉMININ
Dans quelques années, j’observerais le football féminin avec beaucoup plus de licenciées, d’engouement et un championnat professionnel.
J’espère que les filles iront de plus en plus dans les stades et sur les terrains.
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Alors, foncez et soyez volontaires, car lorsqu’il y a de la volonté et l’envie de jouer, il ne faut pas se priver.
C’est aussi un peu le message que j’ai envie de donner : peu importe le sexe, fille ou garçon, tout le monde peut jouer au foot. Peu importe le niveau, ce n’est pas un sport de garçon comme on peut l’entendre.
Après je pense que cela passe aussi par l’éducation, par certains parents qui freinent les enfants. Alors qu’on peut le voir, le football féminin a toute sa place dans le monde du football.
Beaucoup de footballeuses amatrices aimeraient devenir professionnelles, le secret c’est le travail et l’entraînement. Après je pense qu’il faut avoir aussi un peu de talent pour pouvoir être professionnelle, mais aussi être exigeante avec soi-même. Il faut être dedans et être passionnée.
Cela demande aussi des sacrifices, mais ce qui compte c’est d’avoir envie, d’aller sur le terrain à l’entraînement et de se dire : « Aujourd’hui je vais progresser », et de toujours garder cette passion.
En dehors du terrain, je suis quelqu’un de très calme et de très posée. J’aime bien passer du temps chez moi et regarder des séries, sortir, aller visiter des endroits que je ne connais pas encore.
Après en match je suis quelqu’un qui ne lâche rien et qui donne tout. J’ai beaucoup de caractère. Lorsque je ne marque pas, ça peut me frustrer, mais j’essaye de me dire que la prochaine fois, le ballon rentrera dans les buts.
Mais le plus dur c’est lorsqu’on rate des occasions plusieurs fois d’affilée, l’aspect mental dans ce cas est très important. C’est aussi ce qui fait la différence entre les grandes joueuses et les très grandes. Une attaquante est obsédée par le chemin des buts, elle a envie de marquer et de faire marquer les autres, si ce n’est pas le cas il y aura forcément un sentiment d’inachevé. Même si on gagne on repensera aux tirs manqués ou à la passe manquée qui auraient pu amener un but.
Je suis nominée pour les trophées UNFP dans la catégorie de meilleure joueuse de D1 cette saison, c’est qu’il y a sûrement une raison. Je suis la meilleure buteuse de l’histoire de la section féminine à l’Olympique Lyonnais avec plus de 200 buts, c’est une grande fierté !
Tous ces jours d’entraînement où j’essaye de progresser et de me donner à 100% sont un bonheur pour moi. Évoluer à l’OL me permet de côtoyer des joueuses qui me laissent la possibilité d’être performante et c’est ça qui est formidable !
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TRANSMETTRE CETTE PASSION POUR LE FOOTBALL AUX JEUNES FILLES
Lorsque je suis arrivée à l’OL, j’ai tout de suite souhaité transmettre ma passion du ballon rond à la nouvelle génération, et surtout promouvoir et développer le football féminin.
C’est pourquoi l’hiver dernier, j’ai lancé mon premier stage Eugénie Le Sommer, à Lorient.
C’est un projet que j’avais dans la tête depuis un petit moment, aux USA, les joueuses organisent beaucoup de stages, tout comme en France dans d’autres disciplines. Je trouvais ça sympa et je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? »
Le faire à Lorient était un peu comme une évidence, car mon tout premier stage s’est déroulé en Bretagne et toute mon enfance s’est faite là-bas. C’était un grand plaisir et ça me tenait vraiment à cœur de revenir dans ma région.
On a passé deux superbes journées et c’était une belle expérience pour moi ! J’ai donc décidé de la réitérer avec un nouveau stage Eugénie Le Sommer au mois d’avril à Lyon.
Il y a eu beaucoup d’engouement, et les inscriptions se sont faites assez rapidement. Certaines sont là depuis le premier stage, donc ça montre aussi qu’il y a de l’envie derrière. Cela me pousse aussi à continuer. Je pense qu’il y aura sûrement d’autres éditions dans le futur.
Les stages prennent beaucoup d’énergie, donc c’est aussi pour ça que je le fais pendant les vacances. Mais lorsque j’ai eu entraînement le matin lors de la deuxième journée de stage à Lyon, je suis venue uniquement l’après-midi. Il faut réussir à trouver le bon équilibre.
Mon rôle commence dès le matin quand j’accueille les filles, je fais un briefing de la journée. Je suis aussi aidé par des coachs qui me conseillent pour encadrer le contenu du stage. Il y a des exercices de passes, de tirs, du travail physique et bien sûr technique.
J’en profite pour leur montrer des gestes techniques, les accompagner sur le terrain, leur donner des conseils, des analyses et leur donner confiance en elles. Puis nous enchaînons par des matchs amicaux.
Le repas du midi est offert donc nous pouvons partager un moment convivial. C’est la possibilité pour elles aussi de me côtoyer le temps d’un repas. Et l’après-midi, il peut y avoir des activités comme des tournois de baby-foot, de tennis de table, mais aussi des matchs de FIFA 18 avec des lots à gagner.
Il y a le goûter en fin de journée qui est donc un deuxième moment convivial, je peux répondre aux questions, faire des séances de dédicaces, et bien sûr immortaliser ces moments par des photos.
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Je remercie mes 2 collaborateurs qui m’aident, et PUMA mon sponsor, qui offre une tenue de football pour les jeunes durant le stage.
C’est toute une organisation. En dehors des entraînements, j’ai un petit peu de temps libre et j’essaye de m’occuper comme je peux. Les stages en font partie, donc cela prend du temps, mais il faut savoir être efficace, et j’arrive à le gérer pour le moment.
Au démarrage, ces stages s’adressaient aux joueuses de 7 à 14 ans, car on tâtait un peu le terrain. On voulait former les plus jeunes, car je ne voyais pas l’intérêt de le faire pour des séniors. Finalement pour ce second stage à Lyon, nous avons inclus les 15 ans, puisque nous nous sommes rendu compte que de nombreuses filles de cet âge étaient intéressées. Alors nous avons supprimé la plus jeune classe d’âge, car les 2 jours de stages étaient trop longs pour elles. Cette deuxième édition se focalise donc sur les 8-15 ans.
Je me suis toujours dit que j’aurais tellement aimé faire ça lorsque j’avais leur âge. Je me revois aussi en elles, et ça me rappelle des souvenirs. Cela me permet de relativiser sur beaucoup de choses, mais aussi de montrer le chemin parcouru.
Par ce biais, je peux aussi faire parler du football, et donner peut-être l’envie aux jeunes filles de s’inscrire dans un club. Alors c’est plusieurs enjeux et c’est ça qui me plait.
Je pense forcément à une reconversion dans le coaching, mais pour l’instant c’est seulement dans un coin de ma tête. Je ne me dis pas que je ferais ça plus tard.
Cependant, lors des stages j’ai beaucoup aimé passer du bon temps avec les plus jeunes, transmettre mon expérience, encourager, analyser les qualités de chaque joueuse. C’est ça qui me plaît.
Alors ce n’est que le début, mais pourquoi ne pas prendre la direction d’une équipe un jour. Pour le moment, mon avenir n’est pas encore décidé et j’ai encore beaucoup de titres et de belles choses à aller chercher avec mon club et l’Equipe de France.
EUGÉNIE AVEC SOLÈNE ANSON