Les championnats de France Elite d’athlétisme ont livré leur verdict. Et il y a eu quelques belles surprises. A moins de quatre ans de Paris 2024, les Français peuvent espérer de belles choses, malgré le certain pessimisme qui peut régner. Petit tour d’horizon des futures chances.
Crédit : Philippe Millereau FFA
Le relais 4x100m féminin a toutes les raisons d’espérer
Penser un relais 4x100m comme une somme d’individualités serait faire grande erreur. Le passage de témoin et toute la technique autour est un point essentiel. Mais pour qu’un relais aille vite, il faut des sprinters de top niveau mondial.
Chez les femmes, actuellement aucune ne semble avoir le niveau pour viser une médaille mondiale individuelle, même si tout peut aller vite. Mais sur le plan collectif, l’homogénéité des filles, conjugué à la marge de progression de certaines, offre de belles perspectives.
A 26 et 29 ans, Carole Zahi et Orlane Ombissa-Dzangue font office de cadres. Les deux sprinteuses affichent un record respectivement à 11’’01 et 11’’06. Deux chronos respectivement 4e et 7e meilleure performance française de tous les temps.
On y ajoute des jeunes. Parmi elles, une Wided Atatou en pleine progression (11’’37 au 100m et 23’’12 au 200m). La Nîmoise de 21 ans s’est révélée sur la scène nationale et semble avoir une belle marge de progression. En retraît cet été, Cynthia Leduc a tout pour être une redoutable relayeuse. Son pallier franchi cet hiver (7’’25 au 60m) paiera sur 100m dans une saison plus normale.
Un meilleur potentiel que certains relais médaillés.
Et il ne faut pas oublier Cyréna Samba-Mayéla. Du haut de ses 20 ans, elle est en train d’exploser sur le 100m haies (12’’73). Mais elle a prouvé cet hiver qu’elle pouvait aller très vite sur le plat (7’’30). Petit clin d’œil du destin, le relais championne du monde 2003 et détenteur du record de France (41’’78), comportait une hurdleuse au départ. Une certaine Patricia Girard.
On n’oublie pas des filles comme Stella Akakpo, Orphée Néola ou encore Sarah Mingas. A l’heure actuelle, ce relais ne possède pas la puissance du quatuor championnes du monde en 2003. Avec une Christine Arron en 10’’95 (record à 10’’73), Muriel Hurtis en 10’’97 (record en 10’’96), Sylviane Félix en 11’’15 et Patricia Girard (11’’10 et spécialiste des haies et du départ). Mais un potentiel largement supérieur au relais de 2013. Qui avait un temps été vice-championnes du monde, avant de se faire durement déclasser.
Il faudra travailler les passages, longtemps un point fort français, qui est presque devenu un point faible. Un « détail » technique important pour espérer batailler avec des Américaines, Jamaïcaines ou autres Hollandaises.
Il faudra compter sur la génération 2000-01 chez les femmes !
Un peu en difficulté ces dernières années, l’athlétisme féminin pourrait incarner le renouveau ! Car une très belle génération née en 2000 et 2001 commence à pointer le bout de son nez. Avec brio, puisqu’il y a eu cinq titres de championne de France. Sokhna Lacoste (400m), Bérénice Fulchiron (1500m), Alessia Zarbo (5000m), Cyrena Samba-Mayela (100m haies) et Amanda Ngandu-Ntumba (poids). A cela s’ajoute des podiums pour Shana Grebo, Claire Palou, Flavie Renouard, Léonie Cambours et une nouvelle fois Amanda Ngandu-Ntumba.
Alors quelles perspectives pour ces athlètes qui n’ont parfois pas 20 ans ?
Cyréna Samba-Mayéla déjà dans la cour des grandes
Celle qui sort le plus du lot c’est Cyréna Samba-Mayela. Après une grosse année de doute, elle est de retour au plus haut niveau. Avec 12’’73, elle signe la 8e performance française de tous les temps et la 4e meilleure performance mondiale de l’année. Sur une année « normale », cela la place déjà dans le top 20 mondial, avec de superbes perspectives de progression. Car la protégée de Teddy Tamgho est en progrès technique, mais aussi en vitesse pure, en atteste un joli 7’’30 cet hiver sur 60m. Le record de France, co-détenu par Monique Ewangé-Epée et Cindy Billaud (12”56) est en danger. Pour être presque assuré de la médaille mondiale, il faudra courir un dixième plus vite.
Fulgurante progression pour Bérénice Fulchiron
Bérénice Fulchiron a fait une entrée fracassante dans la cour des grandes. D’abord en abaissant son record de plus de six secondes, pour le porter à 4’11’’40. Puis en remportant les France en patronne. Elle connaît actuellement une progression fulgurante. Elle valait 4’41 en cadette, seulement 16e française, mais avait toutefois montré de belles dispositions en cross, avec une 2e place aux France cadettes. On ne connait pas ses limites et elle non plus. Bien entendu, elle ne progressera pas tout le temps de six secondes par an. Mais une fille qui se rapproche des 4’00 peut légitimement penser à une médaille. D’autant qu’elle possède un finish tout à fait correct. Tous les 1500m ne ressembleront pas à la lunaire finale de Doha (9 filles sous les 4 minutes).
Alessia Zarbo pour relever le fond féminin…
Alessia Zarbo a battu un vieux record de France junior, détenu par Charlotte Audier, sur le 5000m en passant sous les 16 minutes (15’50’’47). Un vent de fraîcheur pour le fond français, secoué par les affaires Boxberger et Calvin. Malheureusement, sur le plan mondial, ce sont encore des références légères pour espérer quelque chose face à des filles passant allègrement sous les 15 minutes. Mais Alessia Zarbo suit une progression linéaire et a su se relever d’une année 2019 très compliquée. Surtout, c’était sa première année sur le 5000m. Ce qui laisse de belles perspectives.
Avec Manon Trapp qui pulvérise tous les records de France chez les jeunes
Même si elle n’était pas présente à Albi, impossible de ne pas évoquer Manon Trapp. Depuis 2019, elle additionne les record de France jeunes partout où elle passe. Ainsi, on la retrouve en 9’05”93 sur le 3000m, troisième performance française de l’histoire. Mais aussi jusqu’au semi-marathon, 1h15’48 s’il vous plait. En passant par le 10 km route (33’30). Plus forte que Liv Westphal au même âge, plus polyvalente encore qu’une Sophie Duarte. Manon Trapp est en pleine explosion. Jusqu’où cela peut-elle l’amener ? Voir des Françaises rivaliser avec les meilleures mondiales serait une véritable bouffée d’oxygène.
A 20 ans, seule Marie-José Pérec est allé plus vite que Sokhna Lacoste en France
Championne de France du 400m, Sokhna Lacoste a abaissé son record à 52’’48. En France, seule Marie-José Pérec était plus rapide au même âge. Mieux que Floria Guei. Après, pour exister au niveau mondial, il faudra se rapprocher des 50 secondes, voire passer en dessous. On n’y est pas encore. D’ici 2024, il faudrait gagner près de six dixièmes par année. Soit un peu plus que sa progression cette saison (45 centièmes). En revanche, au sein d’un relais 4x400m dense, les choses peuvent être plus « facile ». Mais elle peut jouer un jour sa carte sur le plan individuel !
Amanda Ngandu-Ntumba, jeunesse dans une discipline qui requiert de la maturité
Dans une discipline longtemps dominée par Jessica Cérival et qui se cherche une nouvelle tête d’affiche, Amanda Ngandu-Ntumba apparaît comme l’avenir de la discipline, avec un jet à 16,01m. Bien sûr, on est encore très loin des standards mondiaux. Mais le poids, comme beaucoup de lancers, requiert une maturité technique et physique qu’il est impossible d’avoir à 20 ans. En gagnant 1,40m en deux saisons, des motifs d’espoirs peuvent être justifiés.
Mis à part Cyréna Samba-Mayela qui touche déjà au niveau mondial, cette génération doit encore s’étoffer. Mais, bien suivie, bien encadré et bien aidée et on pense fort aux partenaires dans ces moments-là, il n’est pas exclu de voir des belles choses à l’avenir. On n’oublie pas non plus une fille comme Naïs Racasan, qui avait impressionné en 2019 sur le 800m.
Etienne GOURSAUD