AURÉLIEN QUINION : LA MARCHE EST UN JEU

Alors qu’il vient de récemment tenter l’aventure hors norme du 50km marche pour la première fois, Aurélien Quinion, spécialiste du 20km, est revenu pour Sans Filtre sur son parcours et pour sa passion pour cette discipline si spéciale.

Aurélien Quinion – Athlète

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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Alors qu’il vient de récemment tenter l’aventure hors norme du 50km marche pour la première fois, Aurélien Quinion, spécialiste du 20km, est revenu pour Sans Filtre sur son parcours et pour sa passion pour cette discipline si spéciale. (Crédit photo Une: KMSPI)

La probabilité que je finisse athlète de haut-niveau était plutôt faible, notamment dans une discipline comme la marche. Mais avant d’en arriver là, quelques étapes ont jalonné mon parcours.

C’est à l’âge de 11 ans que j’ai commencé à faire du sport, on m’avait dit que c’était une bonne manière pour les garçons de se défouler.

J’habitais à Bobigny dans une cité et à l’époque je ne faisais rien de mes journées. Mais tout le monde me voyait courir de partout et on m’a incité à faire de l’athlétisme. J’ai alors découvert toutes les disciplines à l’AC Bobigny comme la perche, le sprint, les haies ou la longueur. Je n’étais bon que dans le demi-fond et la marche. Je me souviens d’ailleurs qu’en compétition FSGT* j’arrivais à remporter mes épreuves de marche avec un tour d’avance sur le second.

*Fédération sportive et gymnique du travail.

Après 3 années là-bas, qu’on pourrait plus qualifier d’amusement que d’entraînement, je suis parti au CA Montreuil pour m’améliorer. Je pratiquais plus le demi-fond et la longueur que d’autres disciplines. À l’âge de 15 ans, j’ai vu une compétition de marche et j’ai dit à ma coach que j’étais très fort à ça. Si au début elle s’est foutue de moi, elle m’a inscrit l’année d’après à un événement marche que la Fédération Française d’Athlétisme organisait, le Challenge des Ligues qui était un Championnat de France. J’ai réussi à finir vice-champion dans ma catégorie, ce qui les a convaincues de m’intégrer une fois par semaine à une séance de marche avec un coach à Pantin.

Je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai accroché avec la marche, j’ai juste pris du plaisir d’évoluer à cette vitesse. C’est certainement plus le côté compétitif qui m’a accroché.

Mais au début, je considérais ça comme un jeu et la compétition n’était qu’un prétexte pour se retrouver entre copains. Le niveau FSGT lorsque j’étais à Bobigny n’était d’ailleurs pas très intéressant, je m’ennuyais. J’ai rapidement eu l’envie d’être plus fort en demandant à participer à des compétitions plus relevées une fois arrivée au CA Montreuil.

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UNE ENTRÉE PROGRESSIVE DANS LE MONDE DU HAUT-NIVEAU

J’ai d’ailleurs rapidement intégré les stages LIFA  et les suivis de la Ligue d’Ile de France d’athlétisme. Mon ambition de progresser était importante, j’avais indiqué à notre feuille d’objectifs donnée par le responsable de la Ligue que je voulais devenir champion olympique.

Tout est devenu plus sérieux à partir de mes saisons en cadets et de mes premières sélections avec l’Équipe de France. Avant ça, je ne pensais pas à devenir professionnel, mais plutôt à finir mes études en apprentissage pour être architecte paysagiste.

Je savais donc ce qu’était le monde du travail, de se lever tôt et de devoir faire ses 40 h par semaine. Voir cela si jeune a vraiment été un déclic, car ça m’a permis de réaliser que j’avais la possibilité de devenir athlète de haut-niveau : une vie simple et incroyable à la fois.

J’ai pris un risque en seconde année cadet en quittant le CA Montreuil pour aller chez le rival du EFCVO sans coach ni vraie structure. Mais, j’y ai trouvé 2 personnes pour m’encadrer et ils avaient un athlète à l’INSEP. C’est comme ça que j’ai pu découvrir ce formidable outil que j’ai voulu intégrer.

Au début mon club payait une cotisation pour que je puisse simplement m’entraîner dans cet endroit et c’est après de nombreux efforts et de discussions avec le manager de la marche, Pascal Chirat, que j’ai réussi à intégrer l’INSEP en 2012.

Après des résultats moins flamboyants en juniors, car j’avais continué mon apprentissage, j’ai pu retrouver un très bon niveau chez les espoirs en enchaînant les sélections nationales. Ma progression est d’ailleurs assez stable, j’arrive à prendre des minutes chaque année sur mon meilleur temps : 1 h 28 en année 1 espoir, 1 h 26 en année 2 espoir, 1 h 23 la saison dernière et 1 h 22 cette année. Les meilleurs marcheurs sur 20 km tournent entre 1 h 19 et 1 h 21.

Ce qui m’a fait rentrer dans une autre catégorie, c’est d’avoir réalisé 1 h 25 en Coupe du Monde avec les séniors alors que je n’étais pas si bien que ça au niveau physique. Mais la Fédération m’avait parfaitement pris en charge en me faisant un programme particulier avec cure à Aix-les-Bains et marche le matin.

UN ENTRAÎNEMENT DE MARCHE RAPIDE AVEC AURÉLIEN

LA MARCHE, UNE DISCIPLINE QUI DOIT TROUVER SON ESPACE MÉDIATIQUE

Même si le milieu de la marche est très sympa, avec une ambiance amicale entre tous les athlètes, je trouve que nous sommes trop renfermés sur nous-mêmes.

S’il est vrai que nous devons nous entraîner de notre côté, car tout le monde est sur piste et pas nous, nous restons trop atypiques. Hormis un Yohann Diniz mis en avant, les médias classiques ou spécialisés ne mettent pas forcément notre discipline en avant, car ils la connaissent moins. Peut-être est-ce dû à une sorte de sentiment d’infériorité des marcheurs qui sont plus renfermés ? De mon côté, j’essaie de briser ça en étant proche des athlètes de toutes les disciplines.

Étant un marcheur sur 20 km, je pense qu’il serait également plus simple pour les spectateurs ou pour les pratiquants de médiatiser cette distance. Le 50 km est un effort tellement dur, chaque entraînement dure un minimum de trois heures ce qui peut être particulièrement ennuyant. De plus, avec ce format de course, on va beaucoup trop s’attarder sur la souffrance d’un tel effort et on va l’assimiler à l’ensemble des épreuves de marche.

Il faut donc combattre cette image « négative », et je pense à des concepts originaux. Comme celui développé sur une étape anglaise de la Diamond League d’une marche sur 1 miles qui est assez spectaculaire.

Le 20 km est clairement un super jeu, avec beaucoup de stratégies liées au bluff. On ne va pas aller à fond sur les premiers km, et c’est à partir du 10ème que tu vas commencer à jouer avec tes adversaires. Sur nos courses, il y a beaucoup d’à-coups et de variations de vitesse pour se jauger et montrer qui est le plus fort mentalement.

Pour tenir le coup dans ma discipline, j’ai un entraînement qui est d’ailleurs conséquent. D’octobre à fin décembre, c’est la grosse période pour le foncier (séances de 20 à 30 km chaque matin) et la musculation. Entre janvier et février, c’est le moment de faire de l’endurance active, en faisant moins de km à 70 % de mes capacités maximales. Et en mars, c’est une sorte de mélange des trois (endurance active, allure spécifique et séances de vitesses maximums).

La saison débute rapidement avec de nombreuses échéances sur un court laps de temps. Je suis l’un de ceux qui enchaînent le plus en compétitions officielles, avec une course toutes les 3 semaines lorsque je suis dans ma meilleure forme. J’adore être dans une compétition avec des enjeux, c’est vraiment ce qui me motive le plus.

Je ne suis pas dans une logique de faire le meilleur temps possible, ça me donne trop de pression de respecter des temps de passage. Ce que j’aime, c’est dépasser mes adversaires.

C’est ce que symbolise la marche pour moi, ce jeu avec les autres.

AURÉLIEN

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